Une rencontre très attendue

La quatrième des rencontres politiques de la FWA était sans doute l’une, sinon la plus attendue. L’invité du soir n’était autre que Jean-Marc Nollet, le co-Président d’Ecolo. Un parti qui, durant cette législature, a souvent entretenu avec le monde agricole une relation du chat et de la souris. A l’issue d’une soirée trop vite écoulée, à l’image du survol des sujets évoqués, la soixantaine d’agriculteurs présents s’en sont retournés sur leur faim, gagnés par une déception à la hauteur des attentes malgré l’intensité des échanges.

Florian Mélon et Ronald Pirlot

Malgré son relativement jeune âge eu égard aux canons politiques en vigueur, Jean-Marc Nollet fait déjà office de vieux briscard de la sphère publique. A l’issue d’un face-à-face avec les agriculteurs d’une durée équivalente à celle d’un match de football, le co-Président d’Ecolo s’en est reparti dans ses pénates, conscient du devoir accompli. Sans coup férir, il venait de distiller ses grandes lignes directrices tout en esquivant avec roublardise les questions problématiques, éludant les prises de position de ses ministres en exercice derrière le paravent d’une complexité agricole qu’il maîtrise mal, mais tout en promettant un retour plus complet par la suite. De quoi laisser sur leur faim la soixantaine d’agriculteurs et d’agricultrices présent(e)s qui regrettaient que l’orateur ne se soit pas fait assister d’un technicien, tout en lui reconnaissant le courage de sa présence. Ce qui s’est traduit par une cordialité jamais prise en défaut, malgré une tension latente dans les propos, tout au long d’une entrevue aux allures de dialogue renoué. Sans doute est-ce là le principal mérite de cette soirée, à défaut d’avoir pu dissiper les incompréhensions entre son parti et les agriculteurs.

Circuit court

Une soirée entamée sur le thème du circuit court, auquel Ecolo associe étroitement les notions d’agroécologie et de bio. Il a été plus précisément question des leviers que le parti Ecolo souhaite actionner pour relancer la production bio face au tassement de l’engouement des consommateurs. «Nous envisageons la mise en place de campagnes de sensibilisation, la confirmation des aides, la prise en charge des coûts de labellisation, l’obligation d’inscrire du bio dans les cahiers des charges des collectivités (crèches, écoles…)… »

Jean-Marc Nollet

L’occasion pour Marianne Streel de rebondir sur cette impression donnée par Ecolo qu’il y aurait une agriculture vertueuse et une autre qui ne le serait pas. «Vous ne m’entendrez pas ce soir avec un positionnement manquant de respect envers les agriculteurs» retorque Jean-Marc Nollet. «Au contraire, s’il y a bien des personnes conscientes de l’importance des gens de la terre, ce sont les écologistes. Nous savons que tout le monde n’a pas l’intention d’être bio. C’est pourquoi nous proposons dans notre programme d’atteindre non pas 100% comme je l’ai entendu, mais 30% d’agriculteurs bio afin de correspondre aux attentes et aux besoins. Un cap qu’il ne sera possible d’atteindre que moyennant la fixation d’un juste prix pour les producteurs. Ce qui n’est pas le cas. Mais pour répondre à la question initiale, ce qui est wallon est de facto, pour moi, assimilé au circuit court».

Rémunération plus juste des producteurs

Une juste rémunération pour les producteurs que serinera plusieurs fois le dirigeant des Verts, plaidant pour ce faire pour une diminution des marges prises par les intermédiaires comme Colruyt ainsi que pour des prix de vente plus élevés. «Parce que vous pensez pouvoir obliger un acteur privé comme Colruyt à réduire ses marges?» questionne avec scepticisme un agriculteur. «Sans une meilleure rémunération, il n’y a pas d’avenir pour l’agriculture. C’est la seule voie. Prétendre que Colruyt est intouchable, c’est refusé cet avenir» retorque Jean-Marc Nollet, un président qui assure « n’avoir aucun problème à assumer cette position » devant le scepticisme de l’assemblée.

Alliance avec le monde agricole

Quant à la transposition des normes européennes en Wallonie avec un certain zèle:

Jean-Marc Nollet

«Je ne suis pas pour qu’on lave plus blanc que blanc (ou plus vert que vert) en Wallonie, mais je cherche à défendre un modèle qui soit durable. Et je ne crois pas que le modèle actuel le soit à long terme. Vous souffrez. Je l’entends bien, je le lis, je le vois. Je pense qu’on doit pouvoir faire une alliance où des garanties publiques sont données pour aider aussi sur le plan de la rémunération. On a ce bras de levier des contrats publics d’achat pour les collectivités. Travaillons à ce que les clauses servent la localité et les produits agricoles wallons. C’est avec vous que l’on doit travailler ces détails».

