Telle est la question !

Quand on regarde la presse et qu’on se penche sur le sujet Ô combien Shakespearien de l’alimentation, on en arrive à se demander s’il est encore bon de manger de la viande ou pas ? « To beef or not to beef », telle est la question qu’aurait pu se poser le brave William s’il était né dans les années 2000. Car entre les pro-viandes et les anti-viandes, on en arrive à douter de tout et son contraire, et vice-versa. Essentielle, la viande ? Cancérigène, l’entrecôte ? Et si on acceptait de se dire qu’entre les carnivores pur jus et les amateurs de quinoa, il y a un monde qui s’écrit beefsteak après beefsteak, salade après salade, pâtes 4 fromages après pâtes 4 fromages ? Et si on regardait d’un peu plus près les avantages et les bénéfices des différents régimes nutritionnels qui s’offrent à nous, avec cette idée comme point de départ : si l’excès nuit en tout, le manque ne résout rien.

Florian Mélon

Partons d’un postulat de départ accepté de tous, des zélotes végans aux dévots du barbecue : l’homme est un omnivore, c’est-à-dire qu’il est physiologiquement fait pour manger de tout, des légumes au steak de bœuf en passant par les fruits et le poisson. C’est marqué dans son corps et figé dans sa dentition : l’homme – pour rester générique, on parlera d’homme en tant qu’être humain, sans aucune considération de sexe – n’a ni les longues canines ou les crocs des carnivores ni les dents plates et larges des herbivores. Même notre système digestif se place dans l’entre-deux : il n’est pas aussi long que le tube digestif des herbivores, les fibres végétales étant plus difficiles à digérer, mais peut facilement assimiler de la viande, si tant est qu’elle soit préparée. Tout nous indique donc que nous sommes faits pour consommer une alimentation variée, naviguant entre les produits d’origine animale aux aliments d’origine végétale au gré de nos envies.

Éleveur

C’est d’ailleurs cette spécificité qui aurait pu faire de l’homme proche du grand singe l’homo sapiens que nous sommes devenus : la consommation de viande aurait joué dans le développement cérébral et moteur de notre évolution, permettant à notre cerveau, ce grand consommateur d’énergie, de grandir et de s’améliorer, steak de mammouth après steak de mammouth.

Ne sommes-nous pas d’ailleurs passés d’un peuple de chasseurs-cueilleurs à une espèce d’agriculteurs-éleveurs, la viande étant plus facile à trouver quand il ne faut pas chasser sa proie pendant des kilomètres ? Le développement humain tout comme celui de la civilisation a toujours été centré autour de l’alimentation, et souvent donc de l’élevage.

La viande et l’alimentation d’origine animale, pas juste une histoire de goût

Quand on parle de la viande, on a presque envie de paraphraser quelques grandes marques du 21e siècle, de « Pour l’amour du goût » à « Actif à l’intérieur et ça se voit à l’extérieur » en passant par « Le goût des choses simples ».

Car il y a bien une raison pour laquelle l’homme ne s’est pas simplement contenté de boulgour et de pois chiches depuis la nuit des temps : la viande, ou de manière générale les produits d’origines animales, sont de formidables conteneurs à nutriments, qu’il s’agisse des protéines (évidemment !), de vitamines (principalement les vitamines A et B12) ou de fer.

Steak

Un produit d’origine animale, c’est un concentré de macronutriments nécessaires au bon développement du corps humain. C’est d’ailleurs là son principal avantage : avec peu, il fait beaucoup. Il n’y a pas besoin d’ingérer énormément de viande ou de lait pour remplir ses besoins nutritionnels quotidiens, ce qui est un énorme avantage pour les catégories de population avec une faible capacité d’ingestion, comme les enfants ou les personnes âgées. De la même façon, les produits d’origine animale ont l’avantage d’être facilement assimilables par l’organisme là où les produits d’origine végétale peuvent être plus difficiles à digérer ou moins bien bioassimilables. C’est donc un grand intérêt qui recoupe le besoin premier de l’alimentation : subvenir aux besoins nutritionnels du corps humain.

