Les moissons sont déjà bien entamées, voire même presque terminées pour certains, et il va déjà falloir préparer les terres pour les semis de couverts et la prochaine campagne. Cette année encore, les agriculteurs doivent respecter les obligations du verdissement dont la mise en place de surfaces d’intérêt écologique (SIE). Et si les couverts hivernaux ou cultures dérobées implantées en 2022 pouvaient également permettre d’accéder à l’éco-régime couverture longue du sol qui sera proposé dans la PAC dès janvier 2023?

Isabelle Jaumotte

 

Après les moissons, il faut implanter les couvertures de sol. Qu’elles soient rendues obligatoires par le PGDA ou qu’elles soient mises en place pour répondre aux exigences du verdissement pour la dernière année, il est possible qu’elles puissent aussi être valorisées dans la future PAC. Comment? En la maintenant au moins jusqu’au 15 février 2023. Explications.

 

Culture dérobée ou couverture hivernale

 

Petit rappel bien nécessaire des principales exigences à respecter pour qu’une couverture hivernale (ou culture dérobée) soit considérée comme une SIE (exigences reprises dans la notice explicative de la déclaration de superficie – voir page 97).

La couverture doit être composée d’un mélange d’au moins 2 espèces, fonction de listes disponibles sur Pac-on-Web ou d’un mélange de graminées et de légumineuses dans une culture principale. Elle doit être implantée entre le 1er juin et le 1er octobre 2022. En cas de sous-semis d’herbe ou de légumineuses dans la culture principale, le sous-semis peut être réalisé en même temps que la culture principale ou à une date ultérieure.

Le couvert doit rester en place pendant une durée minimale de 3 mois et doit obligatoirement être détruit, soit par voie mécanique, soit par le gel. Cette obligation est vérifiée à la fois par le carnet de champ, mais également en vérifiant la culture déclarée l’année suivante. Ainsi, si une prairie temporaire, une jachère ou du colza d’hiver sont déclarés en 2023 sur une parcelle implantée en couverture de sol SIE en 2022, elle sera refusée… à moins de prouver que la couverture a bel et bien été détruite.

L’utilisation de produits phytos ou de semences enrobées avec des produits phytos est interdite sur ces surfaces entre la date d’implantation et la date de destruction du couvert. Cette interdiction prend fin au plus tard le 15 février de l’année suivante, soit au 15 février 2023. Il en va de même de l’utilisation d’engrais minéraux, qui est également interdite entre la date d’implantation de la culture dérobée et le 15 février de l’année suivante (PGDA).

Dans le cas d’un sous-semis d’herbe ou de légumineuses dans la culture principale, le sous-semis doit rester en place au moins 8 semaines à compter de la récolte de la culture principale, quelle que soit la date de ladite récolte. L’utilisation de produits phytos est également interdite pendant cette période.

Les CIPANs (cultures intermédiaires pièges à nitrate) peuvent être déclarées comme SIE « couverture hivernale » à condition qu’elles en respectent les spécifications culturales (mélange de 2 espèces, implantation pour le 15/09, durée d’implantation d’au moins 3 mois et destruction après le 15 novembre).

La couverture hivernale SIE ne comprend pas les cultures hivernales ensemencées à l’automne à des fins de récolte et de pâturage, même si la coupe en cours de végétation est autorisée pour certains mélanges et sous certaines conditions. Par contre, le couvert peut être pâturé par des ovins durant les 3 mois de maintien en place pour autant qu’il ne soit pas détruit et qu’au moins 2 espèces subsistent.

 

Eco-régime «couverture longue»

Dans le cadre de la future PAC qui entrera en vigueur au 1er janvier 2023, le verdissement disparait et un nouveau dispositif voit le jour: les éco-régimes. Ces engagements en faveur de l’environnement et du climat sont annuels et volontaires pour les agriculteurs, mais ils doivent permettre de «récupérer» le budget correspondant, soit pas moins de 26% des aides directes. Parmi les éco-régimes proposés, l’éco-régime couverture longue du sol qui consiste à couvrir le sol pendant la période allant du 1er janvier au 15 février.

Cet éco-régime répond à plusieurs objectifs spécifiques de la PAC, dont l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, la gestion efficace des ressources naturelles telles que l’eau, les sols et l’air ou encore la protection de la biodiversité et la préservation des habitats et paysages.

