Le nouveau PACE

Le nouveau Plan Air Climat Energie est adopté par le Gouvernement Wallon depuis le 21 mars 2023. Ses objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) à atteindre pour 2030 sont ambitieux. Ils sont de -27 % pour le secteur agricole. Heureusement, ce plan fait principalement état de mesures déjà existantes dans d’autres politiques pour le secteur agricole, ce que la FWA a félicité lors des consultations. Rencontre avec le cabinet Henry pour éclaircir certains points.

Mathilde Guillaume avec le concours de Lucie Darms, conseillère Climat, Energie, Air et Déchets 

Quelques chiffres

PC: Qu’en est-il des chiffres actuels d’émissions de GES de l’agriculture?

«En 2020, les émissions de l’agriculture wallonne représentaient 13% des émissions de gaz à effet de serre de la Région. Un peu moins de la moitié de ces émissions sont émises sous forme de méthane (45% - fermentation entérique et gestion des effluents)), l’autre de protoxyde d’azote (45% - fertilisation azotée) et les 10% restants sous forme de CO2.

Les principales hypothèses de réduction permettant d’atteindre l’objectif fixé en agriculture sont la réduction plus forte de la dose de fertilisation minérale appliquée à l’hectare; les nouveaux éco-régimes («cultures favorables à l’environnement» et «couverture longue des sols») et une nouvelle aide couplée aux protéagineux; les révisions du PGDA; le développement accru de la recherche et de la diffusion de ses résultats.»

La biométhanisation comme solution envisagée

La FWA a rencontré le Ministre Henry

PC: La FWA travaille avec Valbiom sur la biométhanisation, car il nous semble essentiel que le secteur agricole reprenne la main sur cette activité. Peu d’agriculteurs sont actuellement équipés, ou alors en micro-biométhanisation, et quand un projet se profile, les riverains font souvent barrage (odeur, paysager…). Que pensez-vous mettre en place pour faciliter ce développement auprès du grand public?

«Tout projet de biométhanisation d’une certaine ampleur doit recevoir l’aval du comité transversal de la biomasse. Celui-ci est attentif à la durabilité du projet, et en particulier à la hiérarchie des usages (alimentation; valorisation matière; valorisation énergétique; mise en décharge).

En outre, je pense que les projets gagnent à impliquer autant que possible les citoyens /riverains en amont. J’encourage tout producteur d’énergie renouvelable à rentrer en dialogue avec les riverains, sans attendre une éventuelle enquête publique, à prévoir des réunions d’information sur place et à répondre aux questionnements en amont.»

La mesure biométhanisation évoquée dans le PACE est la suivante: «établir un cadre permettant le développement raisonné dela biométhanisation en évitant de potentielles dérives». Mais qu’entend-on par développement raisonné ou dérives potentielles?

«Les préoccupations concernent la part que pourraient prendre dans les intrants certaines cultures dédiées, typiquement le maïs, mais également le risque de pression qui peut en résulter sur le coût du foncier agricole. On sait à quel point le coût du foncier agricole est un problème majeur en Wallonie. On ne va pas complétement exclure les cultures dédiées, mais il est important que la valorisation énergétique concerne prioritairement les matières qui ne peuvent pas être valorisées pour l’alimentation. Pour les cultures intermédiaires et les co-produits tels que pulpes de betteraves ou déchets de pomme de terre, le risque est probablement moins aigu que pour le maïs, mais il convient également d’être attentif à la concurrence potentielle avec la fonction fourragère.»

D'autres alternatives

PC: L’éolien et le photovoltaïque sont deux autres aspects évoqués, mais pour lesquels il y a de nombreux freins du côté de l’agriculteur: perte de rentabilité, perte de terres cultivables, accès compliqués aux installations… Avez-vous envisagé des aides/ mesures spécifiques pour pousser vers ce type de projets en agriculture?

«Pour le photovoltaïque en agriculture, il faut se concentrer sur les toitures. Ce type de solution est souvent intéressant pour les fermes, vu les consommations énergétiques importantes dans des spéculations comme le lait ou les pommes de terre.

En ce qui concerne l’éolien, il me semble que celui-ci se développe en général en bonne harmonie avec le secteur agricole. Les deux fonctions (agricole et énergétique) peuvent être exploitées ensemble, sans impact majeur sur le bétail ou les cultures. Nous sommes toutefois à l’écoute de toute suggestion de la part du secteur.»

Carbon farming

PC: Une des mesures proposées indique «maintenir et augmenter les stocks de carbone agricoles et forestiers», allez-vous promouvoir le carbon farming?

«Un premier élément pour soutenir l’augmentation du taux de carbone dans les sols est la nouvelle MAEC «Sol» qui rémunère les agriculteurs sur base du rapport carbone organique/argile du sol, et octroie un bonus en cas d’évolution favorable.

Nous suivons activement les travaux européens sur le carbon farming, qui vont permettre qu’un cadre soit fixé au niveau UE. Nous sommes attentifs à ce qu’il soit ciblé vers les agriculteurs actifs, permettant à terme de prévoir un complément de revenu pour de véritables agriculteurs, en complément à une production alimentaire.

Ce sujet est également étudié dans le cadre du projet Agroécologie du Plan de relance de Wallonie, projet avec mes collègues Céline Tellier et Willy Borsus qui comprend un volet visant à compléter l’outil DECIDE, pour quantifier les impacts environnementaux des exploitations agricoles, en vue de réaliser des audits complets intégrant les trois axes de la durabilité tout en considérant les spécificités de l’agriculture wallonne.

Un autre volet de ce Plan Agroécologie, basé sur un réseau de fermes-pilotes volontaires, permettra d’étudier la faisabilité et la pertinence de la mise en place d’un système de rémunération/compensation des agriculteurs pour les services environnementaux rendus, la séquestration du carbone, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et des émissions d’ammoniac.»

Groupes de travail

PC: Un comité de pilotage va se mettre en place au sein du Gouvernement: où en est la constitution de ce groupe de travail et y aura-t-il des acteurs agricoles en son sein?

«Le PACE a été réalisé et sera mis en œuvre sur base de larges concertations. Il prévoit en particulier une implication d’un comité des experts, du Conseil Economique, Social et Environnemental, des processus de participation citoyenne, ou encore des groupes de travail thématiques. En ce qui concerne le secteur agricole, je pense qu’un des bons endroits de co-construction sont les structures de suivi du Plan Agroécologie, très transversal, basées sur les expériences des agriculteurs, et sur les trois piliers du développement durable.»

Zoom FWA

Il est important pour la FWA de vérifier le succès des nouveaux éco-régimes auprès des agriculteurs. S’ils ne fonctionnent pas, le plan prévoit «d’affiner les objectifs agricoles en cours de route, en concertation avec le secteur». Le Groupe de travail «PAC» de la FWA a pour but de cerner les impacts de ces éco-régimes dans nos exploitations.

La FWA a demandé d’être impliquée dans les prises de décision concernant certaines mesures qui demandent de considérer les spécificités de chaque secteur. Nous avons participé par exemple à l’élaboration d’un avis pour la sortie du gaz fossile (une des premières politiques citées dans le plan) et nous continuerons à être consultés grâce à nos mandats au sein du Conseil Economique, Social et Environnemental.