Un tout nouveau parti, le BBB

En mars dernier, au cours des élections provinciales néerlandaises, un tout nouveau parti, le BBB (pour BoerenBurgerBeweging, mouvement agriculteur-citoyen) remportait, à la surprise générale, 15 sièges au Sénat néerlandais. Quelques semaines plus tard, Tine Hermans, fille d’un agriculteur de Merksplas, décide de lancer une version belge du parti : le Boer Burger Belangen, que l’on pourrait traduire par « Intérêts agricoles et citoyens » ! Sur les réseaux sociaux, le parti compte quelques 15.000 followers, et sa fondatrice compte bien le faire évoluer d’ici les élections de 2024. Nous l’avons rencontrée pour vous.

Propos recueillis par Olivia Leruth

Pleinchamp: Vous avez mis sur pied le parti BBB. Pouvez-vous nous expliquer d’où vous est venue l’idée?  

Tine Hermans, fondatrice du BBBTine Hermans : La première raison, c’est la façon dont le Gouvernement flamand traite les agriculteurs. Vous avez certainement entendu parler de l'accord sur l'azote.  Ma région (Merksplas) comporte un grand nombre d’exploitations situées à proximité de zones Natura 2000. Lorsque ces zones ont été délimitées il y a des années, il a été dit qu'il n'y aurait pas d'impact sur les activités des entreprises. Aujourd'hui, le Gouvernement déclare que les agriculteurs doivent quitter les lieux en raison de l'impact trop important de leurs activités sur la nature environnante. Le cheptel devrait être réduit de 30% dans toute la Flandre.

Deux options s’offrent aux agriculteurs: soit se convertir complètement vers une agriculture régénératrice en optant pour des cultures à faible teneur en azote comme le chanvre ou le lin ; soit arrêter, et il y aurait alors un système de rachat volontaire. En tant qu’agriculteur, vous seriez alors frappé d'une interdiction de ne plus pouvoir exploiter une ferme nulle part.

Rien que dans ma région, environ 150 exploitations sont menacées. Et pour l'ensemble de la Flandre, ce sont quelque 12.000 exploitations d'élevage dont l’avenir s’avère très incertain.

 

PC: Ce nouvel accord sur l’azote est-il le seul problème rencontré par le monde agricole flamand?

TH : L'azote est l'élément déclencheur, mais en Flandre, de nombreux autres dossiers affectent l'agriculture. Il y a le décret sur les parcs nationaux, la réforme du décret sur les baux permettant de convertir plus rapidement les terres agricoles en espaces naturels, ou encore les récits que me font les agriculteurs sur la façon dont les fonctionnaires des organismes de contrôle les traitent sont également très inquiétants. Tout comme les réglementations complexes et de plus en plus nombreuses ainsi que leur application avec des sanctions complètement disproportionnées par rapport aux infractions… Les agriculteurs se sentent aujourd’hui traités comme des criminels, alors qu'ils travaillent très dur chaque jour pour prendre soin de notre alimentation. Des aliments qui répondent à des normes de qualité très strictes, sans équivalence ailleurs!

 

PC : C’est donc tous ces constats qui vous ont décidée de lancer le BBB ?

Boer burger belangenTH : Après la victoire du BBB aux Pays-Bas, j’ai eu envie de créer un parti similaire en Flandre. Un parti qui représente à la fois les intérêts des zones rurales, mais aussi ceux des citoyens, car eux aussi doivent faire face à des problèmes. Il suffit de penser à l’augmentation des prix de la nourriture, de l’énergie… Les mesures imposées telles que la rénovation obligatoire des maisons anciennes, l'électrification des voitures, le manque de personnel dans les soins de santé et l'enseignement, le vieillissement de la population... sont autant de défis qui attendent les citoyens ordinaires. Lesquels ont perdu confiance en la politique.

 

PC : S'agit-il d'une déclinaison officielle du BBB néerlandais ?

TH : Nous sommes une entité distincte du BBB néerlandais, même si nous entretenons de bons contacts avec lui.  Récemment, des membres du BBB du Limbourg néerlandais étaient présents lors d'une réunion provinciale. En outre, les questions qui se posent dans les deux pays sont souvent concomitantes. La participation aux élections européennes de 2024 n'est peut-être pas possible, mais il a été convenu avec le BBB des Pays-Bas de renforcer nos synergies! Il semble également y avoir un mouvement dans plusieurs autres pays européens, comme l'Allemagne, pour lancer un parti similaire.

 

PC : Avez-vous un lien avec un ou plusieurs parti(s) traditionnel(s)? Si ce n'est pas le cas, avez-vous reçu des réactions de leur part ? Ou peut-être une invitation ?

TH : Je n'ai aucun lien avec les partis traditionnels. J'ai grandi dans une famille d'agriculteurs qui était favorable au CD&V, le parti traditionnel des agriculteurs en quelque sorte. Ma mère a oeuvré plusieurs années au niveau municipal. Avant même mon initiative, j'ai eu des contacts avec le Ministre flamand Jo Brouns au sujet de l'impact de l'accord sur les nitrates dans ma région. Et après mes premières démarches, on m'a dit qu'il y avait de la place pour moi sur une liste du CD&V. Je n'ai pas accepté. Pour être complète, des membres du Vlaams Belang ont commencé à me suivre sur les médias sociaux, mais il n'y a pas eu de discussion.

 

PC : Sur votre Facebook, vous relatez des réunions à travers toute la Flandre. Avez-vous éjà élaboré un programme politique? Si oui, quels en sont les principaux points?

Tine Hermans, fondatrice du BBBTH : Nous sommes en train d'élaborer un programme. Il est évident que l'agriculture sera très importante car nous voulons assurer l'avenir de notre approvisionnement alimentaire local. Le Gouvernement devrait avoir plus de respect pour nos agriculteurs et les terres agricoles devraient le rester. Nous disposons de terres agricoles très fertiles et de bonne qualité dans le nord et l'ouest de l'Europe. Compte tenu notamment du changement climatique et de l'augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes, mais aussi des incidences des conflits, nous devrions considérer la terre comme un atout stratégique important.

Nous voulons également nous concentrer sur les citoyens et sur ce qui trouve un écho auprès de notre base. Les réactions de nombreuses personnes nous font également ressentir une grande méfiance à l'égard du monde politique. Les gens ont l'impression que les politiciens ne se préoccupent pas suffisamment des citoyens, mais plutôt d'eux-mêmes. C'est pourquoi il est important pour nous de travailler à une gouvernance plus légère, meilleure et efficace, avec moins de personnes. Nous vous en dirons plus à l'automne.

 

PC : Avez-vous le projet de vous étendre également à la Wallonie?

TH : Nous y avons déjà pensé. Nous nous concentrons actuellement sur la Flandre/Belgique, mais il serait bon qu'un parti similaire soit créé en Wallonie. Ceux qui souhaiteraient le faire peuvent toujours nous contacter ! Nous avons même déjà pensé à un nom, le PPP (Parti pour les paysans et le peuple) par exemple. Avec deux partis dans les deux communautés et/ou au niveau fédéral, nous pourrions défendre ensemble les intérêts de l'agriculture, entre autres. Mais même en tant que petit pays au sein de l'Europe, il est important de le faire. Les législations imposées par l'Europe ne sont pas toujours favorables à nos régions. Le Green Deal et la Loi pour la restauration de la nature, entre autres, suscitent beaucoup d'inquiétudes. Tout cela sera-t-il réalisable et abordable?  Et en fin de compte, qu'est-ce que nous aurons encore à dire si les règles supranationales de l'Europe sont décisives? Comment pourrons-nous défendre correctement nos intérêts ?