C’est avec un plaisir non dissimulé que la FWA a accueilli ses membres et de nombreux invités extérieurs le 20 avril pour l’Assemblée générale 2022 dans les vieux murs de l’espace Senghor de Gembloux après les deux dernières années qui ont bouleversé nos vies, nos rapports sociaux et notre économie. Certes, la date quelque peu inhabituelle a pu rentrer en concurrence avec certains travaux des champs, mais elle témoigne de notre volonté à organiser une Assemblée générale physique dès que la situation sanitaire le permettrait.

José Renard

 

Sans vantardise, nous pouvons affirmer que notre Assemblée générale 2022 a pleinement répondu aux attentes des participants. Le fil conducteur en a été la solidarité avec les agriculteurs ukrainiens qui, le jour, participent aux combats pour la défense de leur terre natale contre l’armée de l’envahisseur et la nuit, cultivent leurs champs tout simplement pour continuer à nourrir leur famille et leurs compatriotes. Cette forme de lutte paysanne mérite tout notre respect et tout notre soutien.

Dans notre économie globalisée, la guerre à nos portes, en Europe, aura incontestablement des répercussions mondiales. Lors de notre AG, nous avons voulu en analyser les conséquences pour notre agriculture et notre souveraineté alimentaire.

Les interventions du Professeur PLATTEAU et de Monsieur Daniel AZEVEDO nous ont apporté un éclairage particulièrement instructif. J’en retiendrai la remise en contexte historique et géopolitique ainsi que la dépendance stratégique de l’Union européenne tant pour certaines matières premières que pour divers produits agricoles. Cette dépendance est incontestablement source de fragilité.

Tous, responsables politiques, responsables d’organisations professionnelles, acteurs de la filière, société civile et citoyens, nous devons trouver des solutions à très court terme à la crise humanitaire. Nous devons également travailler à une vision à moyen et long terme pour un système alimentaire plus résilient, moins dépendant du reste du monde et toujours plus durable. Cette vision devrait déboucher sur un cadre stable, clair et compréhensible qui permette pleinement aux agriculteurs de s’inscrire dans cette double performance d’une part de nourrir la population et d’autre part de toujours viser plus de durabilité à notre système agricole et alimentaire.

C’était là le fil conducteur de notre table ronde. Je retiendrai surtout de celle-ci que la sécurité de notre approvisionnement alimentaire n’est pas un acquis gravé dans le roc et qu’il est nécessaire de revoir les objectifs de la stratégie « de la ferme à la table », dont les délais sont trop rapides.

Pour la FWA, sans la durabilité économique, aucun développement durable n’est possible. Le rétablissement des revenus agricoles nécessite des prix rémunérateurs mais surtout un partage équitable des marges entre les différents maillons de la chaîne alimentaire. La réforme du Code économique et la Loi transposant la directive sur les pratiques commerciales déloyales contiennent des outils dont les agriculteurs doivent se saisir. Nous avons écouté attentivement les propos du Ministre Clarinval sur l’idée d’une loi concernant les prix agricoles annoncée dans la déclaration gouvernementale et lui faisons offre pour travailler avec lui sur ce dossier. En outre, le renforcement de la coopération en agriculture est un des grands chantiers du moment à la FWA.

 

gradin ag

 

Une Assemblée générale, c’est aussi l’occasion de rappeler quelques dossiers à l’attention de nos décideurs, avec la ferme volonté d’être entendus et écoutés.

En premier lieu vient la révision de la directive sur les émissions industrielles IED. Concrètement, le plafond de 150 UGB proposé par la Commission européenne représente 10.714 poules pondeuses OU 5.000 poulets de chair, OU 300 truies reproductrices OU 500 porcs d’engraissements. Aussi, le seuil de 150 UGB correspond à une ferme familiale de 100 vaches et 80 jeunes bêtes, soit la majorité des élevages laitiers et/ou viandeux familiaux wallons qui se voient qualifiés par la Commission « d’installations agro-industrielles ».  Au-delà de ce seuil, le fait de se voir qualifier « d’élevages agro-industriels » choque et révolte une majorité d’éleveurs, et constitue un véritable coup de poignard pour l’image de notre modèle agricole, intimement lié au sol. Nous partageons pleinement la réaction très forte du ministre français de l’agriculture, Julien Denormandie, qui parle « d’aberration et de non-sens ». N’est-ce pas se tromper de cible que d’encore une fois cibler le secteur agricole qui fait déjà énormément d’efforts afin de réduire ses émissions de polluants ?

Il est tout à fait inacceptable et incohérent de vouloir imposer de nouvelles contraintes au secteur agricole alors que les accords commerciaux bilatéraux qui autorisent l’importation de viande de pays tiers issue d’animaux élevés dans des feedlots de 30.000 bovins et où l’usage d’hormones de croissance est tout à fait autorisé, continuent d’être négociés avec tous les continents. Enfin, à un moment où le renforcement de la complémentarité entre agriculture et élevage est mis en avant comme promotion de l’économie circulaire et comme source de fixation de carbone dans les sols, on peut se demander où se cache la cohérence globale de l'approche de la Commission européenne en ce qui concerne le bétail de l'UE. Il y a quelques semaines à peine, cette même Commission affirmait dans son plan d’action REPower EU que l'élevage a un rôle crucial à jouer dans le développement d'un secteur énergétique européen résilient et indépendant. Mais cette nouvelle proposition de directive va mettre à mal les exploitations d'élevage existantes, en particulier les exploitations à taille humaine et familiale, et hypothèque sérieusement les projets à venir. Nous appelons donc nos co-législateurs, ministres et députés européens à remettre simplement du bon sens dans ces textes.

