Une avancée majeure, vraiment ?

La mobilisation agricole de ce début d’année a remis au-devant de la scène l’absolue nécessité de conclure des accords de libre-échange équilibrés, en intégrant des clauses miroirs imposant les mêmes conditions de production que celles imposées à nos agriculteurs. «C’est chose faite» justifiait à l’automne dernier une majorité de Députés européens qui avaient voté le traité avec la Nouvelle-Zélande. Mais peut-on considérer comme une avancée majeure l’obligation faite aux «Kiwis» de respecter des normes environnementales… lorsque l’on sait que leurs exportations vont parcourir des milliers de kilomètres avant de venir partiellement concurrencer nos produits locaux?

Ronald Pirlot

Le 22 novembre dernier, le Parlement européen, réuni en séance plénière à Strasbourg, adoptait par 457 voix pour, 104 voix contre et 74 abstentions, l’accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande. Lequel accord devrait entrer en vigueur en mai. Un vote cité en exemple par ses signataires pour sa dimension vertueuse puisqu’il imposait aux «Kiwis» des normes environnementales calquées sur le Pacte vert européen.

«Je suis agriculteur»

A l’époque, la fronde agricole n’avait pas encore sévi en Europe avec l’intensité qu’on lui a connue en ce début d’année. Laquelle fronde, couplée à des échéances électorales prochaines, a engendré un ralliement unanime des partis à la cause agricole. Une sorte de «je suis agriculteur», déclinaison paysanne du «je suis Charlie» qui faisait suite à des événements autrement traumatisant puisqu’il s’agissait de l’attaque sourde et abjecte qui a décimée la rédaction de Charlie Hebdo.

Face aux revendications des agriculteurs européens exigeant des clauses miroirs dans les traités internationaux de libre-échange à conclure à l’avenir, les partis brandissent désormais leur ferme volonté de ne pas tout accepter. A commencer par ces accords du Mercosur devenus le symbole de la résistance européenne pour soutenir ses agriculteurs. Chacun élevant la souveraineté alimentaire du vieux continent comme un enjeu supérieur. Ce qui, au passage, n’a pas empêché certains de ratifier, dans une relative discrétion, les accords avec le Chili voisin, au nom d’intérêts énergétiques (cuivre, lithium et hydrogène vert) majeurs. Rappelons que, côté francophone, Ecolo, MR et PS s’étaient abstenus, tandis Les Engagés, le PTB et l’indépendant Marc Tarabella avaient voté contre (voir Pleinchamp n°11).

Accord avec la N-Z: Gauche pour, Engagés contre

Mais revenons à l’accord de libre-échange conclu avec la Nouvelle-Zélande pour constater que la logique qui préside aujourd’hui les esprits n’était pas la même à l’automne dernier. A l’époque, la prédominance de l’environnement sur tout autre considération était manifeste pour beaucoup. A commencer, côté belge, par les partis de gauche, PTB excepté, qui ont voté en faveur de ce traité, se félicitant au passage des obligations environnementales imposées à la Nouvelle-Zélande, avec des sanctions en cas de non-respect de celles-ci. Un texte appelé par la gauche à devenir une référence dans les futurs accords commerciaux dits de nouvelle génération.

Si Olivier Chastel (MR) s’abstenait de voter en faveur du texte présenté, Benoît Lutgen (Les Engagés) quant à lui se montrait beaucoup plus virulent et s’y opposait fermement. «Cet accord est un non-sens absolu. Des milliers de tonnes de viande ovine, bovine, de beurre, de fromage, de lait en poudre, de pommes, de miel, vont débarquer en Europe, après avoir parcouru 20.000 km en 40 jours, via des cargos polluants» clamait-il à l’issue du vote. Comment lui donnez tort sur ce plan environnemental porté au pinacle par les signataires de l’accord? D’autant qu’une partie de ces importations néo-zélandaises (la viande ovine et bovine, les produits laitiers…) risque d’entrer directement en concurrence avec nos productions locales, quoiqu’en disait le Commissaire européen Valdis Dombrovskis. Lequel se voulait rassurant, indiquant qu’il «n’y avait pas de libéralisation des échanges prévues pour ces produits agricoles dits sensibles, l’Europe n’autorisant les importations à taux nul ou réduit que pour de petites quantités».

Changement de centre de gravité

Faut-il en conclure qu’en six mois à peine, le paradigme a à ce point changé sous la pression des agriculteurs européens qu’il a replacé la souveraineté alimentaire au cœur des enjeux commerciaux? Faut-il croire dès lors que l’accord avec la Nouvelle-Zélande, cité en exemple, aurait plus de mal à passer aujourd’hui qu’hier? Poser ces questions, c’est sans doute déjà y répondre…

Accord de libre-échange UE/Nouvelle-Zélande

S’il est bien une question énormément débattue au cours de ces dernières semaines de grogne agricole, c’est bien celle-là: «Qui a voté quoi?». A chaque fois, chacun se félicite d’avoir voté «contre» ou «pour» tel ou tel dossier en défaveur de l’agriculture, principalement au niveau de l’Europe, puisque le système de vote «de parti» y est nettement moins institutionnalisé. Nous avons donc décidé de faire un petit rappel, au cours des prochaines semaines, de qui a effectivement voté quel texte.

Ainsi donc, l’accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande a été adopté, le 22 novembre dernier, à une confortable majorité de 457 voix pour, 104 voix contre et 74 abstentions. Côté belge, l’on retrouve au sein des signataires du traité les députés du PS, de Vooruit, d’Ecolo, de Groen, de la N-VA, du CD&V et de l’Open Vld. Le Vlaams Belang s’abstenait, tout comme Olivier Chastel (MR) et Marc Tarabella (Indépendant), tandis que le PTB et les Engagés votaient contre.

Qui a voté quoi ?

Qui a voté quoi ? - Accords commerciaux avec la Nouvelle-Zélande