Juin de foin

Le mois de juin 2023 a été très favorable à la confection de ballots de foin. Néanmoins, plusieurs cas d’incendies ont été recensés dans nos régions. Les conditions climatiques en période de sécheresse entrainent une certaine diminution de la vigilance quand aux risques encourus. « Il fait sec depuis plusieurs semaines donc pourquoi s’inquiéter ? « l’herbe est sèche sur pied»…

Sans arriver à cette situation extrême, l’échauffement du foin entraine des pertes de valeurs alimentaires qui peuvent être conséquentes. Une compréhension des processus qui entrainent ce phénomène peut permettre de limiter son impact et ainsi d’éviter des catastrophes, voire de limiter l’achat d’autres fourrages ou d’aliments. 

L’échauffement du foin est dû au développement de champignons et bactéries présents partout dans l’environnement.

Les échauffements peuvent, s'ils sont excessifs, initier des réactions physico-chimiques à l'origine de l'auto-inflammation ou combustion spontanée. Celle-ci intervient souvent entre les 10ème et 40ème jours de pressage, et sont favorisés par le confinement (intra-botte et lors du stockage) : le risque est maximum sur des bottes à forte densité et à plus de 20% d'humidité résiduelle (Mareaux [chambre d’agriculture 64], 2023)

Microorganismes et réactions impliqués

Les microorganismes impliqués sont multiples (moisissures, levures, bactéries) et sont présent partout dans l’environnement. Au début, ce sont surtout des organismes aérobies qui entrainent une dégradation de la Matière Organique soluble (dont les sucres) en CO2, enO2 et avec un dégagement de chaleur. Dans certaines zones du ballot où l’oxygène est rare voir absent, les organismes anaérobies entrent en action avec une production de gaz et d’alcool en plus.  La dégradation de la matière organique soluble entraîne donc une diminution plus ou moins fortes des valeurs alimentaires et de la digestibilité du foin.

Dès 40°C : il y a réaction de Maillard. Les protéines vont se lier aux fibres. Elles seront donc moins digestibles.

De 40 à 60°C : le foin sera poussiéreux. Les pertes énergétiques (VEM) moyennes vont de 5 à 15% et la digestibilité des protéines diminue de 10 à 30%.

De 60 à 80°C : les risques d’incendie sont réels. Il faut sortir les ballots et les aérer. Au niveau des pertes énergétiques, elles peuvent aller de 15 à 30% en moyenne et la perte de digestibilité des protéines va de 30 à 80%.

De 80° à 90°C : La température et la pression des gaz montent très rapidement pour atteindre, en l'espace de quelques heures, 280 °C, soit le point d’inflammation. Si on combine le tout à une présence suffisante d'oxygène, le foin s'enflamme.

La teneur en matière sèche, élément-clé

La teneur en matière sèche du fourrage lors du pressage est l’élément-clé pour limiter les risques d’échauffement.

La valeur cible souvent préconisée est de 85% de matière sèche (=15% d’humidité). À cette teneur en matière sèche, on réduit drastiquement l’activité des microorganismes. Cette valeur peut-être légèrement plus faible si ce sont des petits ballots ou des balles rondes à cœur « mou » (tableau 1).

Le séchage au sein d’une parcelle, voire parfois à l’intérieur de l’andain, est   rarement homogène. Il peut y avoir des zones où l’humidité sera supérieure. Les ballots qui sont pressés le long d’un bois ou lorsque qu’il y a gros andains peuvent être des ballots plus à risque.

Tableau : Humidité maximale au pressage pour différents types de ballots

Mais attention à la densité (pressage) des ballots

Pressage foinPlus la densité des ballots est élevée, plus le risque est important. En effet, un pressage important du cœur du ballot ne permet une bonne circulation de l’air et l’humidité résiduelle ne peut donc pas être évacuée...

Pour des foins un peu limite au niveau de la matière sèche, il est recommandé d’éviter un pressage trop important et donc de réaliser des ballots carrés. Les balles rondes sont moins à risque et l’idéal est d’utiliser une presse à chambre fixe. Si une presse à chambre variable est utilisée, éviter de serrer au maximum (>< balles enrubannées).

Il est aussi conseillé d’éviter d’entasser trop rapidement les ballots. À l’intérieur du tas, les ballots de foin ne sont plus bien aérés et le foin étant un bon isolant, la chaleur et l’humidité ne pourront être évacués de manière suffisante. S’il y a risque d’échauffement, les balles rondes peuvent rester au champ beaucoup plus longtemps que les balles carrées sans trop craindre la pluie.

Les foins jeunes plus à risque que les foins tardifs

Si la coupe de foin est réalisée tôt dans la saison (moi de mai) ou si c’est un foin de regain, la probabilité d’avoir une herbe riche en sucres solubles et en protéines est plus élevé que pour un foin fauché au stade floraison (juin à mi-juin) Les foins riches en matière organique nécessaires au développement des microorganismes seront donc beaucoup plus sujet à échauffement surtout que le séchage optimal sera lui-même plus délicat à atteindre. De même les prairies qui ont reçues une fertilisation azotée conséquente seront souvent fauchées plus précocement, seront plus riches en eau et en nutriments, plus difficile à faner et donc plus à risque.

La flore des prairies

En plus du stade de fauche qui influencera la faculté à récolter le fourrage en foin ou pas, un facteur à ne pas négliger est le type de flore des prairies. En effet, des espèces comme les ray-grass (anglais, hybrides ou italiens) sont bien plus riches en sucres que d’autres espèces. Si l’ensoleillement est maximum comme en juin 2023, la concentration en sucres dans ces plantes est aussi trop élevé pour en faire du foin. De plus, leur faculté à sécher est moindre que des fétuques, des fléoles ou des dactyles. Une prairie récemment installée (moins de 2 ans) avec une base de ray-grass sera beaucoup plus difficile à faner qu’une plus vielle prairie à flore diversifiée. En effet, l’herbe colle ensemble et un fanage homogène est compliqué.

Les points d’attention

  • Atteindre 85% de MS (= 15% d’humidité) ! Hétérogénéité dans la parcelle ; 
  • Éviter un pressage trop important des ballots ;
  • Ne pas entasser les ballots trop rapidement ;
  • Éviter d’entreposer des ballots à risque au milieu du tas dans le hangar ; 
  • Attention à la flore de la praire (! ray-grass riches en sucres) ;
  • Les foins jeunes sont plus à risque que les foins tardifs. 

Pour plus d’informations

Lina Delforge

0477/383827 ou delforge@fourragesmieux.be