Cet éco-régime se calcule sur l’ensemble des parcelles de l’exploitation et consistera à établir un ratio de sol couvert durant la période hivernale (1er janvier au 15 février). Les cultures reprises dans ce ratio sont : les cultures d’hiver, les prairies temporaires et permanentes (en ce compris les tournières enherbées et bandes aménagées), les terres arables implantées de cultures dérobées et les cultures permanentes.
Un pâturage par les ovins sera autorisé, de même qu’un premier travail du couvert à partir du 15 janvier pour autant qu’il ne touche pas aux structures racinaires (ex : passage rouleau PACA, Giro broyage…).

Trois seuils d’éligibilité sont proposés pour cet éco-régime avec une correction tenant compte des prairies permanentes et temporaires de l’exploitation afin d’inciter à une amélioration des pratiques agricoles.

  • Seuil d’entrée : minimum 70% + [0,1 x proportion de prairies permanentes PP et/ou temporaires PT dans l’exploitation] de la surface de l’exploitation couverts entre 1er janvier au 15 février. Aide de 15€/ha de l’ensemble de la surface de l’exploitation.
  • Seuil intermédiaire : minimum 80% + (0,1 x proportion de PP et/ou PT). Aide de 30€/ha de l’ensemble de la surface de l’exploitation.
  • Seuil «optimal» : minimum 90% + (0,05 x proportion de de PP et/ou PT). Aide de 45€/ha de l’ensemble de la surface de l’exploitation.

Exemple :sur une ferme de 50 ha dont 25 ha de PP/PT, le seuil d’entrée sera de 70% + (0,1 x 50%) soit 75%. Il manquera donc 12,5 ha de couverture pour atteindre ce seuil d’entrée. Dans le même exemple, le seuil intermédiaire sera à 85% soit au total 42,5 ha couverts et le seuil optimal à 92,5%, soit au total 46,25 ha couverts.

 

Et concrètement ?

Comme expliqué, pour bénéficier de l’éco-régime « couverture longue », il faudra avoir des surfaces couvertes et, outre les prairies, cultures permanentes et cultures hivernales implantées à l’automne, une autre option est de mettre des cultures dérobées. Cultures dérobées vous dites… comme celles qu’on met pour le verdissement cette année? Oui, pour autant qu’elles soient maintenues jusqu’au 15 février 2023 minimum. En clair, les cultures dérobées que vous allez semer dans les prochains jours et semaines peuvent, si elles ne sont pas détruites avant pour implanter une culture d’hiver, rester en place jusqu’au 15 février de l’année prochaine. Elles seront alors comptabilisées dans le calcul du ratio de sol couvert et permettront, le cas échéant, de bénéficier de l’aide prévue par l’éco-régime «couverture longue».

Ainsi, les cultures dérobées que vous implantez en 2022 pour bénéficier du paiement vert 2022 peuvent, si elles sont maintenues jusqu’au 15 février 2023, permettre de bénéficier également de l’éco-régime en 2023.

A vous de voir si c’est intéressant ou pas de les maintenir plus longtemps… notamment en fonction du seuil d’entrée et de la faisabilité, dans vos contraintes (type d’exploitation, région, sol, pratiques agronomiques…) de l’atteindre ou non.

Zoom FWA

Même si la PAC 2023-2027 fait encore l’objet de discussion, notamment avec la Commission européenne pour répondre aux 210 observations, cet éco-régime n’est globalement pas remis en cause et devrait bel et bien figurer dans les aides possibles dès 2023.

Si des modifications significatives devaient intervenir, nous vous reviendrons rapidement pour que vous puissiez prendre les dispositions adéquates. Cela étant, il est plus facile de détruire un couvert si les conditions d’accès à l’éco-régime ne vous conviennent plus que de l’implanter tardivement !

Enfin, cet éco-régime étant lié à la présence d’un couvert en tout début de campagne, il faudra que l’administration ait connaissance des surfaces implantées. Une démarche administrative sera donc requise à l’automne pour informer l’administration des parcelles couvertes, notamment celles dont les codes cultures en 2023 seront différents de ceux déclarés en 2022. Nous ne pouvons que regretter cette nouvelle démarche administrative, mais nous reviendrons très rapidement vers vous avec toutes les informations nécessaires.