Le nouveau PGDA à l’enquête publique

L’actuel programme de gestion durable de l'azote (PGDA) doit faire l'objet de modifications, à la demande de la Commission Européenne. Conformément à la procédure légale, la proposition de modification du PGDA est pour l’instant à l’enquête publique et ce jusqu’au 30 septembre. 

Bernard Decock et Céleste Quaghebeur

 

La Commission Européenne a en effet pointé des manquements dans le programme actuel. La Région wallonne doit donc au minimum intégrer des modifications en ce qui concerne : la tenue d’un registre de fertilisation, le stockage des effluents d’élevage au champ et l’épandage de fertilisants sur parcelles en pente ou à risque d’érosion.

L’avis de la FWA

Lors des discussions préalables en 2021, la FWA n’avait pas soutenu une réforme complète du PGDA et avait plaidé pour une certaine continuité des mesures connues, tout en répondant néanmoins aux remarques de la Commission européenne. La FWA avait également insisté pour que soient prises en compte des modifications relevant de la simplification administrative, de souplesses nécessaires pour s’adapter aux conditions météorologiques et aux réalités de terrain, au bon sens agronomique et environnemental ou à l’éclaircissement du texte.

 

En bref : le PGDA

 

La FWA entendue mais restent des points épineux et un problème majeur

Certaines demandes de la FWA ont été rencontrées et nous nous en réjouissons. D’autres points restent malgré tout plus délicats ou totalement déconnectés de la réalité (voir notre encart joint au dessous de l'article sur la cartographie du risque érosif). Nous vous listons donc ci-dessous uniquement les modifications problématiques.

Le rôle des prairies temporaires non reconnu

Certaines définitions ont été revues ; ainsi dans la proposition de texte, les prairies temporaires seront dorénavant considérées comme différentes des prairies permanentes et assimilées à des terres arables. La FWA s’oppose à cette nouvelle définition. Les prairies temporaires ne sont en rien comparables à des terres de culture. Elles doivent avoir les mêmes règles que les prairies permanentes que ce soit en termes de quantités de fertilisants que de conditions d’épandages.

Concernant le stockage des effluents

Concernant le stockage au champ, et pour répondre à la Commission européenne, la durée de stockage des fumiers et composts passent de 10 mois à 9 mois. Pour les fumiers de volaille, la durée de stockage au champ passe quant à lui de 10 mois à 6 mois.

Ces modifications permettent de répondre aux remarques de la Commission mais vont engendrer des difficultés de gestion.

Quid pour les épandages ?

Pour les épandages, la notion de sol enneigé a été éclaircie. Ainsi, il est dorénavant précisé que les épandages sont interdits « sur sol entièrement blanc consécutivement à une chute de neige, quelle que soit l’épaisseur de la couche de neige ». Cette précision permettra donc d’épandre là où le sol ne sera pas couvert de neige, à condition de ne pas épandre là où le sol serait encore « blanc », comme cela pourrait être le cas sur une parcelle en lisière de bosquet où l’ombre empêcherait les rayonnements du soleil de faire fondre la neige et donc l’épandage sur cette seule partie de la parcelle.

 

Le texte du PGDA 4 interdit l’épandage en zone d’aléa d’inondation élevé en cas d’alerte de fortes pluies ; cette disposition a été ajoutée notamment suite aux inondations de 2021 que nous avons connues.

 

Aussi, sur sol non couvert, les fertilisants à actions rapides devraient être incorporés dans la journée. Un sol sera considéré comme couvert si la culture en place a atteint le stade de développement présentés dans le tableau ci-joint. Un sol reverdi par les adventices après moisson ne sera pas considéré comme un sol couvert !

 

Stades de développement des cultures pour lesquels un sol sera considéré comme couvert
Stades de développement des cultures pour lesquels un sol sera considéré comme couvert

 

De plus, la terminologie « dans la journée » est très contraignante, l’incorporation doit pouvoir se faire dans les 24 heures !

La problématique de l’épandage sur sol en pente et sa cartographie

Le système R10/R15 serait remplacé par la notion de « risque de transfert latéral des nitrates (vers les eaux de surface) » en se basant sur une cartographie classifiant les parcelles selon ce risque.

En fonction du risque identifié et de la localisation de la parcelle en Zone vulnérable ou non, les épandages de tous types de fertilisants azotés seront : soit autorisés ou autorisés avec restrictions, soit totalement interdits !

Cette modification est un point extrêmement impactant avec une révision fondamentale des restrictions d’épandage sur sol en pente.

 

Pour la FWA, il est totalement incohérent de soumettre cette proposition à l’enquête publique alors que la cartographie n’est pas encore connue et disponible à tout un chacun. Cette carte constitue pourtant un document essentiel sans lequel il n’est pas possible pour le public concerné de réagir à la présente enquête publique en pleine connaissance de cause. Par conséquent, nous estimons que le principe de l’effet utile de l’enquête publique est violé.

