La situation socio-économique et les conditions climatiques frappent le monde agricole de plein fouet. La sécurité de l’approvisionnement alimentaire, en quantité, qualité et à un prix abordable devient à nouveau une préoccupation centrale aussi bien pour les ménages que pour les décideurs. Les idées et les interventions d'experts sont relayées dans les médias, mais reflètent-elles la réalité? N'y aurait-il pas de l'agri-bashing derrière ces démarches? La FWA ne reste pas sans réagir.

José RENARD

 

Ces derniers jours, plusieurs informations incorrectes et non-contextuelles sont apparues et ont été diffusées dans plusieurs médias grand public.

C’est ainsi que la version en ligne d’un hebdomadaire titrait « Alimenter le bétail autrement permettrait de nourrir un milliard de personnes en plus dans le monde ».

Selon cette étude, il serait possible de nourrir 1 milliard de personnes en plus en utilisant pour l’alimentation du bétail des sous-produits de l’agriculture qui seraient à l’heure actuelle « non-utilisés »: les résidus des productions agricoles tels que paille, feuilles, drêches de distillerie, résidus de betterave à sucre, colza, graines de coton; mais aussi des coproduits comme les farines d’os broyés.

 

Premier élément qui fait bondir: l’affirmation de l’auteure de l’étude selon qui « Beaucoup de ces produits sont simplement laissés dans les champs ou gaspillés ». C’est tout simplement méconnaitre que tous ces sous-produits et co-produits sont particulièrement bien et depuis fort longtemps valorisés dans l’alimentation animale et en particulier celle des ruminants. Les sous-produits de l’agriculture, tels que la paille, les drèches, les résidus de betterave, ou encore de colza, les agriculteurs belges en ont compris depuis très longtemps la plus-value dans l’alimentation de leur bétail et n’ont certes pas attendu pour les valoriser. De plus, une fraction importante de l’apport en protéines dans l’alimentation animale provient des tourteaux de soja, de colza, de lin, … soit de ce qu’il reste après l’extraction de l’huile destinée à l’alimentation humaine!

Deuxième exemple: beaucoup d’agriculteurs sont également tombés de leur siège en entendant une présentatrice de France 2, argumenter sur le fait que les « feuilles, les tiges » du blé, « soit 80% de la plante, est jeté ou brûlé » (sic) par les agriculteurs, qui n’en ont pas d’utilité. Même si l’erreur semble avoir été admise et corrigée après les nombreuses réactions du monde agricole, il n’en reste pas moins vrai que celle-ci est grossière tant elle témoigne d’une méconnaissance totale des réalités agricoles. En premier lieu, la législation européenne interdit le brûlage des chaumes. La Wallonie va même plus loin et interdit aussi le brûlage des pailles et des autres résidus de récolte. C’est un élément de la conditionnalité agricole dont le non-respect entraine des sanctions sur les montants des aides de la PAC.

En second lieu, la paille de nos fermes est valorisée dans l’alimentation et plus encore dans le confort de couchage et par là-même, dans le bien-être des animaux. La litière paillée constitue pour de nombreuses espèces animales le nec plus ultra. Cette paille mélangée aux déjections devient du fumier rendu à la terre comme amendement organique. L’apport fertilisant des engrais de ferme devient particulièrement important dans le contexte actuel. D’une part, la stratégie de la Ferme à la table de la Commission européenne prévoit une réduction de l’utilisation des fertilisants chimiques et d’autre part beaucoup de questions se posent concernant l’approvisionnement et le prix des fertilisants dans les prochains mois. C’est bien pour ces raisons, que la FWA encourage les échanges paille-fumier entre éleveurs et cultivateurs.

Troisième et dernier exemple: la déclaration du Bureau européen de l’Environnement sur le gaspillage alimentaire soulignant qu’un cinquième de la production alimentaire de l'UE, soit 153,5 millions de tonnes de nourriture, serait actuellement gaspillé chaque année et estimant que plus de la moitié de ce gaspillage serait dû aux exploitations agricoles et entreprises de transformation et de restauration. Encore une fois, des chiffres jetés en pâture sans nuance, pour justifier l’idée d’une règlementation contraignante de lutte contre le gaspillage alimentaire. Ces allégations sont durement ressenties dès lors que les efforts du monde agricole pour réduire le gaspillage sont en constante évolution. Pensons à cet égard à toutes les actions menées par l’Union des agricultrices wallonnes, aux opérations de mise à disposition d’organisations caritatives ou aux actions de glanage organisées par les agriculteurs eux-mêmes.

En voilà des exemples qui prouvent bien que notre agriculture n'est pas actrice du gaspillage. Au contraire, elle est championne de l'économie circulaire. Le slogan d’il y a quelques années est toujours pertinent: « L’agriculture recycle, et vous ? ». A nous de le faire savoir et de le marteler sans cesse!