Ce vendredi 1er octobre, une délégation de la Fédération Wallonne de l’Agriculture soutenue par les tracteurs de membres de la section locale d’Eghezée s’est rendue à l’Elysette pour rencontrer plusieurs membres du Gouvernement wallon et les sensibiliser à la nécessité de soutenir les efforts de durabilité de notre secteur, dont le bilan environnemental est en constante amélioration. Rappelons que le plan stratégique wallon de mise en œuvre de la PAC réformée devra être soumis à la Commission européenne pour le 1er janvier 2022. La FWA voulait dès lors attirer l’attention du Gouvernement wallon sur les conséquences possibles de certains choix.

José Renard

 

Au moment même où les discussions concernant l’élaboration du plan stratégique wallon mettant en œuvre la PAC réformée semblent être entrées dans une phase plus politique, trois études sorties récemment dénoncent de très probables conséquences néfastes de la combinaison de la future PAC et des stratégies du Green deal sur notre agriculture européenne. Trois études émanant du Département américain de l’Agriculture, de l’université de Kiel (Allemagne) et du Centre de Recherche Commun (qui n’est rien de moins que le service scientifique interne de la Commission européenne), partagent le même constat: les stratégies du Green deal, et en particulier « De la ferme à la table », vont diminuer la compétitivité de notre agriculture européenne et notre souveraineté alimentaire. Ces politiques combinées risquent de faire très mal au secteur agricole de l’Union européenne, ainsi qu’aux consommateurs, et ce, de surcroît, sans atteindre les résultats attendus concernant les défis climatiques et environnementaux. Ainsi, selon le CCR, la stratégie « De la ferme à la table » devrait causer une diminution de 5 à 15% en moyenne (selon les scénarios choisis) de la production agricole de l’Union, et une hausse de 10% des coûts de production. Les effets sont du même ordre de grandeur dans les autres études.

Nous ne reviendrons pas sur la discrétion suspecte qui a entouré la diffusion début août du rapport du Centre commun de recherches (CCR), ni sur le fait que jusqu’à présent la Commission européenne n’a présenté aucune analyse d’impact de ses stratégies. Par contre ce qui est indéniable, c’est la convergence des résultats des constats et résultats qui émanent des études connues à ce jour, ainsi que des résultats préliminaires de certaines analyses qui seront bientôt diffusées. Les stratégies du Green Deal se traduiront par un recul de l’agriculture européenne et par la hausse de nos coûts de production fragilisant ainsi l’économie de très nombreuses exploitations familiales et mettant en péril leur pérennité. L’affaiblissement de notre souveraineté alimentaire qui résulte de ces stratégies, alors qu’il s’agit pourtant d’un enjeu stratégique majeur, fera basculer l’Union européenne vers un statut d’importatrice nette de produits alimentaires et entrainera non seulement une hausse des importations mais surtout une augmentation des prix à la consommation pénalisant ainsi les plus fragiles dans notre société. Sans compter que les gains potentiels en termes d’émissions de gaz à effet de serre seraient fortement neutralisés par la croissance de la production de carbone dans les pays tiers.

La FWA a souligné auprès du Gouvernement wallon ce danger de dualisation croissante dans l’accès à l’alimentation pour nos concitoyens : une alimentation européenne de qualité, et donc plus chère, pour ceux qui peuvent se le permettre, et une nourriture importée, produite dans des conditions bien moins strictes et parfois douteuses, pour les autres.

Pour rappel, la stratégie européenne « De la ferme à la table » s’articule autour de 5 objectifs majeurs : la réduction de 20% de l'utilisation d'engrais minéraux; la réduction de 50%de l'utilisation de pesticides; la réduction de l'excédent de la balance azotée de 50%; un minimum de 10% des caractéristiques paysagères à haute diversité et la part de l'agriculture biologique d'au moins 25%.

La FWA a souligné de longue date que la fixation de la hauteur de ces objectifs procède beaucoup plus de l’annonce politique que de l’analyse scientifique. Atteindre 25 % de production biologique en Europe, voire 30 % comme le prévoit la déclaration de politique régionale wallonne n’est pas un objectif inatteignable. Mais il ne peut s’envisager que s’il est accompagné de la création de filières complètes de commercialisation permettant une véritable valorisation du travail des producteurs. Par ailleurs, la stimulation de la demande est tout aussi indispensable. Si le marché des produits bio stagne à 6 ou 7 % des parts de marché des produits frais, le doublement de la production ne pourra qu’entraîner un effondrement du marché au détriment des producteurs déjà engagés dans ce mode de production.

