Propositions de modifications

Ce vendredi 15 mars, la Commission européenne a présenté ses propositions de modifications de la PAC. Au programme: modifications ou assouplissements de certaines conditionnalités (les fameuses BCAE), exemptions des contrôles pour les petites structures… Faisons un tour de ces propositions très attendues par les différents acteurs du milieu agricole.

Virginie Debue, Conseillère – Politique agricole commune et mobilité agricole Conseil, Analyse et politique (CAP)

Suite aux différents mouvements de contestations du monde agricole en Europe, la Commission européenne a travaillé rapidement pour proposer des modifications de la PAC afin de la rendre plus praticable sur le terrain. Ces propositions de changement ont été annoncées le vendredi 15 mars et présentées devant le Parlement européen ce mardi 19 mars. Elles devront ensuite être validées par le Conseil le 26 mars prochain.

Les conditionnalités

Des propositions pour trois des neuf conditionnalités ont été émises par la Commission européenne. Pour la BCAE 6, qui définit les règles à respecter en termes de couvert en période sensible, les États membres auront plus de flexibilité pour définir les périodes sensibles et les pratiques à respecter.

Pour la BCAE 7, qui régit la rotation des cultures, une proposition est faite que, pour satisfaire à ces exigences, les agriculteurs pourront choisir entre une rotation ou une diversification de leurs cultures. La diversification des cultures pourra être incluse dans les plans stratégiques des États membres qui le souhaitent.

Enfin, pour la BCAE 8, qui est l’obligation d’implanter du non-productif sur ses terres arables, les agriculteurs seront tenus de maintenir les particularités topographiques présentes sur les terres, mais le pourcentage obligatoire de non-productif sera supprimé. En revanche, les États membres seront dans l’obligation de proposer un programme écologique (type éco-régime) qui permettra de soutenir les agriculteurs qui, sur base volontaire, implantent des éléments non-productifs sur leurs terres. En Wallonie, cela correspond à ce que fait l’éco-régime «maillage écologique».

De plus, pour les BCAE 5 (érosion des sols), BCAE 6 et BCAE 7, il sera possible pour les États membres d’exempter certaines cultures, types de sol ou système agricole. Cela permettra donc une plus grande flexibilité aux États membres pour que les conditionnalités correspondent aux réalités de terrains, très différentes d’un pays à l’autre de l’Europe.

Autres modifications

La Commission européenne propose aussi d’augmenter le nombre de modifications possibles dans les plans stratégiques pour faciliter les processus de simplification administrative au sein des États membres.

Les petites exploitations sont également concernées par ces changements car la Commission propose une exemption de contrôle pour les petites exploitations de moins de 10 hectares.

Et le reste?

Ces propositions de changement, qui sont arrivées rapidement suite au mouvement de colère des agriculteurs, permettront, si elles sont validées, d’amener plus de flexibilité pour le monde agricole. Il sera plus facile de respecter les règles de la PAC sans craindre la sanction dès que l’agriculteur effectue des travaux agricoles au sein de son exploitation. 

Pour M. Borsus, ministre wallon de l’agriculture, «c’est une bonne nouvelle pour le monde agricole, je salue le fait que la Commission soit passée des paroles aux actes et ait entendu le message porté par la quasi-totalité des Ministres européens de l’Agriculture. Si c’est donc certes un bon début, il ne faut toutefois pas perdre de vue qu’il reste encore des points majeurs sur lesquels l’Europe doit avancer.»

En effet, ces avancées sur la PAC seront complétées par d’autres mesures pour améliorer le revenu des agriculteurs. Ces mesures sont encore à l’étude au niveau européen, mais la volonté d’avancée est bien présente. Il est notamment question d’améliorer le cadre juridique du règlement sur l’organisation commune des marchés des produits agricoles et de faire une évaluation approfondie de la directive sur les pratiques commerciales déloyales dans la chaine d’approvisionnement alimentaire.

Il reste donc beaucoup de travail à effectuer au niveau européen pour replacer l’agriculteur au centre des politiques de marché. Mais il est important de souligner les avancées proposées pour la PAC, qui permettront d’alléger la charge administrative et de libérer de certaines contraintes tous les agriculteurs européens, dont les agriculteurs wallons.

Réception des mesures par les eurodéputés

Ségolène Plomteux, Conseillère en politiques européennes Conseil, Analyse et politique (CAP)

Ce mardi 19 mars, le Commissaire européen à l’agriculture Janusz Wojciechowski a présenté aux eurodéputés en charge de l’agriculture le paquet de mesures de simplification publié la semaine précédente. La Commission européenne a ainsi pu prendre le pouls du colégislateur.

Alors que la présentation officielle laissait peu de place au suspense, les réactions ne se sont pas faites attendre. En effet, bien que les porte-parole des groupes politiques de la majorité (Herbert Dorfmann (PPE) et Clara Aguilera (S&D)) ont, de façon générale, félicité la Commission pour son travail, les critiques ont fusé lors de cette rencontre. Deux en particulier se retrouvaient dans les propos des eurodéputés indépendamment de leur couleur politique. D’une part, un revenu plus juste des agriculteurs, pourtant l’une des grandes revendications partagées par les agriculteurs européens, se retrouve peu dans le paquet de mesures proposées. D’autre part, bien que le Commissaire ait conclu sa présentation en disant que les agriculteurs pouvaient compter sur le soutien de l’Europe, le manque de réactivité de la Commission européenne a été fortement souligné. Certains ont même affirmé qu’il aura fallu attendre, et que qu’il y a eu beaucoup trop de manifestations en Europe pour que le secteur soit enfin entendu. D’autres ont aussi affirmé qu’il aura fallu attendre la fin de la législature, précipitant ainsi le processus législatif. Les réactions sont donc en demi-teinte en ce qui concerne la réception du paquet de mesures de la commission même si une majorité d’élus reconnait la nécessité d’agir, et ce rapidement.