Une nouvelle fois les agriculteurs sont au centre de l’actualité par rapport aux phyto, suite à la présentation d’une étude (appelée Propulppp) commanditée par le Ministre Di Antonio

L’objectif de l’étude était de collecter des données factuelles pour évaluer, de manière plus précise, l’exposition non alimentaire aux produits phytopharmaceutiques des populations vivant en bordure de champs traités par pulvérisation. Il a été réalisé conjointement par le Centre wallon de Recherches agronomiques (CRAW), l’Université de Liège (ULiège-Gembloux-AgroBioTech) et l’Institut Scientifique de Service Public (ISSeP) qui en a assuré le pilotage.

Bernard Decock

Les auteurs de l’étude considèrent que les enseignements majeurs qui peuvent en être tirés sont les suivants :

- Selon les S.A. (substances actives), les quantités déposées au sol sont de l’ordre de quelques dizaines de ng/m² à quelques dizaines de µg/m² (voire quelques mg/m² pour quelques SA). Dans l’air, les concentrations en SA varient entre quelques dixièmes de ng/m³ à quelques centaines de ng/m

- L’utilisation de buses anti-dérive (50%) permet de réduire significativement la dérive sédimentaire immédiate (dépôts) dans les 10 premiers mètres jouxtant la parcelle pulvérisée. Au-delà, la réduction est moindre.

 - L’installation d’un écran de type filet de protection ‘anti-insectes’ en double couche de 2 m de haut utilisé en bord de parcelle permet de réduire, dans 2/3 des observations, la dérive sédimentaire, dans les premiers mètres (6 m) et durant les premières heures qui suivent la pulvérisation (2h).

- Le dépôt au sol de SA diminue en fonction de l’éloignement de la zone de pulvérisation, particulièrement dans les 10 premiers mètres (80% de réduction pour 90% des SA). Par contre, les concentrations de pesticides dans l’air ne montrent pas de tendance nette à la diminution en fonction de la distance au champ traité. Souvent, les concentrations les plus élevées sont mesurées à une distance de 6 m du champ. Si on ne considère que les 2 premières heures qui suivent la pulvérisation, des concentrations maximales sont toutefois parfois observées à 10 m, ou 25 m du bord du champ traité. 

- Les dépôts au sol de SA diminuent, généralement, en fonction du temps écoulé depuis la pulvérisation. Les dépôts les plus élevés sont observés dans les deux premières heures. Selon les SA, entre 10% et 90% de la quantité totale se dépose durant les 2 premières heures et entre 40% et ±90% durant les 12 premières heures.

- la diversité des substances présentes dans l’air ambiant est importante. Sur base d’un screening (540 SA recherchées), de 40 à 70 SA ont été retrouvées systématiquement sur les capteurs placés pendant une période de 10 semaines dans les cours d’écoles et jardins privés.

 

Les auteurs de l’étude attribuent la contamination des classes  majoritairement  aux SA à usage agricole. Cependant, plusieurs SA à usage non agricole ont également été observées.

Enfin, toujours d’après les auteurs de l’étude, les résultats fournis par l’évaluation des risques montrent qu’une exposition à 10 m des bordures de champ à plusieurs SA ne permet pas d’exclure tout risque.

A l’issue de ce projet et compte tenu des limites de celui-ci, les auteurs de l’étude font les recommandations suivantes :

 -  Eviter de pulvériser à une distance inférieure à 10m en bordure de milieux de vie de la population car en-deçà de cette distance les risques ne sont pas exclus 

- Privilégier les pulvérisations en soirée en bordure des milieux de vie car les dépôts ont lieu essentiellement durant les (2h) 12 heures qui suivent l’épandage 

- Installer un écran de type filet à insecte de 2m de haut en bord de parcelle car celui-ci permet de réduire les dépôts issus de la dérive sédimentaire  

-  Respecter les bonnes pratiques agricoles en utilisant, entre autres, des techniques qui permettent de réduire efficacement les dépôts sédimentaires

Les auteurs reconnaissent toutefois que certaines de ces recommandations méritent d’être affinées par des études complémentaires.

 

Qu’en pense la FWA ?

Ces résultats ne sont évidemment pas super encourageants pour nos agriculteurs wallons réalisant déjà au quotidien des efforts énormes dans leur pratique de nécessaire protection des cultures.

Pour la FWA le focus médiatique actuel est l’occasion d’expliquer que les agriculteurs travaillent avec des produits agréés par nos autorités, dans le respect d’une législation stricte. Le GW avait d’ailleurs  renforcé celle-ci en 2018, la mise en application étant prévue pour cette année culturale et dans les applications de produits postérieures aux résultats de l’étude. Pour rappel, la récente législation impose l'utilisation de matériel permettant de réduire la dérive de minimum 50%, l’interdiction de débuter une pulvérisation avec un vent supérieur à 20km/h et l’interdiction d’appliquer des produits  pendant les heures de fréquentation des écoles et des crèches et ce, à moins de 50 mètres de la limite foncière de ces lieux.

