Après trois semaines, chacun a dû s’adapter au confinement, à la perte de contacts avec certains proches, au télétravail ou au travail en adoptant des règles de précautions sanitaires, ou au stress de la perte momentanée ou pas de son travail, ... et surtout, la difficulté morale et la peur légitime pour de nombreuses familles qui vivent avec des gens qui travaillent dans les hôpitaux, les homes, les magasins et les services essentiels et qui prennent des risques pour leur santé. J’ai également une énorme pensée pour tous ceux qui dans cette période perdent un proche, moment déjà fort difficile à vivre, accentué encore par les conditions très strictes de l’au revoir...

Dans nos exploitations et à la FWA, le travail continue et jusqu’ici de façon générale, pour nous agriculteurs ou employés de la FWA, mieux que pour beaucoup d’autres.


Je ne parle ni des marchés de nos intrants ou de nos matières premières agricoles, ni des prévisions socio-économiques. Il faut être clair, pour nos familles et pour le monde économique, l’avenir est sombre.

La priorité actuelle, c’est la gestion sanitaire et sociale que l’on ne peut «délier» de la continuité des acteurs économiques. Plus tard, il faudra calculer le coût de cette crise et en tirer les leçons.
A la sortie de ce confinement, il faudra voir comment chacun réagira et quel sera l’impact de ce traumatisme sur les choix de consommation ou de vie de chacun.
Au niveau agricole, cette crise commence à se faire sentir sur certains secteurs comme les pommes de terre pour la transformation qui peinent à trouver preneurs ou en lait où les signes du marché sont peu optimistes...
Et que dire de l’horticulture qui souffre à nouveau de plein fouet d’une crise supplémentaire!

A côté de cette question du comportement futur de nos consommateurs et de la capacité de s’adapter de notre chaîne alimentaire, se pose la question des futurs échanges mondiaux. Cette crise offre des opportunités à saisir pour nos producteurs locaux.

Mais on voit également, en pommes de terre et en lait notamment, que notre pays, performant sur le plan agricole, et donc plus qu’autosuffisant, subit l’influence des flux mondiaux.
Certains se positionnent déjà dans le débat futur, pour une transition agricole forte et urgente... Ok, mais cette question déjà complexe avant la crise ne sera pas plus simple à la sortie de celle-ci ....


Ce 26 mars, l’ONU a fait part de sa crainte d’une crise alimentaire mondiale qui pourrait créer des famines ou accentuer encore les difficultés dans les pays où la population souffre déjà de la faim. Dans certains pays où l’on trouve de l’alimentation plus qu’en suffisance, j’ai parfois l’impression que la famine de certains peuples est parfois oubliée de certains débats!

En Wallonie, nos sols riches, notre météo, la professionnalisation de nos producteurs et le fait que notre territoire produise plus que ce que notre population consomme, me conduisent à penser de façon très égoïste, nous ne devons pas avoir de crainte pour les mois à venir concernant notre approvisionnement.

Nous devrons sans doute apprendre à nous passer de certains produits «exotiques» et nous tourner vers les produits locaux et de saison. Nous rendrons sans doute à la fonction de se nourrir sa juste valeur....mais dans notre région, nous ne connaîtrons pas de
pénurie.

Le temps de la production agricole est long, lié aux rythmes de la nature. Tous nos types d’élevage continuent. Les naissances de ces derniers mois dans nos fermes fourniront viandes, lait, fromages, yaourts pour quelques mois encore. Dans nos champs, les travaux et semis de l’automne dernier et de ce printemps donneront des céréales, des légumes, du sucre et des aliments pour nos animaux pour une bonne année encore. Mais ceci est évidemment fortement conditionné au fait que nos trésoreries déjà en forte difficulté nous permettent de continuer notre activité! Il faudra donc que cette transition tant réclamée par certains tiennent cette fois-ci compte de la réalité sociale et économique de nos exploitations!

Il faudra également un budget et une PAC forts et ambitieux, reposant sur les trois piliers de la durabilité. Il en va de la souveraineté alimentaire de l’Europe et du monde! Souveraineté alimentaire ne signifie pas autarcie, mais juste avoir un minimum d’indépendance alimentaire. Ce n’est nullement contradictoire avec des importations et des exportations. Toutefois, celles-ci ne doivent pas venir casser les capacités locales et leur marge de développement.

 

Pour continuer notre travail d’agriculteur, nous devons préserver nos sols, la biodiversité et notre environnement afin de donner aux jeunes la possibilité de poursuivre. L’agriculture fait partie des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais nous devons aussi avoir des liquidités pour pouvoir continuer à produire. Cette question se pose dans de nombreuses exploitations agricoles et horticoles aujourd’hui. Comment, si on ne récolte pas les fraises ces mois-ci, pouvoir acheter les plants pour continuer l’activité l’année prochaine?

Sur le plan social, notre secteur qui, dès les premières mesures de crise, a été reconnu comme essentiel, n’acceptera plus de subir les attaques qu’il subissait de la part d’extérieurs au secteur, qui prenaient la parole en se faisant passer pour des pseudo-experts, avec comme seul objectif de positionner LEUR modèle d’agriculture comme le seul modèle à suivre.

Aujourd’hui, c’est notre agriculture familiale très diversifiée, celle que la FWA promeut et soutient, qui va nous permettre de fournir en matières premières tant nos concitoyens que le secteur de la transformation alimentaire.
A la sortie de cette crise, on ne pourra pas faire l’impasse sur la question de la main d’oeuvre. Je reprendrai l’exemple des fraises ou des asperges, où on vit aujourd’hui concrètement ce que l’on explique depuis longtemps dans certains cercles et débats: nous  manquons de main d’oeuvre locale!

A court terme, les décisions prises produiront leurs effets jusqu’à la fin de l’année, comme le doublement des jours autorisés pour les saisonniers en horticulture et agriculture, passé pour ce dernier secteur de 30 à 60 jours. Des réflexions sont également en cours au fédéral afin de permettre aux personnes en chômage technique pour cause au corona virus, de travailler volontairement dans le secteur primaire avec un incitant financier. Les chômeurs de longue durée peuvent également travailler via le système des chèques ALE.

La FWA, en continuant tous les jours le soutien à ses membres, suit l’évolution des comportements tant des flux alimentaires que des marchés, et prépare le travail de sortie de crise. En collaboration avec les organisations professionnelles agricoles membres du COPA, nous continuons également notre travail au niveau européen. Nous pouvons avoir des craintes pour la souveraineté alimentaire d’autres régions du monde en raison de la propagation du virus et de la pauvreté de certains états et populations. Avec les
organisations professionnelles agricoles du sud, via le Collectif Stratégies Alimentaires, on a mis en place une plateforme entre leaders paysans où nous dialoguerons sur les conséquences du corona virus pour chacun de nos pays et les stratégies
que nos OPA mettent en place ou réclament à leurs politiques. Cette crise cause beaucoup d’incertitudes et de craintes, mais aussi des opportunités.

La FWA a la ferme volonté de continuer à valoriser notre agriculture familiale et le principe enfin reconnu lors de cette crise, de l’exception agricole!

Ce week-end, nous célèbrerons Pâques, une fête qui s’organise traditionnellement en famille élargie et que nous devrons vivre cette année en plus petit comité.
Je vous souhaite d’en profiter le mieux possible, et de savourer pleinement ce moment privilégié avec vos proches!