Ces dernières années, l’écart entre le prix payé par le consommateur et le montant octroyé à l’agriculteur n’a cessé de croître. La répartition de valeur entre les maillons de la chaîne agroalimentaire reste toujours un mystère et les pratiques exercées par certains acheteurs vis-à-vis de leurs fournisseurs constituent un problème majeur. Une initiative pour améliorer les relations entre les partenaires au sein de la chaîne agroalimentaire a vu le jour en 2009. Dix ans plus tard, force est de constater que la pression sur les opérateurs est toujours plus pesante et que la position de négociation des agriculteurs vis-à-vis de leurs acheteurs reste relativement limitée.

Valentine Huys

La FWA est membre de la «Concertation Chaîne», une structure créée en 2009 suite à la crise du lait. Cette initiative a été lancée pour permettre aux différents maillons de la chaîne agroalimentaire – de la production à la commercialisation – de dialoguer de manière constructive afin de trouver ensemble des solutions face aux difficultés rencontrées. Toujours active aujourd’hui, la Concertation Chaîne est composée de l’APFACA qui y représente les fabricants d’aliments composés pour animaux, l’Agrofront (ABS, Boerenbond et FWA) pour les agriculteurs, la FEVIA pour l’industrie alimentaire, COMEOS pour la distribution, UNIZO et l’UCM pour le commerce. Les différents maillons de la chaîne y sont donc tous représentés.

De cette Concertation Chaîne est né un Code de conduite engageant les parties qui le signent à respecter leurs partenaires dans les relations qu’ils entretiennent, à travailler entre acheteurs et fournisseurs de manière « loyale ». Les bonnes pratiques recommandées impliquent par exemple le respect des délais de paiement, des clauses des contrats, l’absence de menaces pour obtenir certains avantages, … L’objectif étant de parvenir à une rentabilité suffisante permettant d’assurer la pérennité de chacun des opérateurs de la chaîne. Les signataires affirment donc leur volonté d’adhérer à cette philosophie et de régler les litiges rencontrés grâce à la concertation, mais seulement, hélas pourrait-on dire, sur base volontaire. Misant sur le dialogue avant toute autre procédure, la Concertation chaine se veut être un outil favorisant la confiance et le partenariat entre les maillons, tout en conciliant leurs intérêts économiques respectifs.

Les fournisseurs – parmi lesquels les agriculteurs – sont de plus en plus dépendants de groupements d’acheteurs qui, eux-mêmes, sont sous la pression des prix exigés par le marché. Il semble que la Concertation Chaîne ait atteint certaines de ses limites face à une telle situation. Cela s’explique notamment par le fait que les obstacles de taille deviennent de plus en plus nombreux. La base volontaire ne paraît pas créer un effet dissuasif suffisant pour lutter efficacement contre toutes les pratiques déloyales puisqu’on compte encore d’importantes infractions au Code de conduite. Aujourd’hui, la répartition de la valeur entre les différentes étapes de la chaîne constitue toujours une « boîte noire », la guerre des prix atteint des sommets, des producteurs se retrouvent incapables de faire face aux répercussions de certaines conditions imposées par leurs acheteurs, ...

Il n’y a actuellement pas de cadre juridique clair auquel recourir pour se défendre contre ces abus de position, le Code de conduite étant signé uniquement de manière volontaire. Dès lors, dans quelle mesure la Concertation Chaîne peut-elle encore se montrer efficace à elle seule si les positions restent, à ce point, divergentes entre les maillons? C’est pourquoi la FWA appelle à un soutien politique pour tenter d’améliorer le dialogue et rendre plus efficace cet instrument de gestion des relations commerciales. Elle soutient d’ailleurs largement l’arrivée au printemps de la directive européenne contre les pratiques commerciales déloyales ainsi que le travail effectué actuellement sur le Code belge de droit économique. Nous estimons en effet que ces démarches devraient renforcer le code de conduite actuel et améliorer le règlement consensuel des conflits mis en place. De plus, la transparence de marché qui sera débattue au sein des instances européennes dans les prochains mois doit également faire partie des points à aborder par la Concertation Chaîne.

La FWA continuera à suivre de près ces évolutions et à défendre la position des agriculteurs dans la chaîne agroalimentaire. Il apparaît que la volonté d’agir ensemble et de se concerter s’avère importante mais visiblement pas toujours suffisante. C’est pourquoi la FWA veut clairement redonner un nouveau souffle à cette Concertation.