La BCAE 5 pose question

Dans le cadre de la conditionnalité de la PAC, de nouvelles obligations reprises dans la BCAE 5 seront imposées pour lutter contre l’érosion des sols. Celles-ci varient selon la sensibilité à l’érosion des parcelles reprises dans une cartographie fournie par l’administration et dont l’élaboration semble poser question, notamment au vu du niveau d’exigence très impactant pour les agriculteurs concernés… En collaboration avec nos élus membres de la commission Productions Végétales, nous avons pris les devants et réalisé quelques simulations pour avoir une idée plus précise de cet impact. 

Olivia Leruth

Six codes couleur sont fournis: noir pour un risque extrême, mauve pour un risque très élevé, rouge pour un risque élevé, orange pour un risque modéré, jaune pour un risque faible et enfin, vert pour un risque très faible. Chaque couleur ayant ses contraintes (voir ci-dessous).

Plusieurs constats s’imposent assez rapidement: premièrement, la proposition de cartographie actuelle implique pour certains des pertes de superficie qui peuvent aller dans certains cas jusqu’à 10% de leur exploitation, en raison de l’implantation de bandes enherbées. Vient ensuite le côté pratique de la chose. En effet, pour adoucir le statut érosif de certaines terres, il est possible pour l’agriculteur de découper une parcelle de grande taille en plusieurs morceaux. Cela lui permet dans certains cas de passer pour certaines parcelles du statut «risque extrême» au statut «risque très élevé». Conséquence directe de la mesure: certes, l’agriculteur pourra cultiver sa parcelle, mais il devra dès lors travailler des cultures différentes, donc augmenter ses déplacements et ses intrants, et devra quand même mettre des bandes anti-érosion.

Exemple 1

Victor (nom d’emprunt) est agriculteur en Hesbaye. Il a découpé ses parcelles pour correspondre aux exigences BCAE5. Ce qui n’est pas sans conséquence, puisqu’il décide d’installer 20 bandes de 4 mètres de large, c’est-à-dire 9.800 m de long, et qu’il doit encore mettre 3.800 m de bandes de 9 mètres dans deux parcelles plus compliquées. - Surface «perdue» pour la culture: 7,5 hectares - Perte: environ 4.000 € de chiffre d’affaires par ha, soit 30.000€ de pertes estimées.

Exemple 2

Francis (nom d’emprunt) est éleveur laitier sur le plateau de Herve. Il possède 33 ha de terres arables, dont 22 sont classées en «risque extrême». Il ne pourrait donc plus y cultiver de maïs, alors qu’il les utilise actuellement uniquement pour la culture de maïs fourrager pour son cheptel, cela mettrait donc en danger l’autonomie alimentaire de son exploitation.

Exemple 3

Pierrick (nom d’emprunt) possède une ferme de 99 ha. Chez lui, 22,11 ha se retrouvent en «risque extrême», ne permettant dès lors plus que de la prairie permanente, alors qu’il ne possède pas de bétail. Lorsqu’il découpe sa parcelle en plusieurs morceaux de petite taille, il peut arriver à un statut «risque très élevé», mais la configuration de sa parcelle ne lui permet pas d'avoir accès à ces morceaux.

Rappel - C'est quoi la BCAE 5 ?

BCAE est l’acronyme de Bonne Condition Agricole et Environnementale. Il en existe 9, elles font partie de la conditionnalité, une série d’exigences que tout agriculteur doit respecter pour bénéficier des aides directes de la PAC, mais également des aides surfaciques du 2e pilier. La 5ième BCAE concerne la gestion du travail du sol en vue de réduire le risque d’érosion des sols. Si la PAC précédente interdisait déjà certaines pratiques culturales sur les terres en pente de plus de 10 ou de 15%, celle-ci s’appuie sur un nouveau référentiel.

Plus d'infos sur : https://tinyurl.com/rfpssnns 

Zoom FWA

Dans ce dossier, la FWA souhaite pouvoir rediscuter les contraintes liées à cette cartographie et propose plusieurs pistes d’amélioration:

  • Modifier les paramètres du modèle afin de réduire les classes d’érosivité et l’impact dans les exploitations. Lors de notre simulation, nous avons par ailleurs constaté que la classification des parcelles avait changé entre 2019, année où 1.000 agriculteurs ont participé à une phase pilote, et les cartes actuellement disponibles, avec un risque nettement plus important aujourd’hui ;
  • Remplacer l’obligation de bande enherbée sur la totalité du pourtour de la parcelle par une bande uniquement dans les parties qui posent problème, comme c’est déjà le cas en Flandre; Elargir les mesures antiérosives: par exemple en incluant des bandes plus larges (de 20 mètres, comme les tournières), les fascines ou encore la plantation de haies. Ces autres mesures pourraient en effet avoir un impact sur le risque d’érosion, mais n’ont pourtant pas été prises en compte pour la détermination du risque érosif ;
  • Reporter l’entrée en vigueur de ces mesures, en acceptant d’une part que 2023, vu le caractère tardif de l’accès à la cartographie, soit une année «blanche» et que, d’autre part, deux années supplémentaires soient accordées aux deux années prévues, ceci afin de permettre aux agriculteurs de s’adapter en tenant compte des rotations habituelles d’au moins quatre années ;
  • Créer un groupe de travail pour analyser les situations les plus problématiques et proposer des solutions économiquement acceptables ;
  • Mettre en place les outils spécifiques permettant le conseil et l’encadrement des agriculteurs, mais aussi la contestation de la cartographie et l’obtention de dérogations pour les petites parcelles ; 
  • Permettre la révision de la BCAE 5 lors de la révision du plan stratégique lorsque cela sera possible.