Lors de la présentation du rapport de l’Observatoire du Foncier en Wallonie, le Ministre Borsus, qui en est le Ministre de tutelle, a rappelé que cet organe a pour vocation, grâce à son suivi pointu des tendances, d’être un acteur d’aide à la décision pour la création d’outils permettant une gestion saine du foncier agricole. Pleinchamp a demandé au Ministre de tirer ses premières conclusions, suite à la publication du rapport, et d’évoquer avec nous les pistes de solution qu’il veut concrétiser.

 

Pleinchamp: Quels enseignements vous semblent les plus frappants dans ce rapport?

Willy Borsus: Le constat principal est que le prix continue à grimper, avec un prix record moyen qui atteint 30.521€ de l’hectare en 2020. Derrière ce prix moyen se cache bien sûr des réalités diverses, avec des prix qui varient en fonction des régions ou de l’usage, selon qu’il s’agisse de prairies ou de terres arables. On voit aussi que le prix est différent selon que l’acquéreur est du métier ou non.

La conclusion que j’en tire avant tout, c’est que cette évolution se poursuivant à la hausse, l’accès au foncier est toujours plus difficile pour les agriculteurs, et notamment pour les jeunes, alors qu’il est évidemment un élément plus que central pour le secteur. C’est évidemment une préoccupation majeure.

 

PC: Quels outils peut-on mettre en place pour contrer cette difficulté?

WB: Un certain nombre de choses sont d’ores et déjà d’application, comme par exemple, une volonté ferme d’éviter les usages concurrents à l’agriculture sur le territoire qui y est consacré. Cela implique tout d’abord de réhabiliter avant tout des zones de friches industrielles avant d’envisager de grignoter la zone agricole. Le Gouvernement veut réhabiliter plusieurs centaines d’hectares autrefois consacrés à d’autres activités économiques, comme l’industrie, pour permettre le développement de nouveaux projets, comme des zonings par exemple. De nombreuses zones sont déjà en processus de réhabilitation, comme le site d’Arcelor Mittal, pour ne citer que celui-là.

Je veux aussi rappeler mon opposition stricte au développement de champs photovoltaïques. Ce type de projets n’est pas adapté à notre territoire, puisque nous connaissons déjà une pression foncière certaine, que l’agrivoltaïsme ne ferait que renforcer.

Le bail à ferme, dans sa version largement révisée récemment, a pris cours il y a un an et demi. C’est encore un peu tôt pour se prononcer sur les impacts de cette révision du cadre du bail, mais il est clair que l’un des objectifs majeurs de sa refonte était notamment de rééquilibrer la relation entre l’agriculteur et son propriétaire. Nous gardons donc un œil attentif sur les retours de ce nouveau modèle, et continuons à en évaluer les impacts sur les objectifs que nous nous sommes fixés.

La PAC aussi peut influencer cette question d’accès au foncier, et en particulier la définition de ce qu’est un agriculteur véritable. Il est impératif que nous nous assurions, par une définition fine de ce qu’est un agriculteur réellement actif dans le secteur, que les aides de la PAC parviendront bien à ceux qui exercent la profession, travaillent la terre et produisent notre alimentation. 

Enfin, le Code wallon de l’Agriculture proposait la mise en place d’une banque foncière qui n’a pas encore été activée de façon significative. Environ 900 ha sont actuellement gérés par la DAFOR (Direction de l'Aménagement foncier rural). Je souhaite qu’elle le soit davantage, car elle a pour vocation très concrète d’acquérir des terres et d’être, pour les agriculteurs qui les exploitent, un propriétaire bienveillant, soucieux de permettre la poursuite de l’activité dans de bonnes conditions pour ses locataires. Par ailleurs, une étude est en cours en Wallonie, afin de comparer les mérites et les difficultés des divers outils de gestion du foncier qui ont pu être développés dans les pays voisins, comme en France, dont un connaît bien les SAFER, ou en Allemagne. Nous devons nous appuyer sur l’expérience de ces pays pour concevoir un outil qui réponde au mieux aux besoins de la profession.

 

PC: Lors de la publication du rapport de l’Observatoire du foncier, vous avez évoqué le lancement prochain des «Assises de la terre». Pouvez-vous nous dévoiler de quoi il s’agit?

WB: Début 2022, je veux rassembler autour de la table les représentants des parties prenantes dans la question du foncier. J’entends par là les représentants des agriculteurs, bien sûr, mais aussi des propriétaires, l’Union des Villes et Communes… Nous devrons, ensemble, y réfléchir à des pistes nouvelles qui peuvent compléter utilement ce qui existe déjà en Wallonie, pour améliorer l’accès au foncier. Je souhaite démarrer ce projet en 2022, car je pense que ces Assises doivent être minutieusement préparées pour être pleinement efficaces.

Pour terminer, je veux encore évoquer l’idée de créer un «véhicule juridique» qui aura pour objectif de faciliter la transmission de l’exploitation dans le cadre familial. Le moment de la transmission est toujours délicat: il doit être bien réfléchi et géré, pour que les intérêts de toutes les parties soient pris en compte. Très logiquement, l’enfant qui n’est pas agriculteur veut pouvoir pleinement faire usage de son capital, et celui qui reprend la ferme doit pouvoir se lancer dans le métier dans un climat économique favorable. Nous devons réfléchir à ce «véhicule juridique» qui permettra de respecter les besoins légitimes des uns et des autres, pour éviter notamment la tentation de vente du foncier chez les enfants qui n’exercent pas la profession.

D’une façon globale, l’ensemble de notre réflexion dans ce dossier doit être axée sur une volonté de recherche d’équilibre. Ceux qui ont, au fil des années, investi dans l’achat de terres doivent pouvoir trouver un retour dans cet investissement, mais cela doit évidemment se faire en permettant aux agriculteurs d’exercer leur profession dans les meilleures conditions. C’est donc véritablement un travail de recherche d’équilibre que nous devons mener.