Prix des carcasses: entre effets d’annonce et réalités

Suite aux actions de toutes les organisations professionnelles agricoles wallonnes, dont la FWA, les chaînes de distribution ont été contraintes d’augmenter le prix auxquels elles achètent leurs carcasses. Cependant, loin de se satisfaire d’effets d’annonce, ce que nous voulons toutes et tous, ce sont des augmentations réelles et fortes du prix des carcasses pour les éleveurs et éleveuses du pays.

Depuis les premières annonces d’augmentation des prix survenues pour les premières à la mi-février, les principaux distributeurs ont fait savoir qu’ils allaient acheter plus cher leurs carcasses auprès des chevilleurs et/ou coopératives.

Cependant, une première remarque importante concerne la totale opacité dans laquelle ont été faites ces annonces des distributeurs. Dans la grande majorité des cas, l’augmentation des prix d’achat des carcasses par les distributeurs ont été communiquées oralement à des personnes différentes et sans aucune clarté sur le champ d’application de ces hausses de prix.

Nous regrettons fermement ce manque de transparence qui ne fait qu’entretenir le flou artistique (volontairement?) créé par certains distributeurs.

Seul Carrefour a communiqué de manière transparente via un document officiel envoyé à l’ensemble des organisations agricoles. Dans ce courrier, Carrefour informe qu’une première hausse de 0,20€/kg carcasse a été effective dès janvier 2024 et que la chaîne a anticipé le paiement d’une deuxième hausse prévue de 0,17€/kg à partir du lundi 26 février. Ceci portant le prix des taureaux de type culard à 6,65€/kg et celui des vaches de type culard à 6,70€/kg pour l’enseigne.

Pour le reste, en l’absence de communication claire, nous pouvons seulement affirmer que certains distributeurs sont plutôt pro-actifs et annoncent des hausses allant jusque 0,50€/kg pour certaines catégories d’animaux. D’autres enseignes, beaucoup plus frileuses, se contentent de suivre les évolutions du marché de 0,20 ou 0,25€ selon leurs dires.

A des fins de suivi des évolutions du marché des principaux produits agricoles, l’Union européenne impose à ses états membres de lui transmettre régulièrement les prix moyens de certaines productions agricoles. Dans le cas de la viande bovine, cette obligation porte sur le prix payé au fournisseur à l'entrée de l'abattoir. Ce dernier a l’obligation de transmettre aux régions les prix auxquels il paie les carcasses aux engraisseurs. Les régions se coordonnent ensuite pour remettre ces données à la Commission européenne afin que celle-ci puisse établir son observatoire du prix de la viande. Ce sont ces chiffres Belges que vous retrouvez dans le tableau ci-dessous. Le prix payé est renseigné pour les catégories A (jeunes taureaux), D (vaches) et E (génisses), et ce pour les différentes classes de conformation et état d’engraissement les plus représentatifs. En plus des prix payés figurent également dans ce tableau les évolutions de prix semaine par semaine depuis le début de l’année 2024. Enfin, le dernier montant en bas de colonne représente l’évolution du prix des différentes carcasses entre la semaine précédant les premières annonces d’augmentations et la dernière semaine disponible.

Lorsqu’on met en perspective ces prix officiels avec les prix annoncés de manière indépendante par les différents distributeurs, il est clair que la réalité est toute autre. En effet, la hausse la plus importante concerne les carcasses AS2 (jeunes taureaux, conformation supérieure) et atteint péniblement 0,2242€/kg. Nous sommes donc loin des 0,50€/kg carcasse annoncés par certains distributeurs! Pour les autres catégories, c’est encore pire. Les augmentations réelles ne sont que d’une dizaine de centimes, voire moins.

Néanmoins, et sans chercher à défendre qui que ce soit si ce n’est les éleveurs, il faut faire preuve d’honnêteté intellectuelle face à la compréhension que nous pouvons avoir de ces chiffres.

• Premièrement, il s’agit d’une moyenne belge. Par moyenne, cela signifie que le prix payé pour certaines bêtes est supérieur et pour d’autres inférieur à ce prix moyen calculé. De plus, la moyenne est belge et nous savons que les éleveurs du Nord du pays sont un peu moins revendicatifs concernant le prix des carcasses (car davantage concentrés sur la problématique de l’azote), ce qui pourrait faire baisser cette moyenne. En réaction, nous ne pouvons que les convier à soutenir nos revendications pour une revalorisation rapide et importante du prix des carcasses. Une démarche en ce sens sera entreprise pour conscientiser nos homologues néerlandophones.
• Deuxièmement, entre les enseignes de la grande distribution et les éleveurs, il y a en général un ou plusieurs intermédiaires. Sans vouloir insinuer que ces maillons se «sucrent» sur le dos des éleveurs, il est certainement normal que ces augmentations de prix percolent semaines après semaines et donc que les augmentations ne soient pas immédiatement visibles dans leur entièreté chez les éleveurs. Sur ce point, il est absolument primordial que nous soyons tous solidaires car nous sommes mutuellement indispensables les uns pour les autres. Et donc, nous demandons aux maillons intermédiaires de répercuter dans les plus brefs délais toute hausse annoncée. Ce qui semble être le cas pour le moment.
• Troisièmement, il faut tenir compte de l’importance du nombre d’abattages pour chaque catégorie. Il n’est peut-être pas nécessaire de crier au scandale face à une augmentation moyenne de prix trop faible pour une catégorie dans laquelle n’ont été abattu que 141 animaux sur l’année 2023 (Catégorie AS3).

Quoi qu’il en soit, les chiffres sont les chiffres et il est important de bien les analyser. En définitive, à l’heure actuelle,  il est impensable de se satisfaire de cette réalité qui est loin de nos revendications.

Nous voulons une poursuite de cette hausse pour l’ensemble des catégories, et que cette hausse soit appliquée de manière uniforme à tous les animaux, taurillons/vaches, BIO/conventionnel.

L’avenir de l’élevage bovin en Belgique est en jeu! Les abattages restent élevés, les naissances diminuent, le cheptel fond…

Pourquoi l’augmentation d’1€ sur la carcasse est légitime?

• Tout d’abord parce que toutes les charges ont augmenté, notamment en ce qui concerne le prix de l’alimentation pour bétail et de l’énergie. La conséquence logique doit être une augmentation uniforme du prix de la viande payé à l’éleveur ; 
• Le prix de la viande avait augmenté de 15% en grande surface et nous, éleveurs, nous n’avions pas vu cette hausse.