 

Contact avec carte.erosion@spw.wallonie.be

 

Les conséquences d’une telle interdiction de fertilisation auront un impact considérable à l’échelle des exploitations agricoles, c’est le revenu des agriculteurs qui est directement mis en jeu à travers cette proposition. De plus, dans le contexte actuel que nous connaissons suite à la guerre en Ukraine, c’est la production alimentaire globale qu’on met à rude épreuve.

Il est également étonnant que le texte en arrive à certaines interdictions totales, sans prendre en compte la distance de la parcelle à un cours d’eau.

Cette proposition est donc à revoir absolument pour permettre la fertilisation, dans des conditions permettant également la préservation de l’eau.

Le registre de fertilisation

Pour répondre aux remarques de la Commission européenne, sera mise en place la tenue d’un registre de fertilisation. Ce registre devra reprendre tous les apports de fertilisants azotés qui ne sont pas encore repris dans le LS (taux de liaison au sol). Ce registre, qui devra être tenu à la disposition de l’administration, contiendra au moins les éléments suivants : le type d’engrais utilisé, le moment d’utilisation (date de fertilisation), la quantité utilisée dont la concentration en azote et le lieu d’application (prairie ou terre arable).

Le format de registre n’est pas imposé, celui-ci devra cependant pouvoir être mis à la disposition des contrôleurs.

Et pour les couverts ?

La composition des mélanges des CIPAN a été revue et est dorénavant plus favorable à l’utilisation de légumineuses à grosses graines.

De plus, en cas de circonstances exceptionnelles, les dates d’implantation et de destruction des CIPAN peuvent être ajustées mais la durée d’implantation devra être de 2 mois minimum.

Modification des dates imposées

Si le nouveau PGDA prévoit un tout petit peu plus de possibilité de dérogations aux dates en cas de conditions météo exceptionnelles, cela ne sera pas suffisant et devrait être mieux intégré au regard de la situation chaotique encore cette année.

D’autres modifications plus mineures

La FWA accueille positivement la révision de durée de validité de l’ACISEE (Attestation de Conformité des Infrastructures de Stockage des Effluents d’Elevage) qui passe de 5 ans à 7 ans.

 

Certains assouplissements des conditions de destruction des prairies permanentes ont été prévues. Ainsi – en plus de la période du 1er février au 31 mai où la destruction des prairie permanentes étaient autorisées – du 1er juin au 31 août, une prairie permanente pourra également être détruire à condition notamment d’implanter une nouvelle prairie permanente au plus tard le 31 août.

 

Le contrat de pâturage fait dorénavant partie intégrante du texte du PGDA. L'agriculteur peut conclure des contrats de pâturage avec des tiers pour autant que le taux de liaison au sol global de son exploitation (LSG ou LS-Global) reste inférieur ou égal à l'unité́. Les contrats de pâturage doivent porter sur une durée de moins d'un an.

 

Pour le contrôle APL (Azote potentiellement lessivable), si plusieurs contre-expertises sont réalisées sur une même parcelle, c’est la moyenne de ces contre-expertises qui sera prise en compte et non plus la valeur APL la plus basse. Cette nouvelle précision rejoint en fait les principes scientifiques.

Comment répondre à l’enquête publique

La consultation du public se déroule jusqu’au 30 septembre 2022.

Les observations sur le PGDA 4 peuvent être transmises durant cette période via le formulaire en ligne à l’adresse suivante : http://environnement.wallonie.be/enquetepublique-pgda/

 

Il est également possible de transmettre vos observations par écrit, par mail ou par voie postale au Service public de Wallonie.

 

Service public de Wallonie Agriculture, Ressources Naturelles et de l’Environnement (SPW ARNE)

Département de l'Environnement et de l'Eau

Avenue Prince de Liège, 15 – 5100 Jambes

info.pgda@spw.wallonie.be

 

 

De plus, toute observation verbale peut également être recueillie par votre administration communale selon des modalités qui lui sont propres.

 

 

Les terribles conséquences de la mise en application de la cartographie du risque érosif

Le PGDA 4 prévoit de nouvelles dispositions concernant la fertilisation azotée sur les parcelles présentant un risque érosif. Les conditions de fertilisation proposées dans le nouveau texte du PGDA sont reprises dans les deux tableaux suivants

En fonction du risque identifié (de très faible à extrême) et du type de fertilisant, la fertilisation sera : soit autorisée ou autorisée avec restrictions, soit totalement interdite. Conditions de fertilisation hors Zone vulnérable.
En fonction du risque identifié (de très faible à extrême) et du type de fertilisant, la fertilisation sera : soit autorisée ou autorisée avec restrictions, soit totalement interdite. Conditions de fertilisation hors Zone vulnérable.

 

Plus de 57.000 ha concernés !

La mise en application de cette cartographie concernerait plus de 57.000 hectares sur lesquelles il y aurait des interdictions de fertilisations totales ou partielles, soit près de 13 % de la surface cultivable en Région wallonne. Cela constitue un enjeu majeur non seulement pour le revenu des agriculteurs concernés, mais également pour notre sécurité alimentaire, le tissu économique wallon et les consommateurs.

Conditions de fertilisation en Zone vulnérable.
Conditions de fertilisation en Zone vulnérable.