A l’heure où nous avons l’impression que tout le monde découvre la Nature et l’utilité de la préserver, quel n’est pas mon dépit de voir que les premières attaques se tournent vers le monde agricole et ceux qui depuis toujours connaissent la valeur du VIVANT et du lien de respect important à préserver tant avec le monde animal que végétal.
Je ne nie nullement les difficultés environnementales de notre planète, ni la multitude de petites choses par lesquelles nous pouvons tous limiter notre impact. Cependant, je regarde ce qui est en train de se passer dans notre société avec optimisme mais aussi avec crainte.

Marianne Streel

Optimisme car tant les citoyens que nos jeunes se positionnent, se bougent pour faire passer leur demande de changer les choses. Craintes car la façon dont se passent aujourd’hui les choses, me parait personnellement parfois, si j’ose dire «un peu simpliste».

Si j’en reviens à l’agriculture, aujourd’hui, considérée par certains groupes comme principale responsable des différents maux dont souffre notre planète, les attaques et slogans sont souvent, soit des amalgames avec certaines autres pratiques d’autres régions du monde, soit des idées courtes non correctes et non en lien avec la réalité de notre secteur. Nous voyons aussi relevés par nos détracteurs, certaines enquêtes ou chiffres qui sont uniquement à charge de l’agriculture et qui ne tiennent nullement compte des externalités positives de nos pratiques agricoles.

Je suis également fortement étonnée par le nombre d’articles, d’émissions, de conférences et débats qui parlent d’agriculture... pas un jour sans... Tant mieux! Nous ne représentons plus qu’un peu plus de 1% de la population belge, mais intéressons encore nos concitoyens!

Il faut dire qu’en Wallonie, 48% du territoire est occupé par les agriculteurs! Ce n’est pas rien!  De plus, notre premier rôle, en dehors de l’entretien de l’environnement et des paysages et de services divers rendus à la population, est celui de produire l’alimentation...ce qui n’est pas rien comme responsabilité. Car inutile de rappeler (même si j’ai parfois l’impression que certains l’oublient) que se nourrir est nécessaire pour vivre!

Il est donc tout à fait naturel que nos concitoyens se préoccupent de leur alimentation et de la façon dont celle-ci est produite. Ce qui l’est moins, c’est d’être dans une zone de production, qui a aujourd’hui les normes tant de qualité sanitaires, environnementales, de bien-être animal que de tracabilité les plus strictes au monde, et d’avoir des consommateurs qui vivent avec l’impression qu’ils mangent des produits dangereux, et que les pratiques des agriculteurs qui travaillent près de chez eux risquent de mettre leur santé en péril!

Les agriculteurs et la société ont perdu le lien qui les unissait il y a quelques dizaines années: abandons des circuits courts faute de consommateurs attirés par l’apparition des grandes surfaces ainsi que par l’augmentation des normes de transformation; perte de main d’œuvre dans nos exploitations due à la modernisation de notre matériel et à l’envie de cette main d’œuvre de métiers moins pénibles, apparition des villages dortoirs, etc.

Le monde médiatique, les réseaux sociaux et la recherche du «buzz» à tout prix, ne sont pas non plus étrangers à cette évolution des perceptions des choses.

L’ambiance sociétale non plus! Marketing de la peur, slogans tout faits, désinformations, remise en question des scientifiques, non valorisation de ce qui fonctionne et pessimisme ambiant participent également à une certaine perte de la réalité des choses.

Tout va vite, tout change et nous devons nous adapter! Notre secteur a montré sa grande adaptabilité aux changements ces 70 dernières années. Nous devons continuer avec l’aide de la recherche à faire évoluer nos pratiques vers toujours plus de durabilité. Nous devons nous réapproprier la parole et réexpliquer nos réalités tant envers nos concitoyens, nos voisins d’exploitations que nos consommateurs.

Mais reste à constater qu’aujourd’hui, même si nous apparaissons toujours dans les sondages comme «sympathiques», que cette démarche n’est pas simple. Nous ne sommes pas toujours «audibles» car nous sommes souvent vus comme «causes et parties» et non plus comme des professionnels connaisseurs de notre secteur.

Souvent certaines ONG aussi, qui je le rappelle ne prennent aucun risques économiques et sont souvent fortement subsidiées, sont plus entendues que les acteurs économiques. Très souvent également, elles basent leurs revendications sur un ou deux des piliers de la durabilité. Souvent, l’environnement ou le bien-être animal avec parfois en plus, le pilier social. Ces ONG sont souvent plus entendues que nous par nos concitoyens. A nous de nous faire entendre!

Elles sont aujourd’hui comme les mouvements citoyens aussi entendues par les décideurs politiques.

Normal, tout le monde a le droit à la parole et à l’écoute! Cependant, je me permets de rappeler que dans notre pays qui a une longue tradition de concertation sociale, il est selon moi primordial de la préserver cette concertation sociale. Les organisations professionnelles partagent aujourd’hui la table des négociations avec la Société Civile. La question qui se pose est la part représentative réelle de chacun autour de cette table!
J’ai l’impression que souvent, le dosage au point de vue de la légitimité et de la représentativité de chacun, n’est pas toujours respecté! Oserai-je rappeler que dans une organisation professionnelle, les représentants sont élus par leurs pairs et basent leurs revendications sur l’intérêt général de leur secteur, intérêt général défini par leurs membres cotisants? Et que dire de l’idéologie de certains mouvements bien-pensant basée sur des arguments ne tenant pas compte du principe de la durabilité et qui en veulent toujours plus! Toujours plus ou allant jusqu’à considérer que le secteur agricole ne fait pas grand chose ou en tout cas pas encore assez ! Leurs surplus d’exigences et de «je lave plus blanc que blanc» risquent, quand je vois la situation tant économique et sociale dans nos exploitations aujourd’hui, d’aggraver le manque de compétitivité de nos produits mais également à court et moyen termes la durabilité de notre secteur! La durabilité, je le répète haut et fort repose sur 3 piliers : les piliers économiques, environnementaux et sociaux!