En outre, la réalité agronomique, oserai-je dire la durabilité agronomique, notamment par le maintien de têtes de rotation comme la betterave doit également prévaloir. Il faut aussi oser se poser la question de savoir s’il y aurait des pommes de terre de la récolte 2021 en rayon en l’absence de produits anti-mildiou ? Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, la recherche agronomique doit accompagner et soutenir les efforts des agriculteurs vers la réduction d’intrants en développant des itinéraires techniques moins exigeants en produits de synthèse.

En matière climatique, le rôle essentiel des ruminants dans la valorisation des prairies doit être maintenu et protégé. Pour permettre aux prairies pâturées de jouer leur rôle dans le stockage du carbone, l’activité d’élevage est indispensable et pour cela il faut tout simplement des éleveurs qui gagnent leur vie.

gwLors de la rencontre de vendredi dernier avec le Ministre-président E. Di Rupo, les vice-présidents W. Borsus, P. Henry, C. Morreale, et la Ministre C. Tellier, la délégation de la FWA a souligné que les agriculteurs wallons ont la ferme volonté de s’engager dans les défis qui se posent à notre société, en particulier sur les plans environnemental et climatique.

Il faut toutefois rappeler que la contribution à la production de gaz à effet de serre du secteur agricole belge est de 8% seulement alors qu’elle est de 25% environ pour l’agriculture mondiale. Mieux, notre secteur a réduit ses émissions de près de 20% en 30 ans !

Pour la FWA, cela signifie qu’il faut d’abord reconnaitre et valoriser les efforts déjà fournis par le secteur. Notre modèle agricole wallon, basé sur une forte liaison au sol, et sur un équilibre entre les cultures et l’élevage, a fait ses preuves sur le plan climatique. En conséquence, il doit être vu comme un allié porteur de solutions, et doit être soutenu et préservé. Le secteur agricole a la ferme volonté d’être toujours plus durable et de répondre aux défis en matière de production, de biodiversité, d’environnement et de lutte contre le dérèglement climatique.  Dans ce dossier PAC comme dans tous les dossiers concernant le secteur agricole, il est nécessaire de trouver un équilibre entre l’agronomique, l’économique, l’environnemental… sans oublier le pilier social. Cette recherche d’équilibre doit être au centre de nos réflexions, à l’échelle de nos fermes, mais aussi chez nos responsables politiques de façon plus générale. Cette démarche demande également une analyse transversale et complète de l’impact réel des décisions, tant sur l’agriculture et l’environnement, que sur nos filières et sur le consommateur.

La rencontre s’est déroulée dans une atmosphère d’écoute. La délégation de la FWA a pu exprimer les inquiétudes du secteur, a rappelé les efforts déjà réalisés par les agriculteurs et le rôle important qu’ils vont continuer à exercer pour relever les défis pour autant qu’on leur en donne les moyens. De leur côté, les membres du Gouvernement wallon se sont montrés particulièrement attentifs aux préoccupations relevées par nos représentants en ce qui concerne les impacts économiques potentiels de ces stratégies couplées à la PAC sur notre agriculture et sur l’accès à une alimentation de qualité à un prix raisonnable pour nos consommateurs. Le Gouvernement a aussi souligné la nécessité de concilier d’une part la rentabilité des fermes familiales wallonnes (tout particulièrement pour les jeunes), notre souveraineté alimentaire, le bien-être des consommateurs et d’autre part la prise en compte des enjeux climatiques et environnementaux. Le Gouvernement a rappelé l’importance de développer une politique européenne qui équilibre les réalités économiques du secteur et la nécessité impérieuse de mettre en oeuvre une stratégie européenne et wallonne volontariste en matière de réponse au défi climatique et environnemental.

La FWA a remis au Gouvernement sa note détaillant ses points de préoccupation principaux, qui a servi de base à la discussion (LISEZ-LA ICI) . C’est évidemment un travail qui ne se termine pas avec cette rencontre. L’ouvrage doit sans cesse être remis sur le métier et c’est à cela que la FWA s’attèle quotidiennement.

Avec nos collègues du COPA-COGECA, la FWA mène d’ailleurs une action de sensibilisation des députés européens concernant les résultats des différentes études citées ci-avant et les implications des différentes stratégies pour l’agriculture européenne. Nous demandons à rencontrer prochainement nos députés européens pour pouvoir discuter plus en détails les différents éléments fondamentaux dans le cadre de la stratégie de la ‘Ferme à la table’.