Proposition de règlement sur l’utilisation durable des pesticides (règlement SUR), engagement des parties lors de COP 15 à réduire l’usage des produits phytos, documentaire sur « Les zones à transformer », il ne se passe pas une semaine sans que ces questions reviennent dans les colonnes de nos journaux et les programmes de nos chaînes télé. Le retour de ce sujet dans nos médias a au moins un mérite : il nous offre l’opportunité de réexpliquer encore une fois la réalité du travail des agriculteurs.

José RENARD

 

Oui, les agriculteurs sont bien conscients des enjeux écologiques. Ils ont largement montré leur capacité à mettre en œuvre les nombreuses normes environnementales de ces dernières décennies pour diminuer l’usage et limiter l’impact des produits phytosanitaires. Citons-en quelques-unes : contrôle technique des pulvérisateurs, phytolicence, normes de remplissage et de nettoyage des pulvérisateurs, mise en place de zones de non traitement et de bandes tampons, buses anti-dérives, agriculture de précision…

Non, les agriculteurs n’utilisent pas de produits phytosanitaires sans se poser de questions ! Quiconque connaît un minimum l’agriculture sait que les intrants, engrais, phytos et énergie coûtent cher et même très cher aujourd’hui. C’est la première motivation pour en raisonner l’utilisation. De plus, les agriculteurs ont évidemment évolué, amélioré leurs connaissances et renforcé leur formation grâce aux progrès de la recherche et de l’encadrement professionnel. Les pratiques agricoles s’orientent de plus en plus vers la lutte intégrée et une approche ciblée, quand c’est nécessaire, de l’usage de ces produits, plutôt que vers une application systématique. Non, les agriculteurs ne sont pas des victimes consentantes des stratégies commerciales de l’agro-business, ni des conseillers vendeurs.

Réduire l’utilisation de produits phytosanitaires, oui, pourquoi pas ? Mais pas sans alternative ! Pas sans que l’on trouve d’autres moyens et techniques de protéger nos cultures, ou autrement dit, de préserver notre revenu et la souveraineté alimentaire de nos concitoyens. Déjà aujourd’hui, des cultures pourtant bien utiles dans la rotation ou pour leur apport oléo-protéagineux comme le colza sont en danger faute de disposer encore de matières actives efficaces pour lutter contre certains ravageurs. Rappelons aussi l’importance de la protection des cultures pour se préserver de contaminations potentiellement très graves comme les mycotoxines ou l’ergot du seigle. Non, les agriculteurs ne sont pas de mauvaise foi quand ils soulignent qu’avant d’imposer des restrictions, il faut d’abord penser aux alternatives. Sans alternative efficace, une réduction de 50 % de l’utilisation des phytos serait irresponsable et même dangereuse.

Si l’on veut poursuivre sur le chemin vertueux que nous empruntons depuis de nombreuses années, c’est en étant soutenu par une recherche agronomique qui se tient à nos côtés, et qui s’appuie sur une ferme volonté d’évoluer environnementalement, dans un contexte économique et social réaliste avec des décisions prises en véritable concertation avec les acteurs de terrain.

Notre agriculture doit continuer à évoluer, c’est vrai. Nos agriculteurs le feront avec l’aide de la recherche et de l’encadrement technique et économique. Mais nous devons aussi être fiers du chemin parcouru et de la capacité de nos fermes familiales à assurer leurs missions essentielles dans un contexte économique pourtant bien difficile !