Une véritable passion

La galerie de portraits de l’Assemblée des jeunes (AJ) nous emmène cette semaine du côté d’Ath, à Ligne, chez Corentin Deneubourg. Un vice-président de l’AJ qui a décidé de s’inscrire dans l’action syndicale pour défendre les intérêts de ses pairs et de cette agriculture productrice qui le passionne. Rencontre avec un jeune homme calme et posé, qui n’hésite pas à prêter main forte à ses voisins.

Ronald Pirlot

Initialement prévue dans l’enceinte de la ferme à Ligne, la rencontre avec Corentin se déroule finalement dans un champ de pommes de terre, à quelques kilomètres du fief familial. «Désolé pour ce changement de dernière minute. Nous profitons d’une fenêtre favorable d’un point de vue climatique pour avancer sur l’arrachage des dernières pommes de terre car demain, on prévoit le retour de la pluie». Au volant de son arracheuse, Corentin se montre très attentif, composant avec une terre particulièrement grasse. «C’est le champ d’un voisin. Nous lui donnons un coup de main» commente l’intéressé qui ne tire aucun sentiment d’orgueil de cette main tendue. C’est comme ça. La solidarité paysanne joue à plein.

De la semence à la récolte

Tandis que le colosse d’acier extirpe les pommes de terre du sol, Corentin égraine un parcours qu’il sait, depuis son plus jeune âge, tout tracé vers l’agriculture.

Arracheuse à pommes de terre

«Je n’ai jamais envisagé un autre métier» précise cet enfant du pays qui a effectué ses études secondaires à l’IPES (Institut provincial d’Enseignement secondaire) d’Ath, avant de poursuivre un graduat en agronomie à la HEPH-Condorcet (Haute école provinciale de Hainaut). «Ce qui me plaît par-dessus tout, c’est la production. Voir l’aboutissement du travail mené, de la semence jusqu’à la récolte. On est dans le concret».

C’est donc tout naturellement qu’il a rejoint son papa, Jacques, il y a de ça trois ans, pour se mettre en association au sein de l’exploitation dévolue exclusivement à la production végétale. Et plus précisément aux cultures de pommes de terre, céréales, betteraves ainsi que de légumes de grandes cultures (petits pois, haricots, épinards…).

L’importance de la transmission

«Avec mon père, on échange beaucoup. Il m’apporte tout son savoir-faire et son expérience. Il fait vraiment office de guide. Ce qui s’avère extrêmement précieux lorsqu’on débute dans la profession. Tandis que moi, j’apporte une autre vision». Parmi les nouveautés suggérées par Corentin figure le développement de plants fermiers de pommes de terre. Ce qui présente les avantages de s’assurer une sécurité d’approvisionnement en ne devant plus les acheter à l’extérieur, tout en se garantissant une qualité optimale.

Les yeux rivés alternativement sur la trajectoire de sa machine et les deux écrans de contrôle, Corentin manœuvre avec dextérité dans cet environnement cultural. «Je ne me serais pas vu dans un bureau. Je n’aurais pas pu me faire à une vie urbaine, très peu pour moi!»

Faire avec les caprices de la météo

La nature constitue véritablement un havre de paix pour le jeune homme de 27 ans qui est d’un naturel particulièrement posé. «C’est vrai que je suis plutôt calme» sourit-il, avec cette réserve qui sied aux personnes qui n’aime pas spécialement se mettre à l’avant-plan, conscient qu’un agriculteur doit faire preuve d’humilité en toutes circonstances, et spécialement face aux éléments. Les caprices climatologiques de cette fin d’année le rappellent à suffisance à quiconque l’oublierait. «Nous sommes fin décembre et nous avons encore des chicorées et des betteraves à arracher».

Pour les pommes de terre, il faudra également attendre car l’acheteur refuse de les réceptionner pour cause que certaines d’entre elles sont gelées. Au grand dam de Corentin qui compatit pleinement au désarroi de son voisin. La fameuse solidarité paysanne…

L’action syndicale comme une évidence!

Participer au mouvement syndical s’avère une évidence pour Corentin. «Mon père a toujours été membre de la FWA. Il a notamment fait partie de la Commission productions végétales. J’ai suivi, tout naturellement». Que l’on ne s’y trompe toutefois pas, il ne s’agit pas de faire comme son paternel, mais de s’inscrire dans un véritable engagement syndical. «Il est essentiel de donner une voix à tous les types d’agriculture, en ce compris les fermes en production végétale. J’ai l’impression que je représente un peu notre région, avec ses spécificités. Si on n’alimente pas le syndicat de ce que l’on est et de ce que l’on fait, on n’avance pas!» clame le vice-président de l’AJ, qui participe également à la Commission productions végétales. A cet égard, il se réjouit de l’écoute dont jouit la voix des jeunes au sein de la FWA. « Notamment pour tout ce qui concerne les aides à l’installation. J’en profite pour dire que le syndicat fait beaucoup pour nous».

Un engagement syndical que Corentin voudrait amplifier, notamment en matière de biométhanisation et d’agrivoltaïsme. «Malheureusement, les travaux à la fermeme prennent tellement de temps qu’il n’y a plus beaucoup de place pour autre chose» ajoute-t-il, conscient qu’il risque de ne pas y avoir de trêve de fin d’année pour lui.

J’ai dû me justifier de pulvériser
Corentin Deneubourg

Corentin ne compte pas ses heures de travail pour produire la nourriture nécessaire à ses congénères. Ceux-ci lui en sont-ils reconnaissants ? En d’autres termes, a-t-il déjà eu à subir les affres de l’agri-bashing ? «Franchement, je ne le ressens pas vraiment… hormis quand je sors avec mon pulvérisateur. Là, c’est direct, tellement l’image véhiculée autour de la pulvérisation est mauvaise. J’ai même dû me justifier, un jour, auprès d’un riverain venu m’apostropher. Il m’a fallu être diplomate pour lui expliquer toutes mes contraintes m’obligeant à cette pratique. Mais c’est très difficile tant les idées préconçues sont ancrées en eux. Bien évidemment, ça pèse sur notre moral d’être ainsi incompris. L’un de nos gros challenges sera assurément de nous exprimer et de faire comprendre notre métier car, au final, c’est l’opinion publique qui définit les orientations politiques. A nous d’expliquer que nous sommes également partisan d’une défense de l’environnement, à condition que ce soit fait en bonne intelligence avec des règlements utiles et efficaces, et pas contraignants comme trop souvent».