Une première série de mesures

Les agriculteurs avaient prévenu qu’ils ne baisseraient pas la garde. Pour la seconde fois en deux semaines, ils sont montés sur la capitale… animés d’une détermination quadruplée, histoire de bien se faire entendre des 27 ministres de l’agriculture réunis à Bruxelles. Lesquels les ont entendus, foi de Ministre Clarinval. La Commission a proposé une première série de mesures relevant notamment de la conditionnalité des BCAE. Un premier pas dans la bonne direction… qui en appellent d’autres!

Ronald Pirlot

Les agriculteurs sont retournés en nombre à Bruxelles ce 26 février

De l’aveu même du ministre fédéral en charge de l’agriculture, David Clarinval, le Conseil des ministres européens de l’agriculture qu’il a présidé ce lundi 26 février à Bruxelles fera date. Impossible pour les ministres de ne pas entendre la colère des centaines d’agriculteurs qui, à quelques mètres d’eux, explosait. Le temps n’était visiblement plus à l’attente, mais bien à l’action!

Un message bien compris par le Conseil européen des ministres de l’agriculture. «C’est avec fermeté que les 27 états membres disent que cette situation ne peut pas rester en l’état. Il est nécessaire de prendre des mesures rapides ainsi que des mesures à plus long terme au niveau de l’Union européenne» déclare le Ministre Clarinval.

Dans ce cadre, la Présidence belge avait demandé à ses homologues européens de formuler des suggestions concrètes de simplification. «Plus de 500 suggestions nous sont parvenues. Nous les avons transmises à la Commission afin d’alimenter les réponses à la crise» précise le Ministre.

Les 3 propositions de la Commission…

Car c’est bien vers la Commission que les regards sont désormais tournés. Laquelle a déjà approuvé une série de mesures au début du mois, avec le retrait de SUR et la dérogation à la BCAE 8. La semaine dernière, la Commission a couché sur papier une série de propositions supplémentaires œuvrant à la simplification administrative et à plus de flexibilité à court terme. A savoir :   

 

  • simplifier certaines des exigences en matière de conditionnalité auxquelles les agriculteurs de l’Union doivent se conformer, par exemple en matière de conversion des terres arables en prairies permanentes (BCAE 1), de couverture des sols pendant les périodes sensibles (BCAE 6), de rotation des cultures (BCAE 7), de 4% des terres en jachères (BCAE 8)… ;
  • simplifier la méthodologie pour certains contrôles en vue de réduire de 50% le nombre de visites dans les exploitations effectuées par les administrations nationales ;
  • clarifier l’utilisation de la notion de force majeure et de circonstances exceptionnelles. Un concept juridique qui permettrait à tout agriculteur confronté à des événements exceptionnels et imprévisibles (inondations, graves sécheresses, accidents de vie…) et n’ayant pu satisfaire aux exigences de la PAC, d’échapper à toutes sanctions.

 

Administratif ©Rogatnev

A ces propositions à court terme s’en ajoutent d’autres qui visent le moyen terme. La Commission propose de réduire la charge sur les agriculteurs, et plus précisément les plus petits d’entre eux, en exemptant par exemple les exploitations de – 10Ha des contrôles liés à l’exigence de conditionnalité (BCAE).

… pas encore suffisantes!

«Autant de mesures qui constituent un premier pas concret pour répondre aux préoccupations des agriculteurs.

David Clarinval

Mais le Conseil des ministres de l’agriculture estime que ce n’est pas assez et invite la Commission à compléter rapidement cet ensemble de mesures par des mesures encore plus ambitieuses» ajoute David Clarinval.

De son côté, le Commissaire Janusz Wojciechowski indique s’attendre à ce que le Conseil ouvre la discussion et procède à une modification des conditions des BCAE. «Il y a une majorité en faveur. Du côté du Parlement européen, je pense qu’il y a un soutien en ce sens également. Ils sont favorables à ce que la Commission présente des propositions. Théoriquement, on pourrait le faire pendant ce mandat si on réagit rapidement, on pourrait le faire avant cet été et j’y serai favorable». Ça pourrait apaiser les craintes des agriculteurs à moyen terme. «Mais à court terme, c’est dans l’interprétation du concept de circonstances exceptionnelles qu’on pourrait intervenir. Il est évident que les agriculteurs n’opèrent pas dans des conditions normales. En 2027, fin de cette PAC. Si on veut vraiment aider les agriculteurs, il faudrait sans doute changer les conditions du règlement de base».

Un Commissaire qui pense personnellement qu’il conviendra également d’explorer la logique des éco-régimes volontaires. «Il faut mieux encourager les agriculteurs à agir dans tel sens plutôt que de les contraindre». Une parole qui rejoint celle de l’économiste Benoît Bayenet, invité de notre Congrès (voir page …).

Quand on vous disait que l’Europe semble désormais comprendre…  

L’invasion de l’Ukraine a changé la donne!

A peine vient-elle de souffler sa première bougie que la PAC semble déjà rattrapée par ses maladies de jeunesse. Au point de déjà annoncer la réouverture des règles de conditionnalité. Interrogé sur cette courbe rentrante en matière environnementale d’un texte qui vient à peine de souffler sa première bougie, le Ministre Clarinval est apparu courroucé: «Sans doute étiez-vous distrait. Mais entre l’adoption de la PAC en 2021 et aujourd’hui, il y a eu deux événements majeurs : l’invasion Russe en Ukraine et le Green Deal. Ça a changé la donne».

ukraine

Le Commissaire Wojciechowski a pour sa part évoqué le témoignage d’un agriculteur européen qui indiquait qu’il aurait pu faire face au Green Deal s’il n’y avait eu l’invasion russe en Ukraine. Ce qui n’a pas seulement impacté les marchés limitrophes, mais aussi toute l’Europe. Avant, l’Ukraine fournissait les pays d’Afrique du Nord et d’Asie. Avec la perte des ports sur la mer Noire, l’Ukraine s’est rabattue sur les routes commerciales et le marché européens. Tandis que la Russie récupérait le marché vers la Chine tout en déstabilisant le marché européen. «Des mesures commerciales autonomes vont entrer en vigueur, avec notamment des clauses de sauvegarde. Ce qui permettra de limiter trop d’importations de produits tels que les œufs, les volailles et le sucre». Et d’ajouter : «Il faut aider l’Ukraine dans le transit de ses produits vers les pays qu’elle approvisionne traditionnellement. Pour ce faire, il nous faut adopter une attitude positive envers nos amis ukrainiens».

Comme dirait le proverbe, ce n’est pas la girouette qui a tourné, c’est le vent.