C’est tout sourire qu’Éric, agriculteur à Soignies, nous a accueillis pour cette interview. Ému d’avoir été contacté, il nous confie trouver la démarche touchante et importante. Son exploitation, Éric l’a reprise de ses parents et de son oncle en 1995. Il est la 5e génération d’agriculteurs à occuper la ferme familiale. Une histoire somme toute banale dans le milieu agricole, si ce n’est qu’Éric est marié à son époux depuis maintenant 8 ans. «J’ai toujours été gay, aussi loin que je puisse m’en souvenir.»
Sur son exploitation, Éric élève ses vaches laitières avec beaucoup d’affection et elles le lui rendent bien, en témoignent les clichés de notre reportage. Au quotidien, Éric a le soutien de son mari qui lui donne un coup de main le matin avant d’aller travailler, mais aussi pendant ses congés. Il nous confie tout de même souhaiter de tout cœur avoir un repreneur sûr: «Je suis vraiment attaché à la ferme, c’est pour ça que j’aimerais avoir quelqu’un qui en fera quelque chose de bien, pour que tout le travail effectué sur la ferme durant toutes ces années ne serve pas à rien. Quand on passe une vie pour obtenir ce que l’on a, on n’a pas envie que cela disparaisse.»
Agriculteurs de père en fils, Éric est donc né dans le milieu. Néanmoins, il n’a pas rencontré l’amour en soirée FJA comme la majorité des jeunes agriculteurs. Son mari, il l’a rencontré sur Internet. «Pourtant, dans le milieu agricole, il y a aussi des homos. Regardez, dans ‘L’Amour est dans le Pré’, il y en a encore un cette année! Il y en a plus qu’on ne le pense, je crois. Je connais aussi un autre agriculteur qui devait l’être. Il est maintenant assez âgé mais il n’a jamais vécu son homosexualité, il fait sa vie et a vécu avec une femme.» Pour Éric, il est clair que le milieu agricole n’est pas le plus représenté au niveau LGBT. Et pourtant, il n’a jamais rencontré de réticences professionnelles à cause de son orientation: «Que ce soit avec les marchands de bêtes, les représentants de firmes, ou même des confrères agriculteurs, je n’ai jamais eu de problème.» Il souligne tout de même, malgré l’évolution des mentalités, le côté encore très traditionnel de l’agriculture: «c’est vrai que pour celui qui veut un successeur de génération en génération, l’homosexualité de son enfant va peut-être moins bien passer.»
Son coming out, Éric l’a fait dans sa jeunesse: «quand on est jeune, on fonce. On n’y réfléchit pas. Peut-être que si j’avais dû le faire plus tard, j’aurais réfléchi à deux fois. Quand on est plus âgé, on voit davantage le danger. Mais pourquoi ne pas vivre sa vie au final? En tout cas, on n’est pas à 100% heureux quand on ne vit pas en étant soi.» Aujourd’hui, Éric vit en étant lui-même, bien dans ses bottes. Son mariage a été célébré à l’hôtel de ville de Soignies par un de ses voisins qui y était échevin, «on a fait une fête comme tout le monde» sourit-il avant de poursuivre : «quelque part, c’est aussi une sécurité, une reconnaissance du fait que l’on est comme n’importe qui d’autre. Ça compte et c’est une bonne chose de pouvoir le faire.» Le message principal d’Éric pour les jeunes, peu importe leur orientation, c’est avant tout «vis ta vie».