Une FAQ sur la révision de la Constitution

Le Sénat est saisi d’une révision législative afin d’intégrer dans la Constitution le bien-être des animaux, reconnaissant ceux-ci comme êtres sensibles, sur proposition des socialistes et des écologistes du Nord et du Sud du pays.

1. Pourquoi il ne faut pas consacrer dans la Constitution la notion de bien-être animal ?

Il convient d'être prudent lors de l'inclusion des droits des animaux dans la Constitution, puisqu’il s’agit de notre norme juridique suprême. En effet, c’est une question complexe qui nécessite une discussion approfondie et une analyse de ses implications juridiques.

Cette consécration dans la Constitution entraine des conséquences considérables :

  • De nombreuses entreprises/institutions/entités juridiques travaillent avec des animaux ou des produits d'origine animale. Le compromis entre l'économie, les intérêts personnels, la sécurité générale et la protection des animaux doit être fait avec soin, et les conséquences possibles doivent être identifiées d'abord et prises en compte ensuite. Il faut veiller à distinguer les animaux de rente et les animaux de compagnie. A l’heure actuelle, aucune distinction n’est effectuée dans les propositions de révision de la Constitution.
  • La question se pose de savoir quel impact la législation pourrait avoir sur les relations commerciales actuelles et futures avec les pays qui ont une législation différente ou moins ambitieuse que la nôtre. Les discussions doivent bien évidemment inclure ce compromis. Avons-nous envie de voir arriver sur le marché belge des produits étrangers qui ne respectent pas le bien-être animal, au détriment de notre agriculture ?
  • Il faut garder à l’esprit qu’une législation fourre-tout pourrait rendre plus difficile le contrôle ou l'endiguement d'espèces problématiques, dangereuses ou invasives à l’avenir.

2. Reconnaître la protection des animaux dans la Constitution est excessif et disproportionné

Il existe actuellement de nombreuses réglementations relatives au bien-être des animaux.

La loi la plus importante est celle du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux. Cette législation est de nature civile, voire pénale et vise la protection et le bien-être des animaux.

En outre, depuis la 6e réforme de l'État, la pleine compétence en matière de bien-être animal a été transférée de l'État fédéral aux régions. L'État fédéral ne restant compétent que pour la santé animale et la sécurité alimentaire. Le bien-être des animaux et les "soins aux animaux" relèvent actuellement de la compétence des régions.

Depuis cette réforme, de nombreuses réglementations supplémentaires sur la protection et le bien-être des animaux ont été créées en Flandre et en Wallonie, allant au-delà des réglementations européennes.

Voici quelques exemples de réglementations qui ont vu le jour en Wallonie depuis la régionalisation :

  • 14.04.2016 : Arrêté du Gouvernement wallon relatif à la saisie administrative d'animaux ;
  • 08.07.2021 : Arrêté du Gouvernement wallon relatif à la protection des animaux au moment de leur mise à mort ;
  • 31.03.2022 : Arrêté du Gouvernement wallon relatif au bien-être des dindes dans les élevages ;
  • 15.12.2022 : Arrêté du Gouvernement wallon portant sur l'interdiction ou la restriction de l'utilisation d'accessoires ou de produits causant aux animaux des douleurs, des souffrances ou des lésions évitables ;

Et enfin, l’adoption du Code Wallon du bien-être animal en 2018.

Dans le secteur agricole, de nombreuses initiatives volontaires sont prises pour améliorer le bien-être des animaux, en consultation avec des experts et des scientifiques des universités, notamment du CRA-W et de l'ILVO.

D'importantes initiatives supra-étatiques sont également prises par le biais des systèmes de qualité privés (cahiers des charges) tels que CODIPLANPlus, Parkkonijn, Belpork, Belplume, ....

Rien ne permet de penser que l’ensemble des législations européennes, nationales et régionales susmentionnées seraient inadéquates et nécessiteraient une adaptation de la Constitution.

Enfin, la protection et le bien-être des animaux est surtout d’initiative européenne. L'Union européenne défend le bien-être animal depuis 40 ans et est largement reconnue comme un leader mondial, avec des normes de bien-être animal parmi les plus strictes au monde.

Les règles de l'UE concernent principalement les animaux d'élevage (à la ferme, pendant le transport et l'abattage), mais aussi les animaux sauvages, les animaux de laboratoire et les animaux domestiques.

