Céder son droit

Mon bailleur souhaite vendre une terre que j’occupe sous bail à ferme. Je ne suis pas capable actuellement d’acheter ces terres et donc d’exercer personnellement mon droit de préemption, puis-je le céder à un tiers? Sous quelles conditions?

Maureen Trussart, conseillère juridique - Conseil, Analyse et Politique (CAP)

Le droit de préemption offre à son bénéficiaire un droit de préférence pour l’achat du bien. Ainsi, le propriétaire et un acheteur conviennent des modalités de la vente. Ce n’est qu’ensuite que le propriétaire sollicite son locataire afin de lui demander s’il désire ou non se subroger à l’acheteur et reprendre ainsi la convention à son nom.

 

Ce droit de préemption donne au preneur la possibilité d’acheter au même prix et même conditions.

En pratique, c’est le notaire qui offre le droit de préemption par l'envoi d’une lettre recommandée avec une copie du compromis de vente et une explication sur le droit de préemption et la façon de l’exercer dans le délai légal d’un mois.

Le mécanisme de droit de préemption est repris à l'article 48 et suivants de la loi sur le bail à ferme.

La cession du droit de préemption: une option à considérer

La cession du droit de préemption est une option intéressante pour le preneur. En effet, en proposant au propriétaire un nouvel acquéreur que vous aurez préalablement désigné, vous pourrez garder un certain contrôle sur les terres en location. Votre choix devra idéalement porter sur un acquéreur qui ne sera pas intéressé par l’exploitation des terres et qui ne vous donnera donc pas congé pour exploitation personnelle.

Cette possibilité est prévue à l’article 48 bis de la loi sur le bail à ferme qui prévoit que la cession peut porter sur la totalité du bien ou sur une partie de celui-ci. Veuillez noter que si le preneur cède son droit de préemption pour partie, il doit l’exercer lui-même pour le surplus.

Les conditions

La cession doit être notifiée au notaire. En cas de vente de gré à gré, le preneur et le ou les tiers bénéficiaires de la cession doivent notifier ensemble la cession ainsi que l’acceptation de l’offre, dans le mois de la notification de l’offre par le notaire. En cas de vente publique physique, le preneur doit déclarer, auprès du notaire, céder son droit de préemption et le tiers doit déclarer exercer ce droit, à la séance d’adjudication, ou à l’occasion de la notification de l’acquiescement dans le délai de dix jours. En cas de vente dématérialisée (exemple: vente Biddit), le preneur doit déclarer céder son droit de préemption et le tiers doit déclarer exercer ce droit, à l’occasion de la notification d’un extrait de l’acte d’adjudication faite par le notaire et cela dans les 10 jours.

En cas de cession du droit de préemption, le vendeur peut exiger que le cessionnaire fournisse caution.

Quels sont les effets?

Céder son droit de préemption entraine un autre avantage pour le preneur, qui est le renouvellement du bail. En effet, en cas de cession du droit de préemption, le bail est renouvelé de plein droit au profit du preneur.

Le renouvellement prend cours au jour anniversaire de l’entrée en jouissance du preneur suivant la date d’acquisition par le tiers. Cela signifie que vous recevrez en tant que preneur une nouvelle première période de bail.

Veuillez noter que le preneur qui a cédé son droit de préemption ne peut céder l’exploitation du bien à un tiers pendant une période de neuf ans prenant cours à dater de l’entrée en vigueur du nouveau bail (et non de la cession)[1].

Si le preneur cède l’exploitation du bien à un tiers avant l’expiration de la période de neuf ans suivant le renouvellement du bail, il devra au bailleur une indemnité correspondant à 50 % du prix de vente des parcelles ayant fait l’objet de la cession du droit de préemption. La sanction est donc très lourde[2]!

 

[1] Toutefois, le preneur pourra valablement céder l’exploitation du bien à son conjoint, son cohabitant légal, ses descendants ou enfants adoptifs ou à ceux de son conjoint, de son cohabitant légal, ou aux conjoints et aux cohabitants légaux desdits descendants ou enfants adoptifs.

[2] Veuillez noter que si le preneur justifie d’un motif sérieux, il pourra être autorisé par le juge de paix à céder l’exploitation avant l’expiration de la période de neuf ans suivant le renouvellement du bail. L’autorisation devra néanmoins être préalable à la cession de l’exploitation.

Conclusion

En conclusion, le droit de préemption du preneur d'un bail à ferme revêt une importance capitale dans la préservation des exploitations agricoles. Il garantit la pérennité économique du preneur sur la terre même lorsque la terre qu'il exploite est mise en vente. De plus, la possibilité de céder ce droit à un tiers offre une souplesse appréciable au preneur dans la gestion de ses terres agricoles. Cependant, il est essentiel de respecter les différentes conditions pour exercer ce droit de manière conforme à la loi, d’autant que la sanction en cas d’abus est lourdement pénalisée.