La semaine dernière, nous vous avons détaillé les 3 obligations de l’actuel verdissement qui vont être inclues dans la conditionnalité de la future PAC. Vendredi, nous avons appris que, suite à la guerre en Ukraine et comme proposé par la Commission européenne, la Wallonie a décidé de permettre de déroger exceptionnellement et uniquement pour l’année 2023 à certaines obligations concernant les bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE). Mais attention, toutes les dérogations ne sont pas bonnes à prendre!

Isabelle Jaumotte

 

Dans le communiqué de presse de ce vendredi 02 septembre, les Ministres de l’Agriculture, Willy Borsus, et de l’Environnement, Céline Tellier, ont rappelé que l’invasion de l’Ukraine par la Russie avait aggravé la hausse des prix des produits alimentaires et provoqué des effets importants sur l’offre et la demande de produits agricoles au niveau mondial. Le degré d’incertitude concernant la situation de l’approvisionnement alimentaire au niveau mondial est élevé, ce qui suscite des inquiétudes quant à la sécurité alimentaire mondiale. Pour remédier à cette situation, la Commission européenne a adopté le 27 juillet dernier une décision permettant aux États membres de déroger exceptionnellement et temporairement à certaines obligations concernant les bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE). Cette décision de la Commission prévoit la possibilité pour les Etats membres d’adopter pour 2023 des dérogations à certaines conditions relatives aux BCAE 7 (obligation de rotation) et 8 (obligation de surfaces non productives et plus particulièrement, jachères).

C’est pourquoi le Gouvernement a adopté, à titre exceptionnel, pour l’année 2023, plusieurs dérogations pour l’application de ces deux BCAE.

 

Déroger, mais pour faire quoi?

 

Concernant la BCAE 7, les agriculteurs pourront semer ou planter en 2023 la même culture qu’en 2022.

Concernant la BCAE 8, les jachères comptabilisées comme surfaces non productives dans le cadre de cette BCAE 8 peuvent être cultivées en 2023, aux conditions suivantes:

  • La dérogation à l’interdiction de cultiver les terres en jachères exclut les terres déclarées en jachère en 2021 et 2022 afin de préserver les jachères pluriannuelles, celles-ci étant des zones favorables à la biodiversité.
  • La mise en culture des terres en jachères n’est autorisée que pour les céréales, le tournesol et les légumineuses, à l’exception du maïs et du soja. Seules les cultures citées pourront être cultivées sur une jachère. Cela ne sera pas possible pour ceux qui envisageraient de semer du colza sur une jachère. Le colza est un oléagineux et ne peut donc pas être cultivé sur une jachère, contrairement au tournesol.
  • La prise en compte des parcelles faisant l’objet de la dérogation pour l’éco-régime « réduction d’intrants », l’éco-régime « cultures favorables à l’environnement » ou le soutien couplé aux protéagineux est autorisée moyennant le respect des conditions d’éligibilité desdits régimes. En d’autres termes, si vous mettez une légumineuse éligible au soutien couplé (pois, fèves ou féveroles, lupin, lentille… sauf le soja), vous pourrez bénéficier de l’aide couplée (aide de 300€/ha telle que prévue dans le plan stratégique actuel). De même, si vous semez sur une jachère une céréale éligible à l’éco-régime « culture favorable à l’environnement » ou à l’éco-régime « réduction d’intrant », vous pourrez là aussi bénéficier de l’aide correspondante.

 

Prudence cependant, toutes les dérogations ne sont pas bonnes à prendre

 

Ces dérogations sont volontaires pour les agriculteurs et c’est là qu’il faudra être prudent. En effet, le règlement européen permettant ces dérogations exceptionnelles est clair, si les agriculteurs veulent mettre en œuvre des éco-régimes ou des mesures agro-environnementales et climatiques qui reposent sur le respect de ces deux BCAE, ils ne doivent pas utiliser les dérogations proposées.

Ainsi, l’éco-régime « couverture hivernale des sols » comme la MAEC « céréales sur pied » impose le respect de la BCAE 7. Dès lors, pour bénéficier des aides correspondantes à ces deux régimes, il faudra respecter les obligations de rotation des cultures sans utiliser la dérogation. Pour l’éco-régime « maillage écologique » qui, rappelons-le, est le seul outil qui permettra de soutenir les éléments topographiques (arbres, haies, mares…), les UG5 en Natura 2000 ou encore le CVP (couvert végétal permanent), il faudra respecter les dispositions de la BCAE 8 là aussi, sans utiliser la dérogation permettant de cultiver les jachères. Il en sera de même pour les MAEC « tournière enherbée », « parcelle aménagée » et « céréales sur pied ».

La prudence est donc de mise avant de se lancer dans la culture des jachères, même s’il n’est pas facile d’anticiper les choix à faire tant que les éléments de la future PAC sont incertains. Cela ne saurait cependant tarder vu que le Ministre Borsus a annoncé lors de la Foire de Battice un PAC Tour avec quelques 9 rencontres programmées dans toute la Wallonie entre le 11 et le 21 octobre 2022. L’agenda détaillé, dates et lieux, sera publié dans une prochaine édition du Pleinchamp.

Zoom FWA

Avant même la publication du règlement européen, la FWA avait demandé que ces dérogations soient appliquées en Région wallonne pour l’année 2023. La FWA salue donc la décision prise par le Gouvernement.

La FWA attend maintenant les modalités pratiques de mise en œuvre ainsi qu’une information claire et précise, notamment lors du PAC Tour du Ministre.