La FWA fait entendre votre voix au Sénat

Le Sénat est saisi d’une révision législative afin d’intégrer dans la Constitution le bien-être des animaux, reconnaissant ceux-ci comme êtres sensibles, sur proposition des socialistes et des écologistes du Nord et du Sud du pays. Un débat s’est tenu ce vendredi 17 mars en Commission des affaires institutionnelles. La FWA, mandatée pour représenter l’Agrofront, a réaffirmé son opposition de principe à cette révision constitutionnelle (voir ci-contre), tenant tête à l’imposante délégation emmenée par GAIA. Retour sur une après-midi dans l’ambiance feutrée des ors d’un pilier de notre démocratie.

Ronald Pirot

Bruxelles, vendredi 17 mars, 13h35. Maureen Trussart et Thomas Demonty, respectivement Conseillère juridique et Conseiller productions animales au sein du Conseil, Analyse et Politique (CAP) de la FWA, arrivent d’un pas décidé au Sénat. Ils y sont attendus pour un débat sur l’intérêt d’une révision constitutionnelle portant sur l’inscription du bien-être animal au sein du texte fondateur de notre pouvoir législatif. Maureen et Thomas s’y feront les porte-paroles non seulement de la FWA, mais aussi de l’Agrofront à la demande de ce dernier.

Pris en charge par un huissier d’audience, ils sont conduits à travers les couloirs de la vénérable institution jusqu’à la salle à l’atmosphère feutrée où se réunira, dans quelques minutes, la Commission des affaires institutionnelles. Le lieu, son décorum et ses ors confèrent à l’instant une solennité qui n’altère en rien la détermination du duo. Pas plus que les sourires de Michel Vandenbosch, visiblement en pays de connaissances dans l’antre sénatorial.

Des sourires...

Un président de GAIA dont le visage irradie à l’arrivée, savamment orchestrée, de la délégation d’une quarantaine de membres venus tapisser le fond de la salle, histoire de renforcer le sentiment de soutien populaire qui constituera son unique ligne de défense.

Dans les rangs socialistes et écologiques, on semble apprécier la présence de ce public tout acquis à la cause de leur proposition de révision. En face, les seuls représentants réformateurs ne s’en laissent pas compter. Les apartés se multiplient entre les uns et les autres, chacun aiguisant jusqu’à la dernière minute ses arguments, avant que la Présidente Stéphanie D’Hose (Open VLD) ne prenne place sur le perchoir. Elle-même se dit impressionnée par tant de personnes. Au point de vouloir donner directement la parole à Michel Vandenbosch. Mais Bert Anciaux (Vooruit) rappelle les obligations procédurales, avant de planter l’enjeu du débat. «Notre intention est de faire inscrire dans la Constitution le respect et le droit des animaux». Et ce, en modifiant l’article 7bis ou, mieux à ses yeux, le 23, qui placerait la nouvelle loi sous la coupe directe de la Cour Constitutionnelle.

... puis de la considération

Un avis partagé par Jean-Frédéric Eerdekens (PS) qui évoque la garde d’un chien lors de la séparation de ses maîtres. Mais aussi Fourat Ben Chikha (Ecolo-Groen), ce dernier tout sourire d’abreuver le public des mots que ce dernier souhaite entendre, tout comme le Président de GAIA quelques minutes plus tard. Un sourire nettement moins présent lorsque Maureen, secondée par Thomas, entre en scène et présente, avec aplomb et clarté, ses arguments sociétaux, juridiques... soigneusement préparés. L’écoute distraite du début fait place à davantage de considération. Bert Anciaux, en routinier de la politique, se lève pour casser cette belle dynamique. Rien n’y fait. Le duo ne s’en laisse pas décontenancer. Pas plus que ne le perturbe le discours offensif du professeur de droit constitutionnel qui, visiblement, s’est évertué à étudier les conséquences agricoles que pareille réforme a eu dans des pays voisins pour mieux en minimiser les effets.

Faut-il croire que la partie est gagnée pour autant? Ce serait sous-estimer l’importance de la coulisse et des jeux politiques dans pareils lieux de pouvoir. Comme le relève le sénateur Gaëtan Van Goidsenhoven (MR), on n’est jamais à l’abri d’une incohérence, rappelant au passage le refus de voter la fin de l’abattage sans étourdissement à Bruxelles par les mêmes partis qui défendent aujourd’hui l’inscription du bien-être animal au sein de la Constitution. Mais la FWA, de son côté, a assurément gagné… de la considération.

