Retour sur la rencontre agri-api

Dans la lignée des rencontres organisées dans les différentes sections provinciales de l’UAW, le CARI et la FWA ont proposé une soirée d’échanges dédiée au potentiel des agriculteurs et agricultrices dans la création d’un environnement agricole favorable pour l’entomofaune pollinisatrice. Revenons sur les points de convergence de ces deux métiers qui se partagent la campagne.

Lucie Darms, Conseillère Air-Climat, Energie, Recyclage, Agroécologie et Apiculture Conseil, Analyse et Politique (CAP)

Ce lundi 04 mars, nous clôturions la série de réunions d’échanges entre apiculteurs et agriculteurs. Chacune de ces réunions nous a apporté des éléments de réflexion complémentaires.

Le son de cloche des sections provinciales

À Montignies-sur-Roc, pour la section provinciale du Hainaut, le monde de l’apiculture était une découverte quasi totale pour nos membres UAW. L’occasion pour elles de poser toutes leurs questions sur les similarités et les ponts possibles avec l’agriculture. 

Quand le monde de l’apiculture échange avec l’agriculture

Lors de la réunion de la section provinciale de Liège à Bèfve, nous avons rappelé les vertus et les propriétés du miel. Saviez-vous que ce produit a notamment permis de combattre la famine? Dans cette salle comble, notre audience était en partie constituée de naturalistes défendant qu’une compétition pourrait avoir lieu entre l’apiculture et les 250 espèces d’abeilles sauvages présentes en Belgique. Le rôle du citoyen a également été soulevé, car lui aussi doit être conscient des pratiques à valoriser pour la protection des pollinisateurs. 

Dans la section provinciale du Luxembourg, une quinzaine de personnes étaient présentes pour écouter «Les butineuses» (Katia et Chantal Stilmant-Jamotte). Elles nous ont parlé des gestes techniques de l’élevage à faire jongler avec le caractère naturel de l’essaimage. Cette fois, c’est une histoire féminine et familiale qui marque les esprits.  Katia raconte: «il y a énormément de travail pour assurer le calendrier apicole, de fin mars à la première extraction fin mai, c’est la course, la deuxième extraction de miel a lieu mi-juillet. À partir d’août, on prend soin de la colonie, on la nourrit et on la soigne en prévention du varroa. Dès septembre, on a un peu de temps pour valoriser la cire, en faire des bougies par exemple. La propolis, la gelée royale ou le pain d’abeille sont d’autres produits de la ruche qui apportent de la diversité dans notre commercialisation». 

À plusieurs reprises, les discussions s’accordent pour dire que les causes de mortalité sont multifactorielles en apiculture; les pratiques de l’apiculteur sont souvent en cause.

Les synergies api-agricoles

Avec un investissement de 250€ pour l’achat du matériel et une bonne dose de courage, l’apiculture peut devenir une très bonne activité complémentaire à l’agriculture. 

En plus de cela, les deux se révèlent avoir de nombreux points communs. Avec l’élevage de reines, l’apiculture rejoint les enjeux de la sélection, du bien-être du cheptel et de la prévention contre les ravageurs. Toutes deux productrices de denrées alimentaires, l’apiculture et l’agriculture dépendent du consommateur. Elles sont également contraintes par les conditions météorologiques. Enfin, les apiculteurs comme les agriculteurs sont passionnés par leur métier. Même nature… et mêmes menaces...

Les besoins de l’abeille et de l’apiculteur

L'agriculteur doit comprendre les besoins de l’abeille, à savoir: un habitat, une ressource alimentaire disponible, un environnement sain, et la bonne gestion des parasites. En été, une abeille peut voler jusqu’à 2km à la ronde à partir de la ruche pour aller chercher sa nourriture. Pour son immunité, il est préférable pour l’abeille de butiner différentes sources de pollen. En termes d’environnement sain, les produits phytosanitaires jouent d’une part sur le succès de reproduction de l’abeille, et d’autre part sur sa résistance aux parasites. Nous avons appris que les champs électromagnétiques ont aussi un impact négatif sur les abeilles.

Il n’y a pas que le colza...

Il est bien connu que le colza est la culture qui lie les agriculteurs aux apiculteurs. Le miel de colza sert les apiculteurs pour ensemencer d’autres miels et leur apporter un degré de cristallisation recherché.

Mais allons plus loin que ça. Au-delà des cultures maraichères (cucurbitacées, fraisiers, etc), de nouvelles cultures mellifères apparaissent, comme le tournesol, la silphie, etc. Cette dernière a de nombreux atouts de résilience.

Rencontre agri-api

Premièrement elle ne requiert aucun pesticide. De plus, par son caractère pérenne, son couvert prévient l’érosion. Enfin, face aux changements climatiques, elle peut résister à la sécheresse et peut rester deux mois les pieds dans l’eau. 

Parmi les couverts non-productifs que les agriculteurs doivent implanter, pourquoi ne pas s’inspirer de ce qui est la meilleure combinaison en termes de ressources mellifères?  En plus de ça, les prairies permanentes sont bénéfiques. Ainsi qu’implanter des engrais verts qui, contre-intuitivement, ne sont PAS mellifères (afin de ne pas détruire les pollinisateurs lors de la fauche). C’est le cas de l’avoine et du pois par exemple. Nous avons donc imaginé qu’un engrais vert à floraison rapide, avec un sous-semis qui fleurit après l’hiver est idéal. 

Des bonnes pratiques?

Une proposition souvent évoquée était que l’agriculteur prévienne l’apiculteur avant de pulvériser, pour que ce dernier ferme sa ruche le temps de l’opération. De plus, la vitesse de fauche des prairies mellifères (comme la luzerne) et le timing de ce fauchage sont critiques. En effet, les agriculteurs ont besoin de faucher juste au moment de la floraison pour garantir un bon taux de protéines dans le fourrage, tandis que les apiculteurs demanderaient de laisser plus longtemps les fleurs, sources de pollen.

Comprendre l’agriculteur

L’apiculteur doit également comprendre l’agriculteur. 

Abeille

Pour les vergers, le service de pollinisation est très important. En effet, beaucoup d’arbres fruitiers sont encore dépendants de la pollinisation croisée. Il est par exemple recommandé d’avoir 1 à 2 ruches par hectare dans les pommiers, et 3 à 4 ruches par hectare pour les cerisiers.  

Saviez-vous qu’au-delà de l’interdiction d’utiliser les néonicotinoïdes, les vergers sont privés de certains produits comme l’apivar, l’apistan? Or, les fruiticulteurs doutent de ses mesures puisque les statistiques ne montrent pas une diminution du taux de mortalité depuis. Une autre question subsiste: pourquoi n’est-il pas si facile de mettre des haies en place pour les agriculteurs par exemple? Cela grignote du terrain et la taille des haies représente un coût en temps d’entretien.

Un seul objectif

C’est cet échange de questions et de réponses qui nous rappelle que l’objectif pour tous est de retisser des liens positifs entre l’apiculture et l’agriculture. La communication est la pierre angulaire qui permettra de voir ces deux filières prospérer.

ZOOM FWA

Lors de ses réunions, nous avons pu constater que certains apiculteurs font parfois plus de 2h30 de route pour avoir de la masse fruitière à polliniser. La plateforme de service de pollinisation est un des outils que souhaite mettre en avant la nouvelle structure TILIA (la Fédération des professionnels de l’Apiculture Wallonne). TILIA aura pour première vocation d’accompagner le secteur vers davantage de professionnalisation. Car nous l’avons entendu également, les pratiques de l’apiculteur sont un des facteurs non négligeables des causes de mortalité.