Plonger dans un océan glacé

Comme beaucoup, j’ai appris récemment les prochaines modifications qui seraient apportées à la PAC 2024. C’est un peu comme plonger dans un océan glacé alors qu’on sort déjà d’une douche froide.

Anthony Debailleul, agri-conseiller PEA BC Conseils

Au cours de l’année écoulée, j’ai cherché avec des agriculteurs le moyen de limiter au maximum pour eux l’impact financier de la BCAE8 qui est, dans notre région (Tournai – Mouscron – Comines) le point dur de la PAC. Ces solutions passaient bien souvent par l’établissement de MAEC cultures (parcelles aménagées, tournières enherbées et céréales sur pied), plus contraignantes, mais également plus rémunératrices que les écorégimes. Mais – oh surprise –, voilà qu’elles seront toutes soit supprimées, soit retirées de la valorisation BCAE8 en 2024, si bien que dans notre région, les jachères et bandes bordures de champ seront presque les seuls moyens de remplir ces conditions.

BCAE8On est donc dans une situation où nos décideurs ont convenu d’enfoncer le clou, après avoir sabré de presque 20% les aides PAC (et encore, pour autant que les agriculteurs concèdent un maximum d’écorégimes), et ce sans oublier que ces aides ne seront pas indexées dans un contexte d’inflation galopante.

Ces mesures, combinées à tout ce qui est déjà imposé (BCAE5, CVP…), s’apparentent de plus en plus à une confiscation pure et simple de 4% des terres arables agricoles. Inacceptable quand on connait l’envol actuel des prix des terres agricoles, et l’absence de réaction politique pour endiguer ce phénomène.

Notre glorieux gouvernement (peu importe de quel niveau de pouvoir on parle ici) semble avoir de grandes ambitions environnementales, mais ce sont les fermiers qui devront en payer la facture. Et pendant ce temps, les politiques continueront à les présenter comme des pollueurs pour déjà justifier leurs prochaines mesures.

Certains pourraient tout de même se consoler à l’idée d’agir en faveur de l’environnement. Mais est-ce vraiment le cas? Car le bilan de ces mesures est plus que mitigé à ce stade. Par exemple, l’interdiction de fauche des bandes bordures de champ avant le 15 juillet a surtout eu pour effet de permettre la prolifération des chardons (augmentant le recours aux produits phyto) et d’y empêcher la production d’aliments pour le bétail. La biodiversité était pourtant bien présente avant cette mesure. On peut aussi évoquer la création (par pur dogmatisme) de l’écorégime «réduction d’intrants» totalement brouillon et incohérent sur le plan technique, qui vient remplacer des mesures qui, elles pourtant, étaient efficaces.

BCAE8Même pour les engrais verts, on constate une juxtaposition de 3 règlements différents (PGDA, BCAE 6 et BCAE 8), sans oublier l’écorégime couverture longue du sol, qui ne tiennent pas compte de la réalité du terrain et ajoutent une complexité totalement inutile aux règles préexistantes.

Finalement, ce ne sont pas les agriculteurs qui détruisent l’environnement, mais bien les jeux et compromis politiques, qui font qu’on ne s’attaque pas aux vrais problèmes, qu’on supprime ce qui fonctionne et qu’on se crée de faux problèmes (et de faux coupables) pour inventer et revendiquer de fausses solutions.