Avec cette législation, la Région wallonne est déjà l’une des plus prudentes au monde et il convient de mettre en place des dispositions permettant d’appliquer ces nouvelles obligations sur le terrain. Pour la FWA, il ne peut être question d’étendre ces obligations sur base d’une étude portant sur une seule saison culturale.

L’année 2018 était une année exceptionnelle  au niveau climatique, aussi bien en ce qui concerne les hautes températures que la faible hygrométrie. Il est bien connu que les conditions chaudes et sèches favorisent l’évaporation de l’eau et concentrent les matières actives dans de plus fines gouttelettes davantage sensibles à la dérive. 2018 ne peut donc être prise comme référence pour l’établissement de nouvelles normes, ce que signale d’ailleurs l’étude.

La FWA soulève également de nombreuses questions laissées sans réponse par l’étude, comme la vérification de l’efficacité de différents types d’écran à conseillers aux personnes qui souhaitent les mettre en place (agriculteurs, particuliers, écoles, …). L’étude n’apporte par exemple aucune info sur l’efficacité  des bandes de myscanthus déjà mises en place à certains endroits.

Autre point, l’étude attribue un peu rapidement la paternité de présence de traces de substances actives aux seuls agriculteurs riverains. On retrouve pourtant en quantité non négligeable des biocides utilisés par les écoles ou parfois des traces de produits jamais agréés en Belgique. Aucune explication ne peut aujourd’hui être donnée sur l’origine de cette présence, le protocole choisi ne permettant ni d’avoir une véritable référence éloignée de toute pulvérisation agricole, ni de faire le lien avec les produits réellement utilisés par les agriculteurs.

Enfin, il convient aussi de recouper les avis scientifiques. Contacté par nos soins, le Professeur Alfred Bernard se montre beaucoup moins préoccupé de l’impact potentiel sur la santé de nos concitoyens. Le professeur estime qu’aux concentrations mesurées, on est des milliers de fois en dessous des normes sanitaires. Toujours d’après le Professeur Alfred Bernard, en dehors de l’utilisation domestique de pesticides, la population générale est exposée essentiellement via les résidus de pesticides présents dans les fruits et légumes. Mais les doses ingérées quotidiennement par le biais de l’alimentation (quelques microgrammes par kg de poids corporel), même chez l’enfant, ne dépassent pas un dixième des DJAs (Dose journalière admissibles) établies pour les différents pesticides (en moyenne les DJAs sont de l’ordre de 140 microgrammes par kg de poids corporel). Contrairement aux agriculteurs, l’inhalation est pour la population générale une voie d’exposition tout à fait négligeable. Les doses inhalées dans l’air ambiant en zone rurale sont pratiquement 10 mille fois inférieures aux DJAs.  

A ce sujet, nous encourageons nos lecteurs à regarder et à partager la vidéo de l’intervention du Professeur Bernard que nous avons réalisée et publiée sur notre page Facebook.

Malgré nos critiques quand à certains choix méthodologiques de l’étude Propulppp et les questions restées sans réponses, on ne peut toutefois pas nier qu’une partie (non déterminée par l’étude) de ce qui est retrouvé provient de pulvérisations. Il convient pour le secteur d’en prendre acte et de continuer à adapter ses pratiques. La FWA s’est inscrit résolument depuis des mois dans la rédaction d’une charte du vivre ensemble liée à l’utilisation de produits phyto. Le travail est maintenant abouti et apportera une réponse appropriée aux inquiétudes soulevées dans la population par l’étude Propulppp. La FWA appelle les agriculteurs à s’en emparer et à utiliser cet outil pour discuter avec les riverains.

La FWA a également écrit au Ministre Fédéral de l’Agriculture, responsable de la mise sur le marché des produits, afin qu’il sollicite l’avis de son administration sur les résultats présentés. Comment expliquer les dépassements constatés pour des produits utilisés suivants le respect des obligations ? Est-ce que ceux-ci constituent oui ou non un risque en termes de santé publique ? La réponse à ces questions est indispensable pour éclairer le débat, les avis scientifiques étant fort divergents sur le sujet.

Enfin, la FWA espère un retour positif rapide au projet « transition à travers champ », en attente de réponse depuis trop longtemps auprès de notre Ministre de l’Agriculture. Ce projet, porté par les agriculteurs permettra aux exploitants agricoles de continuer à évoluer dans un usage de plus en plus respectueux des produits.

Le monde agricole bouge et les agriculteurs investissent du temps, des moyens et des compétences pour répondre positivement à l’évolution de notre société. Les exploitants doivent aussi gagner leur vie dans une économie ouverte et compétitive. Il est temps que le monde politique, surtout en cette période électorale, sorte d’un schéma de stigmatisation et de culpabilisation de leurs agriculteurs. Ce sont non seulement des électeurs mais aussi des chefs de famille, soucieux de leur environnement, de leur santé, et qui demandent la juste reconnaissance de leur activité.