L’état des lieux de la filière céréales biologiques de Wallonie réalisé par la FWA met en lumière un fait longtemps pressenti et maintenant dument établi : l’offre en céréales biologiques est inférieure à la demande, avec un déficit de production évalué à 22.000 tonnes pour rendre la Wallonie auto-suffisante en céréales biologiques. Le potentiel de développement de la filière céréales biologiques de Wallonie est donc considérable. La FWA appelle à bâtir une filière durable sur base des besoins du marché pour développer et adapter l’offre en fonction de la demande.

Laura Lahon

Du froment wallon dans nos pains bio, de l’orge wallonne dans nos bières bio, des céréales wallonnes dans les rations de notre bétail bio : un doux rêve ? Il est ressorti de l’état des lieux que, malgré l’augmentation observée ces dernières années du nombre d’hectares cultivés en céréales bio, il n’en reste pas moins vrai que 95% de la production sont valorisés en alimentation animale. Le potentiel de développement de la filière est conséquent avec un déficit de production évalué à 3.490 tonnes d’orge brassicole, 6.548 tonnes de froment et 11.884 tonnes de maïs grain pour satisfaire, sur base d’un approvisionnement entièrement wallon, les besoins de consommation des différents secteurs bovin, avicole, porcin, panifiable et brassicole (tableau 1). Si la demande du secteur n’est pas rencontrée, qu’est-ce qui justifie que nos producteurs peinent à valoriser correctement leurs productions ? Pourquoi les producteurs se sont-ils dirigés vers la production de céréales « tout venant » ? De ce paradoxe est né la volonté de la FWA d’investiguer et d’identifier les freins ainsi que les leviers pour le développement de cette filière à haut potentiel.

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Tableau 1 : Confrontation des estimations de l’offre en céréales biologiques wallonnes avec les estimations de la demande.

Pointer du doigt les réels problèmes pour agir de manière efficace

Au niveau de la production, la culture de céréales panifiables et brassicoles bio est difficile. Elle doit répondre à des normes de qualité élevées et identiques à celles exigées pour les céréales conventionnelles. Les lots sont en moyenne déclassés une année sur quatre en raison de mauvaises conditions climatiques à la récolte. A la difficulté de production d’un point de vue agronomique vient s’ajouter le manque de rémunération de ces céréales de qualité technologique. Les céréales wallonnes sont mises en concurrence avec celles importées des pays de l’Est, où les coûts de production sont moins élevés. Il en découle qu’il est actuellement plus rentable pour un producteur de produire des céréales fourragères que des céréales alimentaires.

En ce qui concerne la transformation, la situation est contrastée entre la transformation primaire (malteries, meuneries) et la transformation secondaire (brasseries, boulangeries). D’une part, le secteur wallon de la transformation primaire comprend relativement peu d’acteurs, dont une majorité d’acteurs artisanaux et une minorité d’acteurs industriels. Les acteurs artisanaux, proposant un service à façon, sont en général saturés. Les acteurs industriels quant à eux exigent des lots de céréales homogènes et conséquents, ce qui est difficilement compatible avec les volumes individuels de production des agriculteurs. D’autre part, le secteur de la transformation secondaire, principalement artisanal, est en pleine expansion. De nombreuses brasseries et boulangeries montrent un intérêt à s’approvisionner à partir de matières premières locales mais sont confrontées à un manque d’offre sur le marché. Le déficit de production pour ces matières premières est accentué par le problème d’échelle rencontré au niveau de la transformation primaire, dont les volumes importants sont peu en phase avec la production et avec la transformation secondaire.

Au niveau de la consommation, la population est de plus en plus sensibilisée aux produits biologiques et locaux. Cependant, la notoriété du label bio européen reste relativement faible et de nombreux consommateurs estiment que la provenance des produits devrait être mieux indiquée, afin de pouvoir privilégier une consommation bio et locale. Les citoyens sont en général peu conscients des quantités importantes de céréales importées en Belgique pour la fabrication des pains et des bières qu’ils consomment.

Transformer les contraintes observées en de nouvelles opportunités

Développer, structurer et améliorer la cohérence des filières panifiables et brassicoles semble donc plus que jamais indispensable en vue de créer plus de valeur ajoutée au sein de la filière céréales biologiques de Wallonie. Cette valeur ajoutée pourrait ensuite être répartie de manière équitable entre les différents maillons de la filière. La FWA travaille de manière intensive à revendiquer et à mettre en place de pistes de solution pour améliorer durablement l’avenir de la filière céréales biologiques. Mais quels sont les leviers à actionner pour favoriser son développement ?

