A quelques jours des élections qui auront lieu ce prochain week-end, il est sans doute utile de réfléchir posément à l’intérêt d’organiser encore de tels évènements dans nos sociétés surmédiatisées et braquées quasiment non-stop sur les débats politiques, sur les faits et gestes des femmes et des hommes qui nous gouvernent et sur les mouvements sociaux ou sociétaux que relayent les médias en permanence. Mais un autre débat mérite aussi d’être évoqué: celui de l’obligation d’aller voter. Si notre pays a conservé cette règle, il n’en va pas de même dans de nombreux autres états, démocratiques ou pas, où le vote facultatif est appliqué depuis longtemps. Que penser de tout cela?

Alain Masure

La question fondamentale que se posent de plus en plus de citoyens est donc la suivante: à quoi servent les élections, à quoi ça sert encore d’aller voter? Qu’est-ce qu’on va pouvoir faire changer en y allant? Les «politiciens» élus feront quand même ce qu’ils veulent sans trop se soucier des problèmes de «Monsieur tout le monde». Se déplacer au bureau de vote, faire la file, parfois longue, constitue à tort ou à raison une source de mécontentement pour beaucoup de monde. Et pourtant!

Et pourtant, il est bon de rappeler que dans nos sociétés démocratiques, et c’est heureusement le cas de tous les pays qui constituent aujourd’hui l’Union Européenne, l’élection au suffrage universel des représentants du peuple et le vote des citoyens restent évidemment les meilleurs moyens, ou peut-être les moins mauvais, qui sont garantis par la constitution et permettent d’exprimer des choix sur les grands dossiers de société. 
Si la «rue» peut jouer aussi un rôle important dans les directions proposées puis éventuellement prises par les élus, ce n’est pas elle qui doit diriger un pays démocratique. Car cette rue et ses manifestations, à laquelle il faut sans doute joindre désormais les réseaux sociaux qui ont pris depuis ces dernières années une importance considérable dans les débats de société, ne représentent jamais que l’avis très minoritaire d’un échantillon, somme toute assez réduit, de l’ensemble de la population. Ajoutons qu’il est souvent désolant de découvrir ce que Facebook et ses copains peuvent véhiculer comme fausses informations et autres bêtises, œuvres de prétendus experts qui, en fait, ne le sont pas du tout. Mais le grand danger de vouloir se limiter à cette «vox populi» pour gouverner un pays serait de permettre à des partis extrémistes et peu démocratiques d’accéder au pouvoir et de s’attaquer progressivement à toutes nos libertés. Pas besoin de détails, malheureusement, pour reconnaître la multiplication de tels scénarios à travers le monde depuis ces derniers mois, où manipulations et mensonges ont été décisifs.

Oui, les élections ouvertes à tous, qu’elles se fassent à l’échelon local, régional, national, ou européen en ce qui nous concerne, demeurent réellement un outil beaucoup plus fiable pour éviter de tels excès.
Mais pas seulement, et à la condition que le citoyen joue le jeu correctement, donc qu’il y participe. Le système de vote obligatoire que nous connaissons en Belgique y contribue évidemment puisque les choix finaux qui découleront du scrutin seront représentatifs d’une quasi-totalité du corps électoral. A ce titre, le vote obligatoire peut apparaître davantage comme le garant de la démocratie que le vote facultatif. Même en cumulant les abstentions, les votes nuls et les électeurs refusant de voter, on se situe bien au-delà des meilleurs taux de participation jamais constatés dans les systèmes à vote facultatif. On peut dès lors considérer qu’il serait aventureux d’abandonner notre système électoral actuel. Chacun aura son avis bien sûr, mais de récents exemples d’élections, pourtant totalement démocratiques, à un seul tour de scrutin et avec vote facultatif ont débouché sur des résultats inattendus et … assez regrettables.

Bien sûr, notre système électoral débouchera sur des alliances imprévues, des propositions irréalisables, des promesses non tenues, des déceptions fréquentes. Mais en tout cas jamais davantage que dans des régimes totalitaires ou faussement démocratiques où l’on risque tout simplement sa vie quand on veut exprimer ses idées et où les élections relèvent de la tragicomédie. 

Alors oui, profitons de notre système électoral et de la chance de vivre dans un pays où la liberté d’expression et d’opinion existe et est garantie et remplissons notre rôle de citoyen pour exprimer nos choix dans l’isoloir. Des millions de gens, des milliards même, sur notre Terre voudraient pouvoir en faire autant. Ne l’oublions pas!