Régulation des prix, pesticides,…

Le co-Président d’Ecolo a ensuite défendu une régulation plus forte des prix. «Le levier, ce doit être l’Europe» ainsi que l’application stricte de clauses miroirs dans les accords internationaux, se présentant comme «un des plus fervents opposants aux accords internationaux où on nous promet de tous y gagner ».

Jean-Marc Nollet est également revenu sur la diminution des pesticides. «Il faut s’inscrire dans la logique européenne d’une réduction de 50% de leur usage. Vu qu’en Belgique, on est l’un des plus gros consommateurs, on dispose d’une marge». Avant de plaider pour l’agroécologie, à savoir l’opportunité de mieux rentabiliser les terres via une double ou triple utilisation.

Agribashing

Interpellé sur la question du manque de considération qui accable aujourd’hui le monde agricole, Jean-Marc Nollet a plus précisément été interrogé sur ce courrier diffusé dans les écoles, signé de sa co-Présidente, dénigrant l’agriculture conventionnelle.

Jean-Marc Nollet signe le manifeste de la restauration de la confiance

«Je ne l’ai pas vu !» a rétorqué le responsable Ecolo, visiblement bien décidé à ne pas endosser de responsabilité collective. Il ne sera d’ailleurs à aucun moment question d’expliciter les choix opérés au sein de l’exécutif wallon, et face auxquels les agriculteurs présents n’ont pas manqué d’afficher leur ressenti: «vous devez savoir que les agriculteurs sont les premiers écologistes. Celui qui va nous faire croire qu’on peut produire en maltraitant ses animaux ou ses terres, c’est un menteur car ce serait pour nous la faillite garantie. Mais quand on entend parler d’écologie, c’est toujours avec le sentiment d’une écologie punitive, avec des mesures (taxe sur les produits phytos, CVP,…) qui nous punissent sur le plan financier».  

Réponse de l’invité du soir: «Ma présence permet de mettre les choses au clair, notamment sur le débat concernant l’élevage. Ma position, ce n’est pas de dire qu’il ne faut plus de viande, mais bien qu’il faut nous aligner sur les recommandations de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) en matière de consommation de viande. En moyenne, cela voudrait dire que l’on diminue de 5% notre consommation d’ici 2030. Ça va!» Le ton est calme, le débat est respectueux mais on sent une certaine crispation de part et d’autre, les échanges se réhaussant de temps à autre de vibratos de ténor.

Deux poids, deux mesures?

Pas de quoi satisfaire les frustrations accumulées par les membres de l’auditoire : «il ne se passe pas un mois sans que l’on nous impose des normes, Ecolo nous brandissant sans arrêt le principe de précaution. Pourquoi ne pas l’appliquer à d’autres et ainsi interdire, par exemple, la vente de cigarettes et d’alcool. Nous avons l’impression d’être à chaque fois les boucs émissaires, avec des charges constantes sur base d’avis de scientifiques triés en fonction de vos intérêts!».

«C’est pourquoi je suis en faveur de la constitution de comités de scientifiques et de suivre la position dès lors que se dégage un consensus. Voyez pour le dossier «Pfas» et la manière dont les gens ont reçu l’information des médias, c’est complètement hallucinant!» répond Jean-Marc Nollet.

«C’est justement ce qui nous arrive en permanence en agriculture. Il faut rééquilibrer la donne» ajoute l’agriculteur.

«Je sais et je pense l’avoir bien entendu. Tout comme je n’accepte pas que l’on puisse dire des choses qui ne sont pas dans notre programme. Il n’y a pas d’excès dans mon propos même s’il y a des désaccords. Et j’ai eu, et je vous en remercie, une grande écoute de votre part même si ce fut parfois tendu» conclut le co-Président Ecolo.

Si vous deviez changer quelque chose dans la PAC?

Questionné à ce sujet, Jean-Marc Nollet a brandi quatre points:

  • la simplification du suivi administratif ;
  • affiner les aides pour les investissements dans les nouvelles techniques et technologies ;
  • développer les aides pour la mutualisation des outils agricoles ;
  • renforcer les aides au bio.