La clef de la réussite

Ce 28 février se tenait à Louvain-la-Neuve l’évènement de clôture du projet Microsoilsystem mené de concert par l’UCL, Gembloux agro-biotech et le CRA-W. Ce projet vise à mieux connaître le rôle clef des micro-organismes pour le fonctionnement du sol et sa fertilité, leurs usages en agriculture et les opportunités de développement. Une après-midi riche en informations, des résultats prometteurs quoique difficiles à reproduire au champ, mais qui démontrent que la richesse est sous nos pieds et qu’un sol en bonne santé reste la clef de la réussite de nos productions.

Bernard Decock, Coordinateur Pôle Environnement

Demain plus encore qu’aujourd’hui, il sera indispensable de produire plus et mieux, en répondant aux enjeux environnementaux. Malgré la pause sur certaines réglementations européennes (comme le projet de règlement SUR visant une réduction drastique du recours aux produits phytopharmaceutiques de synthèse), le cap restera sur la diminution des intrants chimiques. Les sociétés l’ont d’ailleurs bien compris quand on voit l’explosion des Low RisK Pesticide et autres biostimulants. Mais est-ce que cela donne des résultats?

L’agriculteur est un éleveur de vers de terre

Avant de répondre à cette question, les chercheurs ont rappelé le rôle clef des micro-organismes pour le fonctionnement du sol et sa fertilité. Premier constat, le sol est un milieu incroyablement riche en diversité d’organismes dépendant les uns des autres. Une cuillère à café de sol contient entre 1 et 10 milliards de bactéries, couvrant plus de 9.000 espèces. Et si on analyse les organismes plus élevés dans chaîne comme les vers de terre, ils représentent jusque 5 tonnes sur un ha de prairie. L’agriculteur élève donc sur une même surface plus de biomasse de vers de terre que de bovins. Mais le diagnostic de cette richesse, jouant un rôle majeur dans les cycles de l’azote ainsi que dans la capacité de défense des plantes, est loin d’être évident. Il faut pouvoir en mesurer l’abondance et la diversité, ce qui peut représenter des coûts d’analyse non négligeables… avec des résultats tributaires des conditions et des lieux de prélèvement.

 

structures mycorhiziennes
Illustrations de structures mycorhiziennes (hyphes, arbuscules, vésicules, spore) observées au microscope au sein de racines de froment d’hiver après coloration des structures à l’encre bleue.

 

La rhizosphère : l’endroit où tout le monde se parle

La rhizosphère est la région du sol directement formée et influencée par les racines et les micro-organismes associés. Cette zone, bien que réduite à quelques centimètres d’épaisseur, joue un rôle majeur pour aider les plantes à se protéger des maladies via la formation d’un biofilm autour des racines. Ce dernier va agir via des mécanismes de compétitions, d’inhibitions ou d’immunisations envers des pathogènes. Un des objectifs de l’étude était de mettre au point une formulation d’enrobage de semences combinant les effets bénéfiques de bactéries et de champignons mycorhiziens et de tester les résultats au champ dans différents contextes agronomiques. Il avait été fait appel à des agriculteurs bio, conventionnels ou en techniques de conservation du sol pour participer à la recherche.

Si les essais en boîte de Petri étaient concluants, la principale difficulté a ensuite été de les reproduire au champ, tant les systèmes sont complexes et l’apport de biostimulants a de la peine à s’imposer dans la jungle de ceux déjà en place dans les sols. L’expérience a toutefois permis de tirer des enseignements qui vont à l’encontre de certaines croyances.

Le labour n’est pas proscrit

Microsoilsystem a évalué l’abondance et la diversité des populations de champignons mycorhiziens naturellement présents dans les sols agricoles wallons soumis à des conduites culturales et des conditions pédoclimatiques différentes (bio, TCS, conventionnel). Sur les 48 parcelles suivies, aucun lien n’a pu être établi entre le taux de mycorhization des racines et le travail du sol. Par contre, la mycorhization de la culture du froment est très liée au cycle cultural. Parmi les plantes couramment cultivées chez nous, certaines cultures semblent régénérer les populations de mycorhize, particulièrement la prairie temporaire et le maïs, alors que d’autres au contraire comme la betterave ou les intercultures de moutarde ou de phacélie en pure, ne mycorhizent pas ou peu et affaiblissent ainsi les populations.

Enfin il a été démontré que tous les traitements de semence, même ceux agréés en agriculture biologique, retardent la mycorhization.

Cultiver la diversité des sols et des systèmes

En guise de conclusion, s’il n’apparait pas de solutions ni de produits miracles, certaines évidences s’imposent. Avant d’inoculer les sols avec des organismes exogènes, il apparait primordial de favoriser les organismes en place avec de bonnes pratiques agricoles et en nourrissant la vie du sol via une rotation diversifiée, des mélanges d’espèces en interculture et les apports d’effluents d’élevage.

L’agriculteur reste central avec la connaissance de ses sols et sa méthode empirique d’essai-erreur. Mais il ne peut être seul dans cette démarche d’amélioration de la vie du sol dans une finalité d’améliorer des rendements et de diminuer le recours aux intrants. Il convient de pouvoir compter sur la recherche, publique et privée, mais également sur l’articulation de l’ensemble d’une filière allant de l’amélioration des variétés (favorisant les mycorhizes) à la récolte de mélanges associés, tout en passant par certaines évolutions législatives permettant plus d’implantations de légumineuses ou d’apports de matières organiques.