Ce 15 octobre, la FWA de la province du Luxembourg a invité ses membres à participer à une réunion d’information et d’échanges sur la situation du secteur de la viande bovine. A cette occasion, notre présidente, Marianne Streel, et notre secrétaire général, José Renard, ont exposé le contenu d’un plan d’action en faveur du secteur, et l’ont soumis aux réflexions des nombreux éleveurs présents dans la salle.

Anne Pétré

Ce mardi 15 octobre, quelques 80 éleveurs étaient présents à la réunion organisée par la FWA du Luxembourg à Libramont. Le thème du jour était : « Viande bovine : bilan, propositions et pistes de solution ».

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José Renard (Secrétaire général), Marianne Streel (Présidente) et Henri Herman (Président de la commission productions animales)

Pour introduire la journée, José Renard a rappelé pourquoi il était urgent d’apporter des solutions concrètes pour le secteur de l’élevage, durement éprouvé par une érosion constante des prix et de la consommation, couplée à une hausse significative des coûts de production. Bien sûr, il faut soutenir l’élevage, parce que c’est l’un des piliers essentiels de notre production agricole wallonne, et que les éleveurs doivent gagner correctement leur vie.  Il faut donc les soutenir pour des raisons économiques évidentes, mais aussi parce qu’il en va aussi de la préservation de nos  prairies -en majorité des prairies permanentes-, dont l’intérêt ne sera jamais trop souligné dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques.

De son côté, Marianne Streel a également rappelé que, depuis janvier, elle a –avec les services de la FWA-  participé à près de 30 réunions sur la situation de l’élevage. L’objectif de la réunion du jour, outre le bilan, c’était aussi et surtout, d’avancer sur des propositions de solutions susceptibles d’apporter un réel mieux dans les trésoreries des exploitations d’élevage. Ce travail de recherche de solutions est permanent au sein de la FWA, et a été présenté, discuté et complété tout récemment (le vendredi 11 octobre), à l’occasion d’une réunion avec les représentants de la commission « productions animales » de la FWA.

 

 

José Renard a ensuite présenté le travail réalisé, structuré maillon par maillon, et visant à avancer avec l’ensemble de la filière vers une meilleure rémunération du producteur.

Avec les marchands, une réunion est prévue d’ici la fin octobre à Ciney, pour réaliser un état des lieux et discuter des pistes à mettre en place. Au sujet de cet échelon de la filière, on entend en effet des échos très divers, et il est capital d’objectiver pour avancer. Il est important également de poursuivre le dialogue avec les exportateurs, qui ont un rôle important à jouer dans un secteur où la production excède clairement les besoins du marché intérieur. Le contexte spécifique de la présence de la FCO et les obstacles qu’elle peut provoquer pour l’export doivent aussi être évoqués.

En ce qui concerne l’abattage, la FWA travaille depuis longtemps à la mise en place d’une politique plus transparente pour les éleveurs. L’arrêté wallon « classement des carcasses » est un texte qui devrait permettre de clarifier la situation. Une partie des revendications émises par la FWA y ont été intégrées. Parmi celles-ci, il faut relever l’obligation pour la CW3C d’organiser la pesée de tous les animaux vivants dans tous les abattoirs et la transmission des poids vivants aux producteurs le jour-même de l’abattage.

Le texte prévoit l’installation obligatoire de caméras au point de pesée, avec une possibilité de re-visionnage par le contrôleur en cas de doute.

L’arrêté précise qu’il faut accélérer la transmission des informations récoltées à l’abattoir vers le producteur (24h) afin que le producteur puisse éventuellement réagir avant la découpe de l’animal (qui ne pourra pas avoir lieu avant 48 h).

Enfin, les poids-carcasse devront être contrôlés à posteriori en coup de sonde, ainsi que si le producteur le demande.

Si on peut saluer positivement la prise en compte de ces demandes de la FWA, il reste néanmoins de nombreux points sur lesquels le travail doit se poursuivre, parmi lesquels :

- Le déplacement du peson en début de chaîne d’abattage, juste après le dépeçage.