Afin de stimuler la production de froment panifiable et d’orge brassicole, la FWA appelle à la mise en place d’un système garantissant aux producteurs un prix rémunérateur à l’hectare, supérieur au prix du fourrager à rendement équivalent, tenant compte du risque de déclassement ainsi que des coûts de stockage. Cette rémunération des céréales de qualité technologique est possible sans impacter fortement le prix final des produits finis (exemple avec le cas de la bière : tableau 2). Un travail de sensibilisation et de communication est donc à effectuer en amont de la filière afin d’encourager l’utilisation de matières premières wallonnes. Le principal problème de notre agriculture wallonne reste une question de marketing : comment vendons-nous notre agriculture ?

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Tableau 2 : Coût du malt dans le prix de revient de la bière bio

Pour solutionner le problème d’échelle rencontré au niveau de la transformation primaire, la FWA se bat pour actionner deux leviers distincts : s’adapter aux outils de première transformation existants et outiller le secteur d’infrastructures de première transformation adéquates. L’adaptation aux outils existants peut être envisagée via la collaboration entre producteurs dans le but de constituer des lots de céréales homogènes via l’emblavement de la même variété (répondant aux besoins du marché). A cette fin, la FWA accompagne la création d’un groupement de producteurs de céréales biologiques. De nouveaux outils pourraient également être développés soit de manière individuelle à la ferme, des aides à l’investissement étant disponibles pour ce type d’achats, soit de manière collective via la constitution de coopératives. Rappelons qu’il est mentionné dans la Déclaration de Politique Régionale que le Gouvernement soutiendra les initiatives collectives de producteurs locaux et stimulera la mise en place d’outils collectifs de transformation et de commercialisation.

Dans le but de mieux informer les consommateurs et de mettre en évidence l’origine locale des produits wallons, la FWA revendique le développement d’un label publique bio et wallon/belge. Les produits à base de matière première régionale pourraient également être mieux mis en valeur, via la labélisation existante régionale « produit reconnu qualité différenciée » ou européenne « indication géographique protégée » et « appellation d’origine protégée ».

Passer d’une logique de flux poussés à une logique de flux tirés

Cependant, il faut garder à l’esprit que les marchés pour les céréales panifiables et brassicoles restent limités en quantités dans la filière. C’est pourquoi, même si le développement de ces filières à haute valeur ajoutée doit être poursuivi, elles ne peuvent constituer la principale orientation de la production wallonne. De plus, une augmentation de la demande en céréales fourragères est attendue à moyen terme suite à l’évolution de la règle de régionalité des approvisionnements pour l’alimentation du bétail bio dans le nouveau règlement européen et à l’augmentation du nombre d’élevages de monogastriques en Wallonie. Il faut donc encourager tous les segments de la filière céréales biologiques à se développer de manière à répondre aux besoins du marché en orientant au mieux la production et ne pas développer une offre sans débouchés.

Pour tous les segments confondus, le développement de la filière céréales biologiques passe par une meilleure organisation et circulation de l’information entre les acteurs, en termes de variétés recherchées notamment, en vue d’optimiser au mieux l’adéquation entre l’offre et la demande. Un changement de paradigme est indispensable : il faut arriver à une logique de flux tirés et non plus poussés. Le développement de solidarités entre les acteurs doit dès lors être encouragé pour atteindre les deux enjeux majeurs de la filière : améliorer sa compétitivité et assurer un revenu équitable aux producteurs. Pour ce faire, la FWA réfléchit à l’intérêt de créer une organisation interprofessionnelle en céréales biologiques pour susciter l’action collective entre les acteurs au sein de la filière.

Zoom FWA

Règle de régionalité pour l’alimentation humaine, une utopie ?

Bien qu’il existe, dans le règlement bio européen, des exigences en termes de régionalité des approvisionnements pour l’alimentation des animaux biologiques, il n’existe aucune exigence similaire concernant la régionalité des approvisionnements pour les produits bio à destination de l’alimentation humaine. Pourtant, force est de constater le rôle essentiel joué par ces exigences de régionalité qui permettent, pour l’alimentation animale, de concrétiser l’objectif poursuivi par la production biologique de privilégier les productions locales. C’est pourquoi, la FWA revendique l’adoption d’une règle équivalente pour les denrées alimentaires transformées dont les matières premières sont cultivées dans notre région afin de garantir l’intégrité de la production biologique.

Publication de la version définitive de l’état des lieux de la filière céréales biologiques

            Vous désirez mieux connaitre la filière céréales bio de Wallonie ? Vous souhaitez connaitre les tendances du marché et les demandes des consommateurs bio ? Vous voulez connaitre les freins qui entravent la valorisation des céréales wallonnes ? Vous désirez savoir quelles mesures peuvent-être prises pour favoriser le développement de la filière céréales biologiques ? Vous trouverez les réponses à ces questions dans la version définitive de l’état des lieux de la filière céréales biologiques de Wallonie disponible sur le site internet de la FWA (www.fwa.be) ou en version papier sur demande à laura.lahon@fwa.be.