Il faut manger local, c’est bon pour la planète… C’est un acte simple, un choix citoyen, essentiel à la lutte contre les changements climatiques. Ces idées, on les entend partout, et c’est plutôt une bonne nouvelle. Faire vivre l’agriculture de notre région, quoi de mieux en effet pour éviter les transports couteux en CO2 et marquer son opposition à des modes de productions que l’on n’approuve pas ? Mais cette belle philosophie se heurte violemment à une contradiction dont on peut mesurer presque chaque jour les effets désastreux : produire localement, oui, mais pas à côté de chez moi !

José Renard

Combien d’enquêtes de voisinages ne se terminent-elles pas sur ce constat ? Combien de demandes de permis voire même de simple renouvellement de permis pour des installations agricoles mises à mal par l’opposition des riverains ? Combien d’agriculteurs bloqués dans leur projet par une vague de protestation, parfois menée par des personnes n’ayant aucun lien ni proximité géographique avec le projet, qui ne veut pas voir pousser d’étable ici, ou de hangar là-bas et ce, indépendamment du mode de production qu’il soit conventionnel ou alternatif? Nous avons fait l’exercice : en un peu plus d’un an, nous avons relevé 94 articles de presse consacrés à ce fameux effet nimby ! A de multiples reprises, la FWA est venue à la rescousse d’agriculteurs confrontés dans un projet de  construction d’un bâtiment à la farouche opposition des riverains, d’autres villageois, voire des autorités locales ou régionales, ou même de collectifs  .

Les arguments sont toujours les mêmes. « On va défigurer le village, il va y avoir trop de charroi, donc trop de bruit, trop de boue… ». « C’est un projet trop ambitieux, ce n’est plus de l’agriculture, c’est de l’industrie ». « Et le respect du bien-être animal ? »…

Comme s’il n’existait aucun cadre en la matière ! Comme si l’agriculteur n’allait pas d’abord soumettre une demande de permis et respecter les prescriptions urbanistiques, le bien-être des animaux, la distance avec les habitations…

Cette semaine encore, à la radio, une habitante se plaignait amèrement du projet de construction d’une porcherie en Hainaut, craignant le bruit, les odeurs, les mauvais traitements aux animaux.

Trop souvent, les intervenants compétents en matière d’octroi de permis ont vite fait de qualifier tous les projets proposés d’industriels, oubliant au passage qu’une exploitation agricole a besoin d’être rentable comme toute autre activité économique ! Oubliant aussi que la zone agricole est, comme son nom l’indique assez explicitement, destinée à l’activité agricole dont font partie l’élevage et le stockage des denrées produites. Relevant même dans certains projets la dépendance aux énergies fossiles…comme si ce n’était pas toujours le cas de l’ensemble de notre société, du monde économique à nos activités domestiques !

On peut claironner que l’on veut soutenir nos agriculteurs à diversifier leurs activités et à évoluer vers des modes de production alternatifs, mais sur le terrain,  il faut concrétiser par un réel appui à leurs projets !

Pour rappel, un agriculteur qui envisage de construire un bâtiment pour son exploitation a l’obligation de demander un permis et d’en respecter les conditions, qui reprennent une série de prescriptions en matière d’intégration paysagère, de respect des normes de bien-être animal, de gestion des effluents d’élevage, d’études préalables de faisabilité (notamment en matière de prélèvement d’eau dans la nappe phréatique), de respect de seuils de bruit ou d’odeur…

Les bâtiments que l’on construit aujourd’hui disposent d’équipements qui leur permettent d’être très performants en matière d’économie d’énergie, de réduction des impacts sur l’environnement et sur le voisinage. Par exemple, la présence d’une porcherie ou d’un poulailler est désormais indécelable au niveau des odeurs, grâce aux filtres à air qui les équipent aujourd’hui. En économie, on parlera d’investissements non productifs qui représentent des charges additionnelles mais ils sont indispensables pour répondre aux attentes de notre société occidentale. A garder en tête quand on parle d’ouvrir notre économie à des produits issus du bout monde sans les mêmes contraintes sociales ou environnementales.

Pour en revenir à la notion de consommation locale, avant de protester contre un projet agricole, il est important de se souvenir que nous sommes très loin d’être auto-suffisants dans de très nombreuses wallonnes !

La Wallonie produit moins de 20% des poulets que consomme sa population, et un quart seulement de ses porcs… Voilà qui fait réfléchir à l’urgente nécessité d’une politique cohérente en matière de développement de notre agriculture, en regard de nos ambitions en matière d’approvisionnement local, d’atteinte d’objectifs climatiques.

La FWA, de son côté, défend bec et ongles les projets de ses membres, car il est évident que notre agriculture familiale n’aura de futur que si on lui permet d’investir et de se développer. Et surtout, notre agriculture n’aura pas d’avenir si l’on ne soutient pas très activement les projets de nos jeunes agriculteurs. La FWA l’a rappelé lors de chacune de ses interventions vis-à-vis des responsables politiques élus en mai, et ne manquera pas de continuer à le faire dans chacun des dossiers d’agriculteur qu’elle défend, de même qu’à chacune des futures rencontres politiques auxquelles ses représentants participeront.