- La suppression de l’émoussage systématique pour les carcasses S et E sauf dérogation

- La mise au repos pour 48h minimum de la demi-carcasse avant découpe (et aucune découpe avant la transmission des données aux organismes de classification)

- L’information systématique du producteur en cas de non-conformités sur une de ses carcasses.

- La possibilité de demander un recontrôle et de déposer une plainte si besoin

- L’obligation pour l’abattoir de pouvoir faire un bilan-matière et reconstituer la carcasse au départ des différents PAT (produits prêts à trancher) commercialisés, et ce, pour chaque animal.

- L’interdiction de présence de personnes externes au personnel de l’abattoir, en particulier mandatées par les chevilleurs ou acheteurs

- La fixation de conditions générales de vente validées par l’ensemble de la concertation-chaine afin qu’elles s’appliquent dans toutes les ventes de bétail.  Les retours ou sanctions économiques vers le producteur ne doivent plus être possibles une fois que l’animal a été accepté dans l’abattoir.

- le respect de délai de paiement raisonnable pour les éleveurs (maximum 14 jours)

L’arrêté « classement des carcasses » est passé en seconde lecture au gouvernement en août, et  est pour l’instant soumis à l’avis du Conseil d’état. La FWA ne manquera pas de poursuivre son travail de conviction sur les points non encore prévus, et qui devraient être rendus obligatoires pour assurer la pleine transparence au niveau de l’échelon de l’abattage.

A l’échelon des transformateurs, la FWA veut travailler sur un étiquetage d’origine systématique pour tout produit contenant au minimum 30% de viande fraîche. Afin de permettre au consommateur de faire son choix en toute connaissance de cause, il faut imposer un étiquetage « né, élevé, abattu en Belgique » sur tous les produits à base de viande, y compris les produits transformés. Il est en effet important de s’assurer que l’animal a bien vécu toute sa vie sur notre territoire, afin d’éviter la confusion avec des animaux qui ne seraient arrivés chez nous que pour y être abattus. Sur ce sujet, la FWA, aux côtés d’autres organisations européennes, a participé activement la campagne  «eatoriginal.eu», qui poursuit l’objectif d’interpeller la Commission européenne sur la nécessité d’informer le consommateur sur la provenance de son alimentation.

Au rayon de la distribution, la FWA a entrepris de convaincre Comeos de participer à un projet de valorisation de notre viande bovine wallonne au travers d’une traçabilité totale assurée par des tests ADN au départ d’un échantillon prélevé lors du bouclage. Grâce à cela, on pourrait ensuite appliquer un système d’étiquetage particulièrement pointu, qui serait affiché tant directement sur l’emballage, qu’au travers d’un QR code lisible par smartphone. Ce système devra permettre à l’éleveur de percevoir un prix plus valorisant son travail. En plus de cela, une campagne de mise en valeur de la viande locale devrait être réalisée par la distribution.

Comeos a, par ailleurs, exprimé la volonté de travailler sur certains produits/filières avec l’implication des agriculteurs, une demande à laquelle nous avons répondu favorablement, et dans laquelle nous serons engagés pour défendre les intérêts des producteurs.

La Concertation chaîne est, pour rappel, née de la volonté des différents acteurs, particulièrement en période de crise du lait, de trouver des solutions ensemble pour une meilleure répartition des marges entre les divers maillons des filières. S’il faut reconnaître que les maillons sont évidemment plus motivés en période de crise qu’en dehors, il faut toutefois entretenir cette concertation en permanence. Il s’agit en effet du seul espace où tous les maillons se parlent, et échangent sur leurs réalités respectives.  La FWA insistera auprès du niveau fédéral comme des régions sur le besoin d’apporter un appui renforcé à la concertation chaîne, et en particulier à son GT viande bovine.

Au menu des discussions de la concertation, on doit notamment inscrire dans nos priorités la sensibilisation des maillons à la nécessité de traduire dans nos lois belges, la directive européenne sur les pratiques commerciales déloyales, qui pourrait permettre la mise en œuvre de relations contractuelles plus équilibrées.

La promotion de notre viande bovine via l’Apaq-W et l’AWEX constitue aussi un élément important pour redonner un coup de boost à notre production locale.