La facilité et l’efficacité, voilà les maîtres mots des bienfaits d’une alimentation comprenant (partiellement ou pas) de la viande ou des produits animaux. Car, et nous le verrons plus loin, il existe de plus en plus de manières de se passer de viande. Mais éviter les produits d’origine animale est un exercice qui tient plus du funambulisme que de l’évidence : se tromper dans ses dosages, c’est prendre le chemin de la carence, et donc de faire pire en voulant faire mieux.

L’enfer est pavé de bonnes entrecôtes

On l’a dit, la viande et les produits d’origine animale sont de formidables sources de protéines, de vitamines, de fer et de zinc. La viande favorise la croissance, le développement cérébral, le renforcement des muscles, de la peau, du système immunitaire, le renouvellement des cellules, etc. Mais on sait aussi qu’une consommation excessive de viande – surtout de viande rouge ou de charcuterie – peut augmenter les risques de cancer, de problèmes rénaux, d’ostéoporose ou de surcharge de la fonction hépatique.

Entrecôte

En réalité, le débat ne doit pas s’articuler autour de « Faut-il manger ou non de la viande » mais plutôt sur le « mieux manger » de la viande – principalement rouge -, en fonction des besoins de chacun, de sa physionomie, de son activité,… Manger ou ne pas manger de viande n’est ni bon ni mauvais en soi. L’important est de manger de tout et de n’abuser de rien puisque, comme chacun le sait, l’excès nuit en tout. Ainsi, l’activité physique est essentielle à votre bonne forme physique. Mais si vous courez 7 marathons en 7 jours, il y a peu de chances que votre corps apprécie l’effort. Il en va de même pour la viande : surconsommer de la viande ou des produits d’origine animale, c’est aussi un exercice d’équilibriste. L’excès de consommation de produits animaux peut entraîner un déséquilibre nutritionnel, qui peut favoriser le surpoids ou les maladies cardiovasculaires. Le Conseil Supérieur de la santé belge recommande ainsi, pour diminuer ces risques cardiovasculaires, de limiter sa consommation de viande rouge à hauteur de 300 grammes par semaine. L’Organisation Mondiale de la Santé, elle, recommande de se limiter à 500 grammes de viande par semaine, soit d’en manger un jour sur deux. L’important, c’est le régime alimentaire dans son ensemble (type de viande, accompagnements, quantité, qualité,…), pas la consommation d’un aliment spécifique.

Alors, à la question « Faut-il manger ou ne pas manger de viande ? », on a envie de répondre que, comme en politique, aucun extrême n’apporte de solution. L’équilibre se trouve dans l’entre-deux, comme un éternel retour au funambulisme.

La viande est devenue une question de plaisir, pas un besoin

On entend déjà hurler dans les chaumières après ce titre un brin racoleur et les explications qui ont précédé. C’est pourtant limpide : avec de bonnes connaissances nutritionnelles et un bon suivi, on peut tout à fait se passer de viande… Mais ce ne serait pas sans risque ni sans impact à la fois sur la santé et sur la société.

Tout d’abord parce que, comme expliqué précédemment, tout le monde ne peut pas – ou en tout cas ne saurait pas facilement – se passer de produits d’origine animale. Les personnes âgées, les enfants, les femmes enceintes sont ainsi des personnes « à risque » quand on parle de nutrition.

Repas

Il n’empêche que se passer de viande n’est pas spécialement synonyme de carence, que ce soit en termes de vitamine, de fer ou de protéine. Cela va dépendre de chaque personne, de son organisme, de ses gènes et, évidemment, de son alimentation. Ainsi, on trouve de nombreuses personnes qui font le choix de se passer de viande mais pas de produits d’origine animale, comme les œufs, le poisson ou le lait, eux aussi sources de protéines.

