Les NBT et les NGT

Certains commencent à les connaître ou à en entendre parler sous plusieurs noms : nouvelles techniques de sélection variétale, NBT, pour New Breeding techniques (nouvelles techniques de croisement), ou NGT, pour New Genomic Techniques (nouvelles techniques génomiques). Des techniques de plus en plus poussées pour produire des semences aux caractéristiques agronomiques intéressantes. Quelle place pour ces nouvelles techniques dans notre agriculture de demain ? La Commission Européenne planche sur le sujet depuis quelques années déjà et devrait ouvrir prochainement des débats publics en vue d’approfondir la réflexion. Le Copa-Cogeca (Ndlr : le principal syndicat agricole européen) et la FWA recevaient ainsi une délégation de journalistes européens pour discuter des enjeux pour l’agriculture européenne.

Olivia Leruth

Ce lundi 22 mai, la ferme de Wilhelm Bommers, à Sombreffe, accueillait une délégation de journalistes encadrées par le Copa-Cogeca et la FWA. Le but de cette visite était de discuter des enjeux liés aux nouvelles techniques de sélection variétales, et de leur permettre de poser leurs questions en toute transparence aux spécialistes présents. C’est que le sujet est sensible, puisqu’il touche de près à l’un des sujets qui fait régulièrement frémir l’opinion publique : les OGM.

OGM or not OGM ? That’s the question…

Car c’est bien là tout l’enjeu du débat. Actuellement, les semences issues de ces nouvelles techniques génomiques sont considérées par l’Union Européenne comme des OGM et tombent donc sous la même législation. Et la politique européenne a su se montrer très restrictive sur le sujet ces dernières années…

Si l’on en croit le Professeur Henrik Brinch-Pedersen, Chef de la section génétique des cultures et biotechnologie à l'université d'Aarhus (Danemark), il s’agit là de deux réalités bien différentes : « on parle ici d’utiliser des mutations qui existent dans la nature, sur variétés qui développent par exemple une résistance au mildiou ». On est bien loin ici de l’insertion dans une plante d’un gène étranger au génome du végétal et c’est ce qui fait, selon le scientifique, toute la différence entre les deux. « En tant que scientifique, je trouve ça fou que l’on décide de se passer de la science, qui permet de sélectionner uniquement le gène recherché, pour lui préférer des techniques de croisement plus anciennes, mais aussi plus risquées, puisque l’on ne sait pas quels effets collatéraux on peut transmettre à la nouvelle plante crée » explique-t-il devant une salle silencieuse.

Une solution pour les challenges de l’agriculture de demain ?

Du point de vue agro-économique, les nouvelles techniques de sélection variétales apportent surtout la promesse de solution aux principaux défis de l’agriculture de demain. Max Schulman, agriculteur finlandais, Président du groupe de travail Céréales du COPA et cofondateur de GrainSense Ltd, un analyseur portable de protéines et de qualité des céréales, en identifie trois : « le changement climatique, et le réchauffement global ainsi que toutes ses implications sur la réalité du terrain ; les risques des politiques menées au niveau européen, Green Deal en tête ; et enfin les marchés, incluant la volatilité des prix des matières premières, la dépendance de l'Europe à l'égard des importations d'énergie, d'engrais et de protéines végétales et l'absence de réciprocité des normes de production, qui créent une concurrence déloyale. »

Les objectifs du Green Deal et de sa stratégie Farm to Fork impliquent en effet une réduction drastique … « Mais ces changements ne pourront avoir lieu que si l’on donne aux agriculteurs les outils pour le faire » rappelle Marianne Streel, Présidente de la FWA.

L’industrie européenne handicapée par la réglementation actuelle

Le dernier argument nous sera soumis par Thor Gunnar : « Le marché actuellement est tenu par quelques sociétés, toutes basées hors Europe. Ces big five que nous connaissons tous sont actuellement à l’origine de 99% des dossiers d’autorisation de mise sur le marché » explique-t-il. « Si nous voulons que notre industrie européenne puisse elle aussi se développer, nous devons lui donner les mêmes moyens que les industries hors Europe ». Celui qui est aussi vice-président du Conseil danois de l'agriculture et de l'alimentation appelle au développement rapide d’une solution claire concernant les techniques de sélection variétales basées sur les mutations de type naturel des plantes. « Les autres nouvelles techniques doivent encore être mieux documentées scientifiquement, et prouver leur innocuité. Mais pour les techniques naturelles, il est temps de leur donner un régime spécifique, qui permettra de développer notre agriculture sans être dépendants des entreprises hors Europe ».

La Commission devrait présenter une proposition pour les NGT et une révision de la loi sur les semences d'ici la fin du mois de juin. Pour le Copa-Cogeca, il s'agit là d'une occasion unique de moderniser la législation européenne relative aux semences et au matériel de multiplication des plantes.

Wilhelm BommersEn plus de sa ferme situé à Sombreffe, Wilhelm Bommers fait également partie de la coopérative Condi-Plants, basée à Gembloux. « Nous sommes des multiplicateurs, c’est un maillon qui se situe un peu entre le sélectionneur et l’agriculteur » explique celui qui fait également partie du groupe de travail « Semences » du Copa, ainsi que d’un groupe similaire au sein de la DLG en Allemagne.  « Nous multiplions des plants de pommes de terre, mais aussi de colza hybride. Nous sommes vraiment très peu à le faire pour le colza, je pense que nous ne sommes que 5 sur toute la Belgique. » C’est dire s’il connaît le secteur de la sélection et les problématiques qui y sont liées, des thématiques qui le passionnent depuis de nombreuses années. « Pour tout agriculteur, une sélection performante est indispensable pour aborder sereinement l’avenir. Quand on voit ce qu’il se passe aujourd’hui, avec les nouvelles règlementations, les produits qui sont manquants… Il faut des solutions pour que les agriculteurs puissent continuer à faire leur métier ». A la question d’un journaliste allemand, qui faisait planer le spectre d’un marché noyé par les multinationales, la réponse de Wilhelm était claire et précise : « Ce sera toujours à nous de choisir, nous avons le choix d’acheter auprès des sociétés qui nous conviennent, selon les réalités de notre région, de notre climat, de notre sol… Nous avons toujours ce choix ! »