Réussir sa mise à l'herbe

Le printemps est bien installé et il est temps pour les animaux de rejoindre leurs vertes prairies. Quelles sont les règles à respecter pour une mise à l’herbe réussie? Quels sont les risques sanitaires les plus fréquents lors de cette étape? Comment se porte l’herbe cette année?

Mathilde Guillaume

Pour répondre à ces questions, Pleinchamp a interrogé Emilie Knapp, vétérinaire chez RumeXperts, pour la partie animale, et Noémie Glesner de l’asbl Fourrages Mieux, pour la pousse de l’herbe.

Quelle nutrition mettre en place?

La vétérinaire Emilie Knapp nous donne des conseils pour les rations. Pour les animaux qui ne sortent que 2 à 3h par jour, il n’y a pas de modification spécifique à prévoir dans la ration. Par contre, si les animaux sortent toute la journée, voire également la nuit, il faudra diminuer la protéine de la ration complémentaire, ainsi que l’apport en énergie rapide, pour ne pas trop impacter le transit. Une vache ingère l’herbe puis se repose et rumine pendant 2h. Si on veut que l’animal mange le plus d’herbe possible, il est intéressant qu’elle ait faim avant de sortir, et donc par exemple de la soigner le soir si elle pâture la journée.

La qualité de l’herbe est très variable, d’une année à l’autre, mais surtout d’une prairie à l’autre. La ration devra donc être recalibrée après environ 2 semaines de sortie afin de la corriger par rapport à l’analyse de la production laitière, de la consistance et digestion des bouses et du taux de matière grasse et d’urée dans le lait.

Pour les génisses qui pâturent nuit et jour, une vérification hebdomadaire au minimum est utile pour évaluer l’état général des animaux et au besoin adapter la ration. Pour les animaux en dessous de 12 mois, la ration doit être complémentée par du maïs, du préfané, du fourrage ou des concentrés en fonction de la disponibilité et des parcellaires…

Concernant la minéralisation, si l’animal est nourri en plus, il faut ajouter le complément minéraux/vitamines dans sa ration. Si ce n’est pas le cas, il faut lui donner un bolus oligos- éléments à la sortie, ou mettre un seau à lécher à disposition, cette dernière option ne garantit cependant pas de couvrir les besoins.

Pour les vaches taries, un complément de ration est nécessaire ou il faut les rentrer au moins 3 semaines avant le vêlage suivant pour les préparer. Un accès suffisant à l’herbe est essentiel, sinon la taille du rumen risque de diminuer et de provoquer des soucis d’ingestion avec des conséquences négatives sur la lactation suivante. Lorsque l’herbe est trop humide, trop riche en azote ou non disponibles, rentrez les vaches taries.

Problèmes sanitaires fréquemment rencontrés

Selon Emilie Knapp, trois types de problématiques sont souvent rencontrées par les éleveurs lors de la mise à l’herbe: la gestion des verminoses,  tiques et des mouches.

Pour la problématique des vers, les vaches adultes étant déjà sorties minimum 8 mois en tant que génisses presque sans antiparasitaires ont une immunité suffisante et n’auront pas besoin de vermifuge. Pour les autres, on ne donne pas de vermifuge automatiquement, on fait des analyses du tank à lait ou de bouses et en fonction des résultats, on voit ce qu’il faut prévoir.

Il est important pour les génisses d’avoir un contact avec le parasite pour développer leur immunité. Deux techniques sont dès lors préconisées. Soit on laisse sortir la génisse sans rien et on contrôle après 4 semaines, avec une vermifugation d’office ou une analyse des bouses et un traitement en fonction du résultat. La deuxième option consiste à utiliser un vermifuge de moyenne portée dès la sortie, pour retarder la contamination et arriver dans une période plus sèche, durant laquelle les vers ont moins de capacité à se développer. Chaque éleveur choisira la solution qui correspond le mieux à sa situation, l’important étant d’avoir les protocoles les moins contraignants possibles et qui permettent un équilibre entre développement d’une bonne immunité sans perdre trop de croissance et en faisant attention aux risques de résistance et de contamination de l’environnement en cas d’excès d’utilisation des anti-parasitaires.

Pour ce qui est des tiques et des mouches, c’est plus délicat à gérer car les produits ont une rémanence de 3 semaines et doivent être mis à même la peau de l’animal, là où il y a le plus de risque de piqure. Sélectionner des prairies à moindre risque (avec moins de haies, arbres…) lors des périodes de tiques est intéressant. Cependant, pensez à traiter vos animaux si vos parcelles sont à risque.

D’autres pathologies peuvent apparaitre lors de la mise à l’herbe (tétanie, tympanisme, bronchite vermineuse…), elles ne seront pas abordées ici en détail, mais garder à l’œil ses animaux permet de voir les signes avant-coureurs de ces pathologies et de les traiter au plus vite.

La qualité de l’herbe en 2024

Concernant la pousse de l’herbe dans les prairies, nous avons interrogé Noémie Glesner de l’asbl Fourrages Mieux, qui affirme que la pousse de l’herbe en cette année 2024 est précoce et rapide: elle a 3 semaines d’avance par rapport à 2023. Il est donc plus que temps de mettre le bétail en prairie et faire attention à ne pas se faire dépasser par la quantité d’herbe!

Croissance journalière de l’herbe depuis le début de l’année 2024 pour les différentes régions agricoles
Croissance journalière de l’herbe depuis le début de l’année 2024 pour les différentes régions agricoles

Au 14 avril en Wallonie, la pousse de l’herbe variait entre 90 kg MS/ha en Haute Ardenne et 150 kg MS/ha/j dans les meilleures régions agricoles (région limoneuse et sablo-limoneuse). Cela veut dire qu’avec la pousse de l’herbe actuelle, au moins 6 vaches laitières (ingestion théorique de 15 kg MS/j/vache) et 9 vaches allaitantes (ingestion théorique de 10 kg MS/j/vache) par hectare peuvent être nourries. Toutefois, les températures plus fraîches annoncées vont sans doute diminuer cette pousse.

Le conseil est donc de mettre suffisamment d’animaux par hectare et de faucher les excédents d’herbe pour faire du stock pour une éventuelle sécheresse estivale. Il est déconseillé de laisser les animaux gaspiller de l’herbe au printemps.

Pour la hauteur de l’herbe, il est conseillé que l’herbe ne soit pas trop avancée (max mi-mollet). Concernant la portance du sol, les traces des animaux ne doivent pas être trop importantes; la trace de l’animal de la taille d’un talon de botte est acceptable. Avec les conditions humides de ce printemps, il est important de vraiment attendre que le sol soit suffisamment portant avant de sortir les animaux.

 rendements moyens potentiels par région agricole au 14 avril 2024. Données issues de l’observatoire de la pousse de l’herbe du projet Sunshine
 rendements moyens potentiels par région agricole au 14 avril 2024. Données issues de l’observatoire de la pousse de l’herbe du projet Sunshine

 

Saints de glace

Dans certaines exploitations, la tradition veut qu’on ne sorte pas le bétail avant les Saints de glace (mi-mai). Pour Noémie Glesner, ce calendrier n’est plus forcément d’actualité: «avec les changements climatiques que nous connaissons, il est fréquent d’avoir des températures plus douces avant les Saints de glace.» C’est d’ailleurs un des objectifs du projet Sunshine qui se propose de mettre en place un réseau de référence de suivi de la pousse de l’herbe en Wallonie en combinant de données de terrain, des images satellitaires et un modèle de croissance avec la collaboration des principaux acteurs wallons impliqués dans le sujet.