Pour preuve, on consommait 5 à 6 fois plus de légumineuses il y a seulement 100 ans. La consommation de viande que l’on connaît actuellement est un effet à la fois de la hausse du niveau de vie et de l’augmentation du pouvoir d’achat. Nos ancêtres avaient davantage l’habitude de se passer de viande au repas mais c’est un réflexe que nous avons perdu, à l’exception de certains plats « de confort » qui sont généralement végétariens comme les pâtes ou la ratatouille (et on ne citera même pas le crapuleux cornet de frites qui apporte autant de plaisir qu’il ne plombe votre estomac).

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Viande

Les légumineuses aussi sont nos amis pour la vie

Le mot qui ressort le plus quand on s’intéresse aux alternatives à la viande est « légumineuses ». Outre son intérêt évident au Scrabble, le terme légumineux regroupe toute une série de végétaux plutôt efficaces en matière de nutrition : les haricots, les pois, les fèves, les lentilles, le soja,… C’est ce qu’on appelle des protéines végétales, des aliments d’origine végétale remplis de protéines, de fibres, de vitamines et de minéraux sans avoir trop de glucides. Le grand avantage des légumineuses est d’ailleurs son index glycémique bas qui en fait une alternative pertinente pour les personnes atteintes de diabète ou de cholestérol. Et, point non négligeable, les légumineuses sont des alliées naturelles des personnes au régime. Les pois pour perdre du poids ? Nous, on dit oui !

Légumineuses

Mais revenons un instant sur ce grand numéro de funambulisme qu’est l’alimentation. Les légumineuses peuvent-elles remplacer la viande, vu leur apport intéressant en protéine ? Eh bien… Non ! Pour apporter autant de nutriment qu’un steak de bœuf, il faut (re)penser sa cuisine et ne pas se contenter de supprimer ou de remplacer un steak par une portion de pois chiches. La meilleure manière de créer une alternative à la viande est dans les mélanges, en associant légumineuses et céréales, par exemple. Ensemble, ils peuvent apporter à l’organisme les acides aminés dont il a besoin. Seules, les légumineuses ne permettront jamais de combler le manque. Or, on a vu l’importance d’une alimentation équilibrée et des protéines pour l’organisme. En associant 1/3 de légumineuses à 2/3 de céréales, on va donner à l’organisme un apport intéressant d’acides aminés et de protéines pour le repas. On comprend donc que son alimentation doit être pensée, calculée et réfléchie sur le long terme, et pas repas après repas, pour être sûr de ne pas tomber dans le manque.

To beef or not to beef ?

En termes d’alimentation, l’important se trouve dans l’équilibre. Ni trop, ni trop peu. Ni excès, ni carence. Tout est bon dans la modération … Ou plutôt tout EST dans la modération. Pour ceux qui souhaitent limiter leur consommation de viande, le flexitarisme représente certainement une piste alimentaire intéressante. C’est un mode d’alimentation aux doux relents gainsbourgiens où la viande reste présente mais en quantité plus limitée dans un grand « Je t’aime, moi non plus » de l’alimentation.

Viande

Quant aux considérations environnementales et écologiques, elles ne peuvent évidemment pas être passées sous silence. Mais on retiendra qu’un élevage « comme chez nous », profondément lié au sol, avec des coproduits et des solutions aux biomasses végétales non comestibles, le plus local possible et limitant au maximum, via la recherche et l’innovation, les gaz à effet de serre – dont le méthane -, n’est pas forcément l’ennemi de la planète, quoi qu’aiment en dire certains… Et même que du contraire ! Encore une fois, l’important n’est pas de consommer moins mais bien de consommer mieux : varier son alimentation, faire attention à l’origine et à la qualité de la viande, ne pas s’arcbouter dans un extrême ou l’autre, etc. Parce qu’au final, l’essentiel est que manger reste un plaisir et un moment de partage.

Et bon appétit !