Dans le cadre de la stratégie "De la ferme à la table", la Commission européenne et le Parlement européen sont en train de réviser et d'étendre l'ensemble de la législation européenne en matière de bien-être animal, avec une échéance fixée à la fin 2024.

Cette impulsion européenne sera bien entendu également mise en œuvre dans les réglementations régionales.

Les législations actuelles existantes en matière de protection et de bien-être des animaux, qui ont été et seront prises au niveau national, régional et européen, sont adéquates et visent déjà un niveau de protection élevé pour les animaux.

Dès lors, la révision de la Constitution sur ce sujet est jugée tout à fait disproportionné. 

3. Est-ce que ce n'est pas une simple évolution symbolique, qui n'aura aucun impact ?

Il s’agit effectivement d’une tendance sociétale mais qui est malheureusement lourde de conséquences.

Comme déjà évoqué au Sénat lors des auditions de la FWA, «la constitution ne doit pas être un catalogue «3 suisses» contenant une pléthore de droits pour chaque effet de mode ou tendance sociétale».

Raison pour laquelle la FWA est tout à fait opposée au militantisme de certains partis politiques, poussés dans le dos par les associations de protection animale, à consacrer dans la Constitution belge la notion de bien-être animal. D’autant que les impacts juridiques ne sont pas à négliger.

En effet, l'inclusion du bien-être animal en tant qu'objectif de politique constitutionnelle a essentiellement deux conséquences juridiques pour les gouvernements.

D'une part, l'article 7bis de la Constitution contient une obligation dite négative selon laquelle il n'est pas possible d’adopter une décision contraire à l'objectif constitutionnel.

D'autre part, l'article 7bis contient une obligation positive selon laquelle les différentes autorités doivent, dans le cadre de leurs compétences, prendre les mesures nécessaires pour atteindre l'objectif fixé constitutionnellement.

L'inclusion dans l'article 23 (3) 4° de la Constitution implique également l'introduction d'une disposition de stand-still, interdisant aux gouvernements d'abaisser le niveau de protection dans la réglementation relative à la protection et au bien-être des animaux.

Cela risque de rendre impossibles les mesures d'urgence, notamment en cas de maladies animales ou de surpopulation des refuges pour animaux.

L'article 23 se trouve actuellement dans le titre II de la Constitution intitulé : "Les Belges et leurs droits". Il semble inconsidérable d'inclure les droits relatifs aux animaux parmi les droits spécifiquement destinés aux citoyens belges.

De plus, la reconnaissance d’un droit dans la Constitution sert à tout le moins de précepte d’interprétation pour le juge. Qui devra, en cas de conflit sur la portée de lois concurrentes, préférer à toute norme, celle qui se rapproche le plus de l’objectif posé par le prescrit constitutionnel.  Les juges auront dès lors l’obligation d’interpréter les textes en conformité avec le bien-être animal présent dans la Constitution.

En outre, l’insertion d’un droit dans la constitution peut, et c’est beaucoup moins connu, avoir pour effet de faciliter l’accès des requérants aux procédures d’urgence, dites en référé. En effet, le risque de préjudice grave et difficilement réparable, condition sine qua none pour introduire une procédure en référé, est susceptible de se démontrer plus aisément lorsqu’un droit constitutionnel est en jeu.

Enfin, cette révision permettra aussi un contrôle direct par la Cour Constitutionnelle, pour annuler, déclarer inconstitutionnel et suspendre des lois, décrets et ordonnances.

Compte tenu de ces conséquences juridiques importantes, l’ensemble des organisations professionnelles agricoles appelle à la plus grande prudence dans la modification de la Constitution belge.

Avant d'inclure des dispositions relatives aux animaux dans la Constitution, il convient d'examiner en détail les conséquences juridiques et de procéder aux considérations politiques nécessaires.

En effet, les propositions qui nous sont soumises peuvent avoir des implications très importantes qui ne sont pas ou peu identifiées et prises en compte à l'heure actuelle. On ne sait pas exactement quelles seront les implications futures et comment elles s'articuleront avec d'autres droits et intérêts.

Pour ces raisons, l’ensemble des organisations professionnelles agricoles ne soutient pas les propositions de révision de la Constitution.