Daniel Azevedo est directeur «Produits de base et commerce» au sein du Copa. Dissertant sur les conséquences de la guerre en Ukraine pour l’agriculture européenne et notre souveraineté alimentaire, il évoque la possibilité d’une augmentation de la productivité sans sacrifier aux objectifs de durabilité. Comment? Via le développement d’outils comme les nouvelles techniques génomiques et l’agriculture de précision.

Ronald Pirlot

 

Dans un français mâtiné d’un délicieux accent hispanique, Daniel Azevedo s’est exprimé au nom du Copa sur les impacts engendrés par l’invasion russe en Ukraine. Les premières incidences sont tombées avec la prise de sanctions envers l’envahisseur russe. Si l’agriculture ne figure pas directement dans le paquet des décisions, elle s’en retrouve toutefois indirectement touchée en raison des sanctions frappant les transports par camions et par bateaux.

Sur un plan international, la sécurité alimentaire est également touchée. Si l’Europe n’est pas menacée, certaines parties du monde, et en particulier l’Afrique, subissent de plein fouet la situation des marchés. Avec, au centre des interrogations, la question du blé, sachant que l’on estime entre 20 et 30% la surface agricole actuellement inutilisable en Ukraine. «Il y aura de ce fait de grandes conséquences sur le commerce mondial des produits», souligne Daniel Azevedo.

 

Situation des marchés

Des marchés de l’alimentation sous pression, sachant que les flux commerciaux entre l’UE, l’Ukraine et la Russie étaient avant la guerre très importants. Les marchés de l’alimentation animale sont très touchés.  Aujourd’hui, les estimations font état d’un manque de 7 à 8 millions de tonnes de maïs, de 1,3 à 1,6 millions de tournesol. «L’Ukraine était également très importante pour l’alimentation biologique».

Pour y faire face, l’UE a pris des mesures exceptionnelles comme la possibilité de cultiver les jachères, soit un apport estimé entre 2,1 et 4,2 millions d’hectares concernés. «Cela compensera, partiellement, mais il faut des décisions européennes pour éviter la distorsion de concurrence».

 

Dépendance de l’UE pour l’engrais, l’énergie…

Cette situation met en lumière l’état de dépendance dans lequel se trouve l’Europe pour certains produits agricoles. C’est notamment le cas pour les engrais. «Pour cette année, il n’y aura aucun problème de disponibilité, mais à quel prix?», s’interroge Daniel Azevedo, qui souligne «qu’il nous faudra trouver de nouveaux fournisseurs, mais également de nouvelles méthodes de production. Nous avons également demandé à l’UE de diminuer les droits de douane et antidumping sur les importations d’engrais, en particulier en provenance des Etats-Unis».

La situation est tout aussi criante pour l’énergie, sachant que 50% du gaz importé par l’UE provient de Russie. «Si l’on diversifie les sources, les prix risquent d’augmenter. Et quid si, comme on le dit, le pétrole et le gaz font partie d’un prochain paquet de sanctions? La question énergétique risque de continuer à mettre sous pression les agriculteurs», prévoit Daniel Azevedo. Certes, l’on évoque l’alternative du biogaz, mais cela va demander des investissements.

Certains secteurs, qui se trouvaient déjà en difficulté avant la guerre, connaissent une situation davantage critique. C’est le cas des élevages porcins. «Pour amortir les coûts de production actuels, il faut vendre la viande entre 2,30 et 2,60€/kg».

 

Demandes du Copa

Dans un premier temps, le Copa a fixé comme objectif immédiat la maximalisation de la production en interne pour alimenter l’UE, mais aussi les voisins. «Elle a donc demandé des dérogations à la conditionnalité, aux exigences de verdissement avec l’utilisation des terres en jachère, la flexibilité sur les dates de paiement des aides PAC, la prolongation du cadre des aides d’états et la suspension des barrières tarifaires à l’importation d’engrais. A court et moyen terme, le Copa a également demandé la mise en place d’un plan protéine européen». Des demandes suivies par la Commission européenne, à l’exception des mesures concernant l’importation des engrais, toujours défaillantes à ce stade.

 

Nouvelles techniques génomiques et agriculture de précision

D’autres mesures ont également été prises par la Commission pour réduire la dépendance énergétique de l’UE. Notamment à travers le plan RepowerEU qui reconnaît le rôle de l’élevage dans la production du biométhane, l’une des alternatives les plus souvent évoquées. «Le biogaz est peut-être le plus rentable aujourd’hui, mais à condition de faire des investissements pour arriver à l’objectif édicté par la Commission».

Et Daniel Azevedo de conclure. «Pour nous, avoir une agriculture durable et produire en qualité et quantité suffisante peuvent aller de pair. Cela passe par une accélération du développement d’outils pour atteindre ces objectifs sans réduire notre production. Nous pensons notamment aux nouvelles techniques génomiques ou encore à l’agriculture de précision. Le Copa est prêt à contribuer au débat législatif pour faire en sorte que l’agriculture européenne soit durable, innovante et compétitive, qu’elle puisse garantir la sécurité alimentaire d’un demi-milliard de personnes en Europe».