La FWA s'oppose à la révision

Ce vendredi 17 mars, nous avons eu l’occasion d'intervenir au Sénat, lors de la Commission des affaires institutionnelles. La révision de l'article 7bis et de l'article 23 de la Constitution était à l'ordre du jour, afin d'y intégrer la notion de bien-être animal, mais aussi la reconnaissance des animaux en tant qu’êtres sensibles. Nous avons exprimé notre farouche opposition quant à ladite révision, eu égard aux impacts juridiques non négligeables pour le secteur.

Maureen Trussart et Thomas Demonty

Comme je l’ai précisé ce vendredi 17 mars, une révision de la Constitution ne doit être envisagée que dans des hypothèses strictement énumérées.

«La constitution ne doit pas être un catalogue «3 suisses» contenant une pléthore de droits pour chaque effet de mode ou tendance sociétale». C’est pour cela que la FWA est tout à fait opposée au militantisme de certains partis politiques, poussés dans le dos par les associations de protection animale, à consacrer dans la Constitution belge la notion de bien-être animal.

La FWA considère que la réglementation existante* est jugée entièrement suffisante pour répondre aux attentes sociétales liées au bien-être animal. D’autant que les normes en vigueur sont par ailleurs synonymes de contrôles et de sanctions, sans cesse renforcés. Ce n’est pas vous qui le contredirez! Nous avons insisté sur le fait que le réel problème est plutôt la difficulté économique des exploitants à mettre en œuvre ces mesures de bien-être. En effet, ces mesures nécessitent plutôt des soutiens financiers, mais avant tout un revenu décent pour nos éleveurs. Puisque l’un ne va pas sans l’autre.

* Nous pouvons citer l’ensemble des règlements européens en la matière, mais aussi les législations fédérales et régionales. Tout particulièrement, le Code du bien-être animal adopté en 2018, mais aussi la récente reconnaissance des animaux en tant qu’êtres sensibles dans le Nouveau Code civil (article 3.39) en 2020.

Pourquoi notre opposition ?

Nous craignons que cette consécration dans la Constitution puisse permettre une ingérence dans les exploitations agricoles, de la part des associations de protection animale, sous couvert de la notion de bien-être animal. En effet, l’octroi de droits aux animaux au sein de la Constitution belge n’est pas négligeable d’un point de vue juridique. Certes, l’article 7 bis semble avoir une portée plutôt limitée de politique générale. Mais on ne peut en dire autant de l’article 23 de la Constitution, qui entraînerait un triple effet indirect:

  • il accentuerait la pression sur le législateur de prendre davantage de mesures contraignantes;
  • les autorités ne seraient plus fondées à édicter des dispositions qui réduiraient significativement le niveau de protection des droits supposés fondamentaux, à moins qu’il existe un but d’intérêt général. C’est ce qu’on appelle l’obligation de standstill;
  • en cas de conflit, le juge serait dans l’obligation d’interpréter la situation au regard, prioritairement, avec le bien-être animal tel qu’il serait présent dans la Constitution.

Au-delà de cette triple source d’effets indirects, l’insertion d’un droit dans la Constitution peut, et c’est beaucoup moins connu, avoir pour effet de faciliter l’accès des requérants aux procédures d’urgence, dites en référé. En effet, le risque de préjudice grave et difficilement réparable, condition sine qua none pour introduire une procédure en référé, est susceptible de se démontrer plus aisément lorsqu’un droit constitutionnel est en jeu.

Enfin, cette révision permettra aussi un contrôle direct par la Cour Constitutionnelle, pour annuler, déclarer inconstitutionnel et suspendre des lois, décrets et ordonnances! En d’autres termes, nous ouvrons littéralement la boite de Pandore !

Quelle est la conclusion ?

Nous ne sommes pas contre le bien-être animal. Bien au contraire! Nos éleveurs travaillent tous les jours avec leurs animaux et ils œuvrent au quotidien pour leur bien-être. Néanmoins, pour tous les motifs évoqués et surtout pour les dérives qu’elle va nécessairement entrainer, la FWA est fermement opposée à cette révision. Nous ne souhaitons pas faire peser sur le secteur de l’élevage une menace d’ingérence, alors que le secteur est déjà très fragilisé et très au fait du bien-être animal. Nous avons donc demandé aux Sénateurs et Sénatrices de ne pas céder au militantisme et à l’émotionnel et à refuser toute révision constitutionnelle sur ce sujet, que ce soit via l’article 7bis ou via l’article 23. Le vote en plénière sera effectué le 21 avril prochain. Affaire à suivre…