La FWA a toujours considéré qu’elle devait discuter et même collaborer sur certains points qu’elle pourrait avoir en commun avec les acteurs des filières, des associations diverses, des ONG ou tout autre groupe d’influence, même avec ceux avec qui elle a peu de points d’accord. C’est dans cette philosophie que, depuis le début des discussions sur la prochaine PAC après une rencontre avec un des représentants de Greenpeace Belgium, le Service d’étude a régulièrement rencontré l’ONG environnementale. Groupe de discussion informelle auquel, à la demande de ces derniers, se sont rajoutés WWF, Natagora, Nature & Progrès et IEW.

Marianne Streel

 

Un des objectifs principaux de ces rencontres: mieux comprendre les revendications des uns et des autres, mais surtout expliquer la réalité de l’agriculture wallonne… Une grande question me taraude aujourd’hui : était-ce vraiment utile?

Depuis quelques semaines, Greenpeace Belgium communique sur les réseaux sociaux avec une publication sponsorisée qui dénonce les «fermes-usines» qui selon elle, envahissent nos campagnes. Surtout en Flandres, mais aussi en Wallonie. Ces «fermes-usines» ont, toujours selon leurs dires, un impact considérable sur la nature, le climat et le bien-être animal. De plus, elles occasionneraient des nuisances et augmenteraient les risques pour la santé des riverains. Greenpeace demande aux citoyens de faire entendre leur voix et les renvoie vers une pétition afin de stopper l’installation de ces «fermes-usines».

Je ne dispose pas d’une baguette magique et je ne crois pas non plus aux miracles… Soyons clairs, si je ne m’attendais nullement, en discutant avec les représentants de Greenpeace, à des changements de comportement de communication de leur part, j’ai malencontreusement espéré qu’ils auraient une meilleure connaissance de notre agriculture et, du coup, un peu plus de RESPECT pour les agriculteurs et leurs familles. Illusoire? Sans doute !

Et ce n’est pas ma première désillusion car, suite à une de leurs publications l’hiver dernier sur la production de la viande bovine et de sa prétendue consommation d’eau, j’ai déjà pu longuement faire part de mon mécontentement à Greenpeace Belgium… Je connais leur façon de procéder à coups de slogans bien adaptés à chaque public qu’ils ciblent, basés sur des amalgames, des chiffres mondiaux ramenés à la réalité belge. Une communication qui se base sur les émotions des gens, sans aucune préoccupation des dégâts collatéraux que leur communication pourrait causer réellement à l’objectif qu’ils poursuivent. C’est une vraie usine à communiquer, bien professionnelle et sans aucun état d’âme ni sens social.

Pour revenir à cette dernière publication, un lien ouvre sur une carte de la Belgique reprenant toutes les nouvelles demandes de construction de soi-disant fermes-usines. Surfant sur l’effet NIMBY, Greenpeace fournit aussi comme informations, en dehors des lieux géographiques, le type d’animaux concerné dans la demande faite par l’agriculteur ainsi que la concentration d’animaux (selon le terme qu’ils utilisent) présente dans la région. Un appel est également fait afin que les citoyens ayant connaissance d’un nouveau projet les informent dans le but de compléter cette carte. Ils mettent également, un « guide juridique » à disposition afin que l’on puisse, pour une raison de proximité avec le projet d’élevage ou par idéologie, s’opposer à ces projets.

Greenpeace ne tient compte ni des unités de travail présentes sur ces exploitations, ni de la liaison au sol, ni de la législation sur les contrats d’épandage des effluents d’élevage, ni de l’extrême nécessité pour une production alimentaire vertueuse d’avoir obligatoirement et de façon équilibrée ce lien entre productions animales et végétales. C’est pourtant la base de l’économie circulaire et des pertes agricoles minimisées au maximum... Sans oublier le «trésor» que représente un engrais organique ! Ignorer ces notions de base est sans doute dans le vent, mais intellectuellement et agronomiquement assez malhonnête !

Même s‘il y a beaucoup à dire, je ne perdrai pas mon temps à nuancer les 10 raisons pour lesquelles, selon eux, il faut dire STOP aux nouvelles fermes-usines. Ce serait non seulement m’empêcher de faire des choses bien plus utiles pour l’agriculture wallonne, mais de plus, vu leur capacité d’écoute, bien inutile !

La FWA a dès lors préféré, dès la fin juillet, demander une analyse juridique de ce type de publication à un cabinet d’avocats spécialisés afin de vérifier l’éventuel caractère calomnieux de ce type de campagne que je juge personnellement, quel que soit le résultat de cette analyse, inadmissible.

Le retour du cabinet d’avocats est clair. Ce genre de publication sur les réseaux sociaux est bien une prévention de calomnie avec intention de nuire. De plus, en communiquant de la sorte, Greenpeace sait pertinemment bien qu’elle est susceptible de porter préjudice aux fermes concernées. La FWA adressera cette semaine un courrier à l’organisation et réfléchira avec les fermes concernées de la suite à donner à ce dossier. La FWA met en demeure Greenpeace de diffuser pareils faits et de retirer ceux déjà publiés.

