Le sommet climatique mondial de Glasgow s’est terminé samedi dernier par l’adoption de quelques points de conclusions sensées constituer un «Pacte de Glasgow pour le climat». Beaucoup d’attention médiatique, beaucoup d’agitation dans les rues, beaucoup de beaux discours, beaucoup d’alliances pour sortir du charbon, cesser d’utiliser des énergies fossiles, limiter les émissions de méthane ou stopper la déforestation, mais concrètement et avec quels impacts sur l’agriculture ???

José RENARD

 

Les conclusions de la COP26 rappellent que « les impacts d’un réchauffement de 1,5ºC seront bien plus faibles qu’à 2ºC ». La décision de Glasgow souligne aussi qu’il faut non seulement réduire les émissions de CO2, mais aussi réaliser des réductions « importantes » d’autres gaz à effet de serre dont le méthane. Ce qui ne manquera pas d’avoir des effets sur notre agriculture.

C’est en ce moment crucial que la Fédération Wallonne de l’Agriculture veut rappeler que le secteur agricole, à la fois contributeur d’émissions de gaz à effet de serre (même si en Wallonie celles-ci ont été nettement réduites), mais aussi victime et porteur de solutions, veut pleinement jouer son rôle en matière de lutte contre le changement climatique.

L’agriculture est prête à réaliser des efforts supplémentaires en matière climatique. Pour que ceux-ci soient réellement porteurs, la FWA estime que les politiques en faveur du climat et concernant l’agriculture doivent prendre en compte les 3 grands principes suivants.

 

Premièrement, l’équilibre entre cultures et élevage doit être maintenu.

La réduction de l’élevage bovin dans notre région est avérée et chiffrable : le nombre de bovins en Wallonie a diminué de 30% en 30 ans. La surface consacrée aux prairies permanentes est de 42% de la surface agricole wallonne totale (soit plus de 300.000 hectares).

Notre agriculture est basée sur un modèle d’économie circulaire où les fonctions des cultures et de l’élevage sont interconnectées: une part des cultures, et surtout de très nombreux co-produits des végétaux destinés à l’alimentation humaine, sont utilisés pour nourrir les animaux dont les effluents constituent un engrais naturel d’excellente qualité. Depuis le Néolithique, le développement de notre agriculture repose sur cette économie circulaire, sur le recyclage des différentes matières produites. Toutes les activités humaines peuvent-elles en dire autant?

Il est capital que cet équilibre soit protégé car les ruminants sont les seuls à pouvoir transformer l’herbe en protéines consommables pour l’homme. Et les prairies jouent un rôle climatique essentiel: elles constituent des puits de carbone redoutablement efficaces.

Si l’on devait réduire encore la présence de l’élevage en Wallonie, cédant à la tentation facile de diminution du cheptel pour poursuivre la réduction des émissions de gaz à effet de serre (et en particulier le méthane), on risquerait de conduire à un labour des prairies en terres cultivables avec pour effet un dégagement de carbone néfaste pour le climat, de rendre notre agriculture plus dépendante aux engrais chimiques par manque d’engrais organiques et de mettre à mal notre souveraineté alimentaire (pour rappel, si notre production bovine est suffisante, notre région est nettement déficitaire en production de porc et de volaille).

Il est donc réellement indispensable de tout mettre en œuvre pour préserver l’équilibre qui existe aujourd’hui en Wallonie entre les activités de culture et d’élevage.

 

Deuxièmement, tous les agriculteurs wallons doivent pouvoir s’engager dans le défi climatique.

Le cadre légal de base de la PAC implique déjà via la conditionnalité un grand nombre d’obligations pour les agriculteurs : le respect de ces obligations environnementales, sanitaires, de bien-être animal… conditionne l’obtention des différentes aides pour les agriculteurs. Le cadre de la future PAC renforcera encore ces obligations. Songeons notamment aux éléments de biodiversité et à la fameuse BAEC (imposant un pourcentage de zones non productives sur chaque exploitation) tellement discutée.

Au-delà, la Wallonie devra définir un certain nombre d’éco-régimes: il s’agit de pratiques que les agriculteurs pourront appliquer volontairement pour répondre à des objectifs environnementaux et climatiques et auxquelles la Wallonie doit consacrer au moins 25% du budget qui lui est alloué pour les paiements directs. Il est essentiel que ces mesures volontaires soient accessibles et praticables pour que l’ensemble des agriculteurs wallons puissent pleinement s’impliquer dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Pour que ces mesures soient adoptées par le plus grand nombre de nos exploitations wallonnes, permettant ainsi l’application des mesures sur l’ensemble du territoire wallon, il est indispensable que les efforts consentis par les agriculteurs soient récompensés dès le départ. Soutenir tous les agriculteurs dans cette dynamique, dès lors qu’ils appliquent les mesures disponibles, c’est s’assurer de l’adhésion du plus grand nombre et d’une large couverture de notre territoire.

 

Tertio, les mesures proposées doivent être ambitieuses.

Pour que le secteur agricole puisse peser dans le combat climatique, les mesures proposées doivent combiner trois ambitions. Elles doivent être applicables et réalistes sur le plan agronomique et pouvoir s’intégrer dans une rotation culturale. Pour la FWA, la durabilité de la production agricole est multi-facette et la durabilité agronomique en fait complètement partie. Les agriculteurs doivent pouvoir s’emparer des mesures proposées et les concrétiser tout en étant en capacité de poursuivre leur rôle de production alimentaire en quantité et en qualité pour nos concitoyens. Ces mesures doivent être cohérentes avec le cadre réglementaire fixé pour l’agriculture par ailleurs. Les mesures doivent avoir un impact lisible : les agriculteurs veulent être des acteurs du combat climatique, mais pour cela ils doivent être accompagnés et pouvoir choisir les mesures les plus adaptées au profil de leur exploitation et aux objectifs à atteindre. Enfin, ces mesures devront être évaluées en cours de programmation. Il est important de s’assurer, tout au long de la période, de l’adhésion des agriculteurs aux mesures volontaires proposées, et autant que possible, de l’efficacité de celles-ci pour atteindre les objectifs poursuivis.

Ces mesures étant volontaires, un niveau élevé d’adhésion des agriculteurs à celles-ci sera un indicateur de leur bonne conception. A cet égard, de véritables choix politiques peuvent être posés : veut-on des mesures spectaculaires sur le plan environnemental, mais mises en œuvre par un nombre restreint de producteurs sur de faibles portions du territoire, affaiblissant au passage l’objectif de maillage écologique ? Ou plutôt des mesures accessibles appliquées par un grand nombre de producteurs couvrant une bonne partie du territoire et provoquant un véritable effet de levier renforçant les actions déjà menées par les agriculteurs ?

Le monde agricole est prêt à prendre sa part dans la lutte contre les dérèglements climatiques, il se veut acteur de solutions, mais dans un cadre bien concerté, réaliste et cohérent. Et pas avec des objectifs plus politiques que scientifiques et des mesures guidées par l’idéologie plutôt que par la réalité des exploitations.