La campagne betteravière bat son plein et les emblavements de froment pour la récolte 2023 vont bientôt commencer. Et pourtant les agriculteurs wallons doivent établir leur assolement dans la perspective de l’entrée en vigueur de la PAC réformée au 1er janvier 2023 sans en connaitre les modalités précises. Le Plan stratégique wallon pour la PAC 2023-2027 n’est toujours pas approuvé et a fortiori les législations wallonnes qui le mettront en œuvre ne sont pas connues. Pour la FWA, c’est tout simplement inacceptable.

José RENARD
Secrétaire Général

Au moment de la rédaction de cet édito, le Gouvernement wallon semble toujours être en discussion sur la 2ème lecture du plan stratégique wallon. Ce n’est qu’une fois celle-ci adoptée que le plan pourra être à nouveau soumis à la Commission européenne pour adoption formelle. Il avait été annoncé, notamment au Parlement wallon, que ce dépôt du plan modifié interviendrait avant la fin septembre. Cet engagement de calendrier est crucial pour obtenir l’approbation formelle de la Commission européenne avant la fin de l’année 2022. On n’ose pas imaginer les conséquences d’une situation où il faudrait appliquer la PAC réformée le 1er janvier 2023, soit dans moins de 3 mois, avec un plan stratégique wallon qui ne serait pas approuvé. Nous serions bien loin de l’image d’une Région qui gagne, comme on l’a entendu récemment dans certains discours officiels, si la Wallonie était la dernière à apporter ses réponses aux 210 questions et observations de la Commission européenne.

La Commission européenne avait transmis début juin ses observations sur le Plan Stratégique wallon 2023-2027 qui lui avait été soumis le 17 mars. Le retard de près de 3 mois dans la soumission du plan stratégique wallon à la Commission européenne traduit la longueur et l’intensité des discussions au sein du Gouvernement wallon sur le contenu du plan. La nouvelle architecture verte ainsi que le maintien des aides couplées au secteur de l’élevage figuraient au centre des débats. Il faut rappeler à ce sujet l’intense mobilisation de la FWA et de ses membres tout au long du mois de décembre dernier. Il s’agissait en premier lieu de rappeler aux décideurs wallons nos revendications :  le maintien des aides couplées, indispensables à la pérennité de notre élevage bovin, et la nécessité de prévoir des éco-régimes accessibles au plus grand nombre de producteurs. Nos actions de distribution de tracts (accompagnés d’une pomme) à destination des citoyens et des consommateurs ont aussi permis de leur montrer comment certains choix politiques contiennent des risques d’insécurisation de leur propre approvisionnement alimentaire.

Cela fait longtemps à la FWA que nous soulignons cet impératif crucial de soutenir les agriculteurs dans cette double performance  qui consiste d’une part à assurer la production de l’alimentation des Européens en quantité et en qualité, et à des prix stables, et d’autre part à viser toujours plus de durabilité selon les 3 composantes du développement durable (économique, sociale et environnementale) sans mettre de côté la nécessaire durabilité agronomique. 

En première lecture, l’essentiel des 210 observations de la Commission semblait être de nature technique et porter sur des demandes de précisions, clarifications et explications additionnelles. La FWA peut partager l’appréciation que le bulletin est globalement satisfaisant. Raison de plus pour y répondre rapidement. Il appartient bien évidemment au SPW et au Gouvernement wallon d’apporter dans les meilleurs délais les réponses à ces observations. En tout état de cause, la FWA veille tout particulièrement à ce que les réponses aux questions de la Commission ne remettent pas en cause les équilibres obtenus il y a quelques mois, en premier lieu les répartitions budgétaires. C’est une ligne rouge pour la FWA.

Nos élus l’avaient rappelé avec beaucoup de vigueur lors de la rencontre du Ministre Borsus avec le Conseil général du 31 août. Depuis plusieurs mois, faute d’indication plus précise sur les futures mesures wallonnes, les agriculteurs sont dans l’expectative pour établir leur plan de culture. Ils s’interrogent énormément sur leur participation ou non aux éco-régimes.  Comme nous, plusieurs agriculteurs ont stigmatisé le caractère trop tardif des décisions PAC ainsi que le déséquilibre du Plan stratégique wallon au détriment des grandes cultures.

Les agriculteurs wallons refusent d’être les otages ou les victimes collatérales, de la tentation du 2ème tour sur la PAC. Nous n’accepterons pas que certains profitent des réponses qui doivent être apportées à la Commission pour remettre en cause les équilibres du plan ou pour chercher à aller au-delà des exigences européennes.

Les agriculteurs sont bien conscients du rôle capital que leur secteur joue en matière de gestion de l’environnement et de réponse au défi climatique. L’agriculture constitue une partie de la solution dans la lutte contre le dérèglement climatique. Les agriculteurs sont déterminés à relever ces défis et à jouer pleinement leur rôle à cet égard, comme ils le font déjà depuis très longtemps.

Pour la FWA, les décisions sur la réforme de la PAC ne peuvent cependant pas être le prétexte à une révolution verte qui viendrait méconnaître tous les efforts déjà consentis par nos agriculteurs depuis de nombreuses années. Les accusations de «green washing», cela suffit! Mettre en avant le chemin parcouru et les efforts en cours, ce n’est pas faire preuve de ringardise, ni être un dangereux suppôt réactionnaire de l’agri-business. Les agriculteurs européens devront trouver des solutions pour relever de multiples défis sans pour autant d’ailleurs que les moyens financiers correspondants suivent. Il serait plus que temps qu’on reconnaisse leurs mérites et qu’on leur accorde les moyens financiers à la hauteur des missions qu’ils remplissent! Il est assez insupportable de s’entendre sans cesse dire «doit faire mieux» sans reconnaissance des efforts délivrés pour maintenir une production économique tout en progressant constamment vers plus de durabilité.