Une molécule fortement décriée

Appelé à être tout bonnement interdit dans une lettre ouverte signée par 46 organisations environnementales, agricoles et de santé ainsi que l’ensemble des mutualités belges, le glyphosate fait une fois de plus face à ses détracteurs. Fortement décriée, la molécule herbicide, produite à l’origine exclusivement par Monsanto, porte l’apparence d’un mouton noir dans cette catégorie de produits.

Anne-Laure Michiels

La sulfureuse réputation de Monsanto, le géant de l’agro-chimie y est sans doute pour quelque chose dans le traitement qui est réservé au glyphosate. Jamais les impacts (environnementaux, sur la santé) d’une autre molécule herbicide n’ont été autant passés au crible que ceux du glyphosate. Les premières conclusions publiées du récent rapport de l’EFSA (Agence Européenne de Sécurité des Aliments) indiquent pourtant qu’aucun domaine de préoccupation critique n’a été détecté dans l’étude la plus poussée jamais menée au sujet de ce produit, tant au niveau animal, qu’environnemental et humain.

Une efficacité non-égalée

Si le glyphosate est tant soutenu par la communauté agricole conventionnelle, c’est parce que la molécule permet un désherbage très efficace des sols tout en ne travaillant pas ou peu ceux-ci. Simon Dierickx, coordinateur de l’Asbl Greenotec, commente: «Ce n’est pas tant le glyphosate, mais surtout son utilisation qui est intéressante car elle est incomparablement efficace et permet de sécuriser de bonnes pratiques agricoles telles que le non-labour. Cela permet notamment de limiter le risque d’érosion des sols et de coulées de boues, un enjeu très important dans le contexte actuel complexe lié à la BCAE5 et ses mesures anti-érosives».

Pas d’alternative aussi intéressante

S’il existe des alternatives au glyphosate, celles-ci ne sont pas exemptes de désavantages relate Simon Dierickx: «en optant pour une alternative comme le labour, les couverts végétaux doivent être détruits plus rapidement tandis que le glyphosate permet de les maintenir jusque février-mars. On peut ainsi conserver la matière organique à la surface du sol, éviter de fragiliser le sol en le travaillant,  consommer moins de carburant, mieux protéger les sols et stocker plus de carbone». Une autre alternative qui s’offre aux agriculteurs est l’utilisation de combinaisons d’autres produits herbicides pour égaler l’efficacité du glyphosate. Cependant, celle-ci s’avère non seulement moins efficace, mais aussi plus onéreuse tout en ne négligeant pas le fait que les effets des autres produits sur l’environnement et la santé sont méconnus, comparés au glyphosate. Enfin, les alternatives telles que la rotation culturale, le déchaumage et le désherbage mécanique permettent de réduire les doses de glyphosate, mais pas de s’en passer totalement pour un résultat optimal, en plus de dépendre fortement des conditions météorologiques pour leur efficacité.

À utiliser avec raison et sécurité

Pour Greenotec, la réduction des doses homologuées au niveau européen est cependant une bonne chose car elle permet de réduire les risques de dérives d’usage du produit ainsi que de mettre d’autres leviers agronomiques en action pour pallier cette réduction. Pour rappel, en Belgique, les doses homologuées sont parmi les plus faibles en Europe. L’utilisation raisonnée et sécurisée du produit, en plus de s’en passer quand cela est faisable, est et reste la meilleure façon de pouvoir conserver le droit de s’en servir aussi longtemps que possible. Si une future interdiction du produit pour des raisons idéologiques et/ou politiques devait se produire, elle devrait pouvoir être accompagnée de moyens supplémentaires tant au niveau de la recherche d’alternatives, que financiers et agronomiques pour soutenir les agriculteurs. Il est également important de souligner qu’interdire le glyphosate, ici en Europe, tout en continuant à importer des denrées alimentaires traitées avec la molécule, serait un non-sens, tant économique que sanitaire. D’autant plus que les doses agréées en Europe sont très réglementées et les plus faibles au niveau mondial. Il en va de même au niveau de l’utilisation. L’application du glyphosate est par ailleurs uniquement autorisée en Europe sur les intercultures et non sur les cultures, là où, Outre-Atlantique, le produit est appliqué directement sur la culture. Ne l’oublions pas!