Deuxièmement, un décret wallon du 2 mai 2019 de 5 petites lignes est lourd de conséquences pour les exploitations concernées puisqu’il impose l’existence d’un couvert végétal permanent (CVP) sur une largeur de 6 mètres en bordure de cours d’eau depuis le 1 octobre 2021. La FWA a dénoncé à de multiples reprises les difficultés qu’impose cette nouvelle obligation : calendrier de mise en œuvre, cartographie erronée, modalités de gestion et absence de compensation financière. Chaque jour nous sont décrites des situations de terrain avec des doutes sur le statut du cours d’eau (concerné ou pas par l’obligation de couvert végétal permanent ?). Les agriculteurs ne disposent ni d’une cartographie correcte intégrée à leur déclaration de superficie, ni d’un courrier individualisé reprenant leur situation, parcelle par parcelle.

Dès lors nous avons lancé 2 actions : d’une part une pétition pour exempter les cours d’eau non-classés de cette obligation et, d’autre part, nous avons préparé un courrier-type à adresser au Gouvernement wallon pour illustrer concrètement au niveau de chaque exploitation la surface de CVP qui doit être implanté et le manque à gagner qui en résulte. Cette formule permettra de mesurer ce que coûte réellement cette mesure, et d’en informer le Ministre-Président.

Troisièmement, il ne se passe pas une rencontre avec le Ministre Borsus sans aborder la question de l’impérative réduction des populations de sangliers en Wallonie. Les mesures de plans de tir volontaires semblent avoir donné de bons résultats pour la saison 2021-2022. Il est indispensable de poursuivre les efforts de façon intensive et d’arriver rapidement à l’éradication du sanglier au Nord de la Meuse et à une réduction drastique des populations au Sud. Nous attendons un plan global pour parvenir à la réalisation de ces objectifs et à une véritable réduction de l’ampleur des dégâts de sangliers sur les prairies et les cultures. C’est là pour les agriculteurs, le véritable indicateur de la maîtrise des populations de sangliers. Car pour ceux qui sont confrontés à la répétition des dégâts, la coupe déborde.

Quatrièmement, sur le terrain, la situation devient de plus en plus difficile concernant l’obtention voire même le renouvellement de permis uniques de classe 2 pour des installations d’élevage. Je ne parlerai même pas des établissements de classe 1, ni de la multitude des réactions dites citoyennes. Des cas récents vécus nous font penser que l’interprétation prend le pas sur l’application stricte de la législation. Après 3 demandes de permis, toutes refusées pour une porcherie, le fonctionnaire délégué précise à l’agriculteur que son projet ne correspond pas aux valeurs défendues par la Région, d’où un refus systématique. Mais le fonctionnaire est incapable de dire quelles sont ces valeurs, et quels types de projets pourraient être acceptés. Ou, alors que tous les avis sont favorables ou conditionnés à certains aménagements réalisables, une demande de permis pour une étable d’engraissement de veaux reçoit en recours également une décision négative basée sur le fait que « l'autorité de recours ne partage pas, pour le volet environnemental, l'analyse du fonctionnaire technique". Ce qui n’empêche pas ladite autorité de recours d’émettre une série de griefs uniquement sur des aspects de bien-être animal.

 

ag-gradin

 

Quelles sont ces fameuses valeurs qui définissent les types d’exploitations qui peuvent ou non voir le jour en Wallonie ? Peut-on encore construire une étable dans notre région ? Arriverons-nous à répondre à la demande de la distribution qui souhaite se diriger vers du local y compris pour l’approvisionnement de nos concitoyens pour qui le prix est important et qui n’ont pas nécessairement les moyens d’acheter du poulet Bio ou différencié à 20 € le kg. Allons-nous laisser ces marchés à d’autres régions ? Nos producteurs candidats à l’investissement sont désemparés et se demandent ce qui est encore possible en Wallonie, rejoignant en cela les craintes concernant la directive IED.

Au moment où un nombre très important de permis vont devoir être renouvelés, il est crucial d’accompagner nos producteurs dans leurs démarches. Pour cette raison, la FWA a créé sur ses propres ressources un service Permis d’Environnement. Nous attendons toujours, et depuis de très nombreux mois, une réponse de la Ministre Tellier concrétisant son accord de principe à notre demande de subvention pour des actions d’information et de vulgarisation en matière de permis comme c’est le cas pour d’autres organisations professionnelles.

La FWA, ses élus, ses membres, ses responsables et ses services déploient chaque jour une intense activité pour exercer nos 3 métiers : défendre les membres collectivement et individuellement, les représenter à de très nombreux niveaux et enfin les informer et communiquer. L’amélioration continue des services rendus aux membres fait partie de notre ADN et constitue un axe essentiel de notre activité. Un plan stratégique global intitulé # GO FWA a été décidé par le Conseil d’Administration de la FWA en septembre 2020.  Ce plan doté d’objectifs ambitieux est issu d’une intense concertation interne et est le fruit d’une co-construction avec les services de la FWA. Les actions concrètes reprises dans le plan ne sortent pas de manuels de management mais bien des besoins identifiés lors de nos discussions internes. C’est un plan élaboré de l’intérieur en concertation large, tout en menant de front nos différents métiers. Malgré tous les aléas liés à la situation Covid et le volume de travail requis pour le plan stratégique PAC, l’année 2021 a vu le début de la mise en œuvre des différentes stratégies à mener pour renforcer l’efficacité de nos actions et l’efficience de notre travail, toujours dans le sens de plus et mieux de service rendu à nos membres.

Un travail qui se poursuit et se poursuivra dans les mois à venir, avec pour objectif principal pour tous nos services, de défendre les intérêts des familles qui exercent le métier le plus important du monde, celui qui nourrit la planète !

 

ag-bache