Au niveau de notre agence de promotion wallonne, l’APAQ-W, il faut renforcer le travail vis-à-vis de l’HORECA autant qu’auprès du consommateur. Le public scolaire doit aussi être touché par une sensibilisation spécifique.

Pour l’exportation, le travail  de promotion doit être mené par l’AWEX. A cet égard, pour conserver nos opportunités commerciales vers les pays dont la population est à majorité musulmane, nous travaillons à la révision des mesures imposées et qui rendent impossibles la pratique de l’abattage halal sur notre territoire.

Evidemment, l’ensemble de ces objectifs devra être aussi soutenu par les responsables politiques concernés.

Depuis la réunion de Libramont, l’ensemble de nos revendications et propositions ont d’ailleurs été présentées au Ministre Willy Borsus, comme évoqué par notre secrétaire général, José Renard, dans l’éditorial de cette édition.

En plus des éléments déjà détaillés plus haut, nous aurons besoin de soutien pour obtenir la reconnaissance de l’accord interprofessionnel  Agrofront-Febev, qui reste inopérant car non officiellement reconnu.

La mise en place d’une IGP pour notre BBB est en cours, et la FWA apporte sa pleine contribution en aidant la Région à répondre aux questions de la commission européenne à ce sujet.

A l’issue de l’exposé de ces diverses pistes menées de front par la FWA, un échange de questions-réponses a eu lieu avec la salle. Au cours de celui-ci, on a pu confirmer l’importance d’avancer sur une meilleure transparence au niveau de l’échelon de l’abattage, ce qui est en cours au travers des discussions menées autour de l’arrêté « classement des carcasses ».

De même, une frustration bien compréhensible est palpable chez de nombreux éleveurs quant à l’écart toujours plus important que l’on peut constater entre le prix payé à l’éleveur, toujours plus bas, et celui payé par le consommateur, qui ne diminue pas, loin s’en faut. C’est pour parvenir à une meilleure répartition des marges qu’il est nécessaire d’interpeler fermement les partenaires de la concertation chaîne, et d’avancer sur le développement de projets concrets de revalorisation et de promotion de notre viande dans la distribution. La piste de la fixation d’un prix de base en dessous duquel on ne pourrait pas descendre a été évoquée. Une piste intéressante mais qu’il faut la confronter avec les règles en vigueur en matière de libre concurrence afin de s’assurer de sa faisabilité.

L’absence d’outils d’abattage, et singulièrement la fermeture de Bastogne, est un autre sujet de préoccupation pour les éleveurs. La FWA a pris contact avec un acheteur potentiel afin de lui signifier la volonté des agriculteurs de faire vivre cet outil, si toutefois celui-ci fonctionne dans le respect des éleveurs et de leur production.

Au vu de la grande dépendance du secteur aux aides, la future PAC a très logiquement été largement évoquée, même si celle-ci n’a que peu de chances d’entrer en vigueur avant 2022. La FWA et son groupe de travail PAC travaillent à une réflexion approfondie sur les orientations de la future politique européenne, avec pour première priorité de défendre un budget suffisant pour apporter au secteur tout le soutien dont il a besoin pour se relever et poursuivre ses missions économiques autant qu’environnementales.

Les accords du Mercosur, et la menace qu’ils font peser sur plusieurs filières wallonnes, dont celle de l’élevage, restent au cœur des préoccupations de la FWA, qui s’est clairement positionnée contre ceux-ci, et a organisé une campagne de diffusion de son message et de ses arguments lors de la foire de Libramont.

De nombreuses autres pistes de solutions ont encore été évoquées, dont la remise en œuvre de la mercuriale organisée par la FWA, qui permettra aux éleveurs de transmettre, sur base volontaire, les prix de vente de leurs animaux, ce qui permettra d’accumuler des données utiles aux futures négociations.

Enfin, Marianne Streel et José Renard se sont engagés à maintenir, aux côtés des éleveurs de la commission « productions animale » de la FWA,  une attitude d’une grande fermeté face aux acteurs de la filière vis-à-vis desquels ils poursuivent leur travail, dont l’unique objectif est, in fine, une meilleure rémunération pour les éleveurs, dont le travail de qualité mérite largement une valorisation plus juste.