Un combat de longue haleine

Alors que les animaux sortent des étables, nos élus wallons se penchent sur les modifications à apporter au cadre légal pour permettre un accès minimal à la rivière. Le combat mené de longue haleine par la FWA est dans sa dernière ligne droite.

Bernard Decock, Coordinateur Pôle environnement et Didier Vieuxtemps, Conseiller Nature, Biodiversité, Chasse Conseil, Analyse et Politique (CAP)

En 2018, le Parlement de Wallonie votait un décret modifiant divers textes. L’un d’eux, concernant les cours d'eau, présentait un nouvel article D.42-1: «les terres situées en bordure d'un cours d'eau non navigable à ciel ouvert et servant de pâture, sont clôturées au plus tard le 1er janvier 2023 de manière à empêcher toute l'année l'accès du bétail au cours d'eau».

Plus aucune dérogation de clôture n’était donc applicable depuis le 1er janvier 2023, exceptée pour les terres faisant l'objet d'un pâturage très extensif favorable à la biodiversité moyennant l'introduction d'une demande spécifique.

Cette mesure concernait tous les cours d’eau non navigables (1ère, 2e ou 3e catégorie) sans exception, à l’exclusion des voies hydrauliques ou des cours d’eau non classés.

Dès son adoption, cette obligation avait suscité nos critiques et notre volonté de pouvoir déroger via un accès limité, dans le respect de l’objectif environnemental, mais aussi celui du bien-être animal. Plusieurs communes avaient soutenu leurs agriculteurs et adressé des motions à la ministre de l’Environnement en lui demandant de revoir le cadre légal existant.

4m d’accès tous les 100m

Lors de la Foire de Libramont, la Ministre Tellier avait pris des engagements, mais ceux-ci tardaient à trouver une concrétisation.

Clôture des berges

Les mobilisations de ces dernières semaines ont sans conteste permis d’aboutir sur un consensus au sein du Gouvernement. Lequel a déposé, vendredi dernier, un projet de décret modificatif au Parlement de Wallonie. Car en effet, il est nécessaire de passer par un décret pour en modifier un autre.

Concrètement, la proposition déposée au Parlement vise à remplacer l’article D.42-1 du Code de l’Eau et à introduire une possibilité de déroger à l’obligation de clôture des prairies pâturées via l’aménagement d’un accès à l’eau pour le bétail, et ce sur une longueur maximale de 4 mètres par 100 mètres de rive.

Les modalités et conditions de mise en œuvre de cette dérogation sont directement précisées dans le projet de décret. Ils permettront donc de se passer d’une analyse individuelle et d’attendre une décision du Gouvernement, de la Ministre ou de son administration. Il est d’ailleurs justifié dans la proposition que «le contexte de la crise qui frappe le secteur agricole nécessite en effet la mise en place d’une réponse rapide et autoportante».

Des conditions négociées pour éviter une usine à gaz

Sous réserve de l’approbation par le Parlement de Wallonie, il sera possible pour un agriculteur de mettre en place un aménagement de 4 m par parcelle déclarée, et pour des parcelles de plus de 100 m de rive, il pourra y avoir un aménagement de 4 m par 100 m de bord de rive de parcelle déclarée.

Il n’y a pas de cahier de charge très précis pour les aménagements, mais une volonté de laisser l’agriculteur réaliser l’accès en bon père de famille tout en veillant au respect de l’environnement. L’accès au cours d’eau pour le bétail devra être en pente douce, sans apport de déchets de construction et autres inertes, tout en prévoyant un dispositif empêchant la traversée du cours d’eau et limitant les apports de déjections animales dans le cours d’eau.

Les entraves à l’écoulement de l’eau ou aux embarcations de loisir seront proscrites. Le placement de planche ou autre dispositif dans le lit mineur du cours d’eau permettant de rehausser la lame d’eau ainsi que le creusement de berge, seront proscrits. Les aménagements ne pourront être utilisés comme passage à gué permanent et devront être entretenus en bon père de famille.

Cas spécifiques

Attention toutefois que cette dérogation simple et sans passer par une demande individuelle ne sera pas applicable pour les zones faisant déjà l’objet de restriction depuis de nombreuses années en vue d’y assurer l’atteinte d’objectifs environnementaux très strictes, comme les zones Natura 2000, de baignade, de circulation d’embarcation et celles à enjeux spécifiques. Les possibilités de dérogations cadrées par les législations existantes pour ces zones resteront maintenues (cfr le site du SPW qui nécessitera une actualisation mais reprend la liste des zones à enjeux et la procédure de dérogation http://biodiversite.wallonie.be/fr/cloture-des-berges-des-cours-d-eau.html?IDC=835&IDD=4697 ). Enfin, une possibilité de dérogation individuelle nécessitant l’approbation du DNF sera également organisée dans les situations spécifiques de parcelles enclavées ou de parcelles traversées par un cours d’eau.

Charge administrative et contrôle

Au niveau administratif, il est prévu un simple encodage dans la déclaration de superficie du nombre d’aménagements réalisés par parcelle et la déclaration d’engagement aux respects des conditions de mise en œuvre. Cet encodage sera d’application en 2025 et à situation inchangée, cette déclaration sera automatiquement renouvelée. 

La dérogation sera toutefois légalement autorisée dès que le décret sera voté, sans attendre le 1er encodage. En attendant aucune instruction de contrôle n’est donnée, en sachant toutefois que celui-ci est toujours possible sur base du décret actuel. Nous ne doutons pas que, en cas de contrôle, les agents en charge seront attentifs à déjà prendre en compte les évolutions attendues. N’hésitez pas à nous revenir si vous êtes membres et faites l’objet d’un contrôle s’étant mal passé.