De plus, elle va une fois encore rappeler à Greenpeace que la durabilité de la production de notre alimentation repose sur 3 piliers: l’économique, l’environnemental et le social. Mais aussi que la Belgique possède l’une des législations, tant sanitaire, environnementale que de bien-être animal, les plus strictes au monde concernant la production agricole, aussi bien en amont qu’en aval de sa filière. Que l’entièreté de cette filière est hypercontrôlée et que notre secteur est fortement sanctionné en cas de non-respect de ces normes.

Je rajouterai, une fois encore, que nous, les agriculteurs familiaux wallons, avons plus que conscience des défis qui se posent à notre planète et que nous sommes également des acteurs de solutions. C’est pour répondre aux besoins de la société que depuis plus de 70 ans, notre secteur, aidé par la recherche et les cellules d’accompagnement, n’a cessé d’évoluer en visant, malgré ce que certains laissent croire, toujours plus de durabilité. Dans notre secteur, celle-ci doit également être agronomique. Nous devons également avoir une grande capacité d’adaptation. Car si la beauté de notre métier est de travailler avec du Vivant, c’est aussi une de ses difficultés. Inutile de rappeler que la Nature est loin d’être aussi idyllique et tendre que certains osent (ou osaient) le dire et qu’il n’existe donc aucune formule unique et théorique à appliquer en agriculture.

Les agriculteurs familiaux wallons, malgré leurs difficultés de revenu et de transmission de leurs outils à des jeunes, sont déterminés à être ceux qui, en continuant l’évolution vers toujours plus de durabilité et en suivant les demandes du consommateur, produiront encore demain notre alimentation. J’insiste une fois encore sur le fait que nous devons non seulement vivre de notre métier comme tout un chacun, mais que pour ce faire nos productions doivent correspondre aux achats des consommateurs et non aux déclarations d’intention toutes légitimes soient-elles du citoyen. En viande de porc et en volaille, la Wallonie est loin d’être autosuffisante et nos consommateurs achètent ces aliments venant d’autres pays que le nôtre. Notre agriculture, en adoptant de plus en plus une série de cahiers des charges, dont celui du bio notamment, montre que malgré la réalité des marchés qu’elle doit suivre, elle est aussi attentive aux demandes citoyennes.

Nous devons, c’est primordial, veiller à être tous acteurs de la protection de notre planète qui en a bien besoin. Mais nous devons également fournir de l’alimentation disponible pour tous. Dans la durabilité de la production alimentaire par « pilier social », si on y entend le revenu de l’agriculteur et aussi la diminution de la pénibilité du travail, il y a également à l’autre bout de la chaîne alimentaire l’obligation de conserver une alimentation de qualité disponible pour tous... ici et ailleurs. Car la notion de famine est aussi une réalité à éradiquer dans l’objectif d’un monde meilleur.

Si on formule des revendications concernant une transition de notre agriculture, elles doivent être réalistes et doivent tenir compte d’un contexte bien plus complexe et transversal que juste surfer sur une partie de la problématique.

Il est essentiel également de valoriser les efforts fournis par chacun, de soutenir l’effort à encore réaliser, d’encourager plutôt que de détruire. Ce positionnement serait bien plus efficace, car détruire est facile, reconstruire bien plus difficile. Surtout quand on est un acteur qui observe et qui, comme le dit si bien Christiane Lambert, est « un risque rien » qui explique à « un risque tout » comment il doit travailler.

En tout cas à la FWA, c’est notre positionnement: amener tous les agriculteurs familiaux vers toujours plus de durabilité car c’est de cette manière que l’on obtiendra le meilleur bonus pour notre environnement.

Oui, les agriculteurs wallons sont mécontents ! Oui, les «soit-disant bien-pensants» traiteront la FWA de conservatrice, non consciente des enjeux et même, pour certains, ayant une attitude de «Calimero» !

A ceux-là, je répondrai juste que la FWA a essayé de collaborer, d’être pédagogique et que cela a apparemment généré peu d’effet. Notre agriculture wallonne mérite mieux que le dénigrement et la dénonciation. Et ce quelle qu’en soit la cause !

En stigmatisant grossièrement l’agriculture familiale wallonne, Greenpeace Belgium éloigne encore plus le citoyen de son agriculture et affaiblit fortement nos jeunes agriculteurs et notre agriculture familiale wallonne. Ce qui aboutira à laisser la place, non au modèle agricole qu’elle désire voir émerger, mais à celui que nous refusons tous... Ou à une dépendance au reste du monde qui produit de l’alimentation ne correspondant pas aux normes de notre région !

 

Les agriculteurs wallons disent « STOP à l’usine de communication de Greenpeace » !