Rencontre au cabinet Tellier

Une délégation des organisations professionnelles agricoles a été reçue au cabinet Tellier ce jeudi 30 mars. Le but de cette rencontre était d’exposer les problèmes concrets rencontrés sur le terrain par les agriculteurs confrontés à la levée des dérogations accordées dans le dossier de la clôture des cours d’eau. Daniel Debarsy, agriculteur à Bertogne et Président de la section locale FWA de Bastogne, faisait partie de nos représentants.

Olivia Leruth 

S’il a été choisi pour intégrer notre délégation à Namur, ce n’est pas pour rien, nous explique-t-il d’emblée. «J’avais commencé à interroger Madame Tellier par courrier au début mars 2022, en lui disant que je n’étais pas d’accord  (avec la levée des dérogations, Ndlr), mais je n’ai reçu aucune réponse au début» se souvient-il. Ce n’est qu’au mois de juin qu’il reçoit un premier courrier de la Ministre de l’Environnement, s’excusant pour la réponse tardive, mais indiquant clairement qu’elle n’était en rien responsable du dossier, emmené à l’époque par l’ancien Ministre de l’Agriculture Di Antonio et l’ancien Ministre de l’Environnement Henry. Chou blanc pour une première approche donc.

Une histoire qui commence dans le Luxembourg…

Mais la ténacité des luxembourgeois est bien connue, et notre bertognard ne s’est pas laissé abattre par ce premier obstacle. Soutenu par la FWA dans ses démarches, il revient à la charge lors de la foire de Libramont: «les membres du cabinet m’ont demandé de ramener mon dossier le dimanche, ce que j’ai fait. Mais malgré cela, toujours rien». Aux grands maux les grands remèdes, il décide d’interpeller le Collège communal de Bertogne, dans lequel il occupe un poste de conseiller communal au sein de l’opposition. Ensemble, ils rédigent une motion. «Elle a été déposée aux alentours du mois d’octobre, et envoyée à la Députée provinciale Coralie Bonnet, dont le cabinet s’est chargé de la transmettre aux 44 communes de la Province du Luxembourg, qui ont toutes fait remonter un dossier à la Ministre» nous explique-t-il.

S’en est alors suivi une rencontre sur place avec le cabinet Tellier, accompagné de deux gardes du DNF, pour constater les principaux soucis sur le terrain. «On est bien d’accord de protéger la faune aquatique, pour ça il n’y a pas de souci. Mais il faut garder aussi en tête le bien-être de nos animaux et la faisabilité» clame-t-il.

… pour atteindre les bureaux à Namur

La rencontre de jeudi faisait donc suite à l’ensemble de ce dossier. Obtenue par la FWA, et organisée par Bernard Decock et Didier Vieuxtemps, respectivement responsable Environnement et Conseiller Biodiversité au sein de la Direction Conseil Analyse et Politique (ancien service d’études de la FWA), cette rencontre avait pour but de faire entendre, une fois de plus, les récriminations du secteur. Daniel Debarsy nous raconte: «avec André Rulkin, Président de la Commission environnement de la FWA et Nicolas Annet, nous étions quelques agriculteurs pour expliquer ce que l’on voulait. La représentante de la Ministre a été à notre écoute et a semblé avoir bien compris l’importance du bien-être des animaux et de la problématique d’approvisionnement en eau».

Le bien-être animal et l’environnement au cœur du problème

Et quelles sont les solutions proposées? Pour la délégation, il était important de permettre un accès d’au moins 6 mètres, où les bêtes peuvent s’abreuver, mais aussi traverser. «C’est le problème de certaines parcelles» nous raconte encore Daniel «souvent, chez nous, les ruisseaux ne sont pas situés en bord de parcelles, mais au milieu. On se retrouve alors avec une prairie de 5 hectares, dans laquelle on va mettre 30 vaches, mais qui devront rester sur une seule partie de la prairie, puis devront être transférées sur l’autre, qui ne fait peut-être qu’un seul hectare et qui est donc trop petite… Sans compter qu’il faut avoir accès à cette seconde partie, ce qui n’est pas toujours le cas». Un non-sens pour cet éleveur, qui rappelle également que les solutions proposées pour apporter de l’eau au bétail ne sont pas toujours réalisables, ne serait-ce que compte tenu des risques de tension sur les réseaux de distribution publique et la sécheresse impactant les cours d’eau ces dernières années. «Aujourd’hui, nous connaissons des périodes bien plus sèches qu’avant, avec des ruisseaux qui peuvent descendre très bas en été… Les solutions d’abreuvoirs ne sont donc pas envisageables. La seule solution qui le soit, c’est d’amener des cubis d’eau en tracteur, et là, en termes d’écologie, on n’atteint pas vraiment l’objectif ».

Des propositions constructives bien reçues par le cabinet

Quelle solution alors pour contenter tout le monde? Notre délégation a proposé de garder cet accès de 6 mètres revendiqué depuis longtemps, en l’assortissant d’un empierrement «en pierres naturelles, pas en béton!» pour éviter d’agrandir le lit du ruisseau ou d’y faire des «barrages» pour la faune aquatique.

Une certaine souplesse concernant la distance des clôtures à 1 mètre à partir de la crête de berge a également été demandée, compte tenu notamment des variations naturelles du lit du cours d’eau qui peuvent survenir au cours du temps ou des saisons. Daniel Debarsy ajoute: «On a demandé aussi que l’on ne fasse pas déplacer les clôtures aux personnes qui en avaient déjà placées à 75 cm. Là, l’idée était plutôt de garder un pourcentage de distance sur la totalité du cours d’eau».

Enfin, il semble acquis qu’il n’y aurait pas de sanction possible tant qu’il n’y a pas de bêtes sur la prairie au moment du contrôle. 

Promesse d’un retour rapide

En conclusion, le cabinet de la Ministre de l’Environnement a terminé sur une promesse de remonter ces propositions à l’administration, afin de voir dans quelles conditions elles pourraient être intégrées. «Elle ne se mouille pas vraiment, mais a semblé plutôt d’accord avec nos propositions». Un prochain rendez-vous devrait avoir lieu dans deux à trois semaines pour assurer une suite à ce dossier. Nous vous en tiendrons évidemment informés.

ZOOM FWA

La réunion au cabinet de la Ministre Tellier était attendue avec impatience et faisait suite à plusieurs interpellations sur les difficultés de mise en œuvre des nouvelles dispositions depuis janvier 2023 (la levée des dérogations sur tout le territoire wallon, pour les cours d’eau classé).

Les questions posées couvraient quatre thématiques:

  • L’accès pour le bétail ;
  • Les possibilités de dérogation pour les faibles charges ;
  • L’accès aux parcelles enclavées ;
  • S’assurer d’avoir de la souplesse par rapport à la distance de 1 m (ou 0,75 m en cas de clôtures posées avant 2014).

La réunion fut positive et constructive, et les organisations agricoles unanimes dans leurs demandes:

  • Garder un accès limité: proposition de clôture sur 95% des linéaires concernés et laisser minimum 6 m pour l’accès (en empêchant le bétail de remonter la rivière) ;
  • Pas de remise en cause des aménagements déjà réalisés dans les zones Natura 2000 ou en amont des zones de baignades ;
  • Prise en compte des situations des parcelles enclavées.

Le cabinet de la Ministre s’est engagé à nous revenir rapidement et communiquera sur les dispositions.