Les élections du mois de mai sont déjà bien loin. Un semestre entier s’est écoulé sans que les partis invités à négocier puissent trouver un terrain d’entente qui leur permette de construire un programme de  gouvernement fédéral pour  la législature en cours. Les citoyens attendent, avec une admirable patience. Pourtant, cette vacance n’est pas sans conséquences, loin s’en faut.

José Renard

 

Notre pays est compliqué. Aux étrangers qui prétendent qu’on leur a expliqué comment fonctionne la Belgique, on répond souvent avec l’humour qui nous caractérise que s’ils pensent avoir compris, c’est qu’on leur a sans doute mal expliqué.

De l’humour et de la patience, il en faut, en Belgique., Faute d’une équipe gouvernementale fédérale disposant des pleins pouvoirs pour avancer, de nombreux enjeux fondamentaux auxquels nous sommes confrontés restent en stand by. Ce n’est sans doute pas faute d’essayer, mais, comme l’expliquait très bien Mr Jean FANIEL Directeur du CRISP lors d’une soirée Epislogues organisée dernièrement par la FWA, les résultats radicalement différents qu’ont produits les urnes au nord et au sud du pays rendent la négociation plus que délicate. Les exclusives des divers partis, qui se refusent à gouverner aux côtés de tel ou tel, n’arrangent évidemment pas la situation. Tous les partis qui détenaient le pouvoir, tous les partis dits traditionnels, connaissent une perte de vitesse plus ou moins grande.

Bref, c’est complexe et malgré le légendaire sens du compromis pour lequel la Belgique est internationalement connue, rien ne bouge depuis 6 mois…voire pratiquement un an, si l’on compte le ralentissement inhérent à la période pré-électorale et avant cela l’entrée du gouvernement en affaires courantes.

Certains diront que le niveau fédéral est moins crucial qu’il ne l’a été, et c’est vrai qu’au fil des régionalisations, il a perdu des compétences au profit des entités fédérées. Cependant, quand la gestion budgétaire d’une année entière est placée sous le régime des douzièmes provisoires, cela ne laisse aucune place au financement de nouveaux projets. A fortiori quand il n’y a pas beaucoup de perspectives que cette situation évolue à court terme.

Par ailleurs,  si l’on se contente de regarder le problème au travers de la seule lorgnette agricole, les difficultés ne manquent pas de surgir en l’absence de gouvernement fédéral.

En effet, de nombreuses matières essentielles à notre secteur restent gérées à ce niveau de pouvoir. Sans gouvernement fédéral, comment adopter une position commune belge forte pour défendre un budget solide pour la PAC, première condition à la construction d’un cadre solide pour nos exploitations pour la programmation de la PAC post 2020.

Sans budget européen fixé, il est forcément difficile de définir des lignes directrices PAC claires et détaillées qui nous permettraient de savoir comment envisager la gestion des fermes belges et a fortiori wallonnes pour les années à venir. Le brexit qui s’éternise, et la difficulté à désigner une Commission européenne qui convienne à tous, démontrent que les difficultés politiques ne sont pas l’apanage de notre seul pays. Ils viennent aussi ralentir de façon considérable la machine européenne déjà bien lourde à manœuvrer, et du coup, reportent sine die la définition d’un budget et la négociation de la PAC.

Sans même parler d’Europe, le niveau fédéral assure aussi des questions aussi capitales que la politique sanitaire, qui revêt une importance considérable pour notre secteur. Idem pour la négociation d’ accords commerciaux internationaux, dont il n’est pas nécessaire de rappeler encore une fois qu’ils peuvent influencer sérieusement les équilibres et à terme, les trésoreries de nos exploitations.

La Wallonie dispose d’un gouvernement depuis deux mois, et c’est très bien. Toutefois, ici aussi, on constate que les choses se mettent en place avec une certaine lenteur et que, dans certains domaines,  l’on tarde à voir poindre les réponses à nos questions urgentes, voire à nos demandes de rendez-vous.

Bref, notre pays donne l’impression de tourner au ralenti et c’est très dommageable pour les citoyens du nord comme du sud. Il est plus qu’urgent que les responsables politiques à la manœuvre se ressaisissent et empoignent fermement les responsabilités qui leur ont été confiées lors du scrutin de mai.

Les Belges sont patients, mais ils ont désormais rapidement besoin d’un gouvernement fédéral pleinement investi !