Face à nos craintes bien légitimes, une réponse s’impose: solidarité et confiance!

Vendredi dernier, la Première Ministre nous a présenté un plan de déconfinement qui se fera, si l’évolution de la situation sanitaire le permet, en étapes successives.

La grande difficulté est de jongler en tenant compte des questions de sécurités sanitaires, économiques et sociales. Qu’on le veuille ou non, tout est lié.

Marianne Streel

 

Déconfinement signifie acceptation et respect de nouvelles règles de vie mais aussi renoncement. Cela signifie clairement, que nous devons apprendre à vivre autrement, et pendant sans aucun doute, encore de longs mois.

Cette situation est difficile à vivre car elle bouscule nos habitudes de relations sociales et humaines. Nos familles et nos amis nous manquent. Nous devons nous réinventer et réinventer le lien social. Les technologies dont nous disposons sont une belle aide mais ne remplacent nullement les contacts réels.

A côté de l’urgence sanitaire qui doit rester la priorité, et du manque de liens familiaux qui augmente de jour en jour, coexistent les questions sociales et économiques. Le tout est lié.

Nous devons tous prendre soin de notre santé et de celle des autres. Mais on ne peut nier que l’avenir de notre santé dépend également de la santé économique de nos familles et de nos entreprises. Le monde agricole, qui depuis de nombreuses années vit ces difficultés de revenu et de manque de trésorerie dans les exploitations, en est bien conscient.

L’effet boule de neige des problèmes économiques sur la santé et le moral des membres de la famille qui peuvent déboucher sur la précarité, ne nous est malheureusement pas étranger. Précarité qui peut prendre plusieurs formes: repli sur soi, soucis de santé mentale, violences verbales ou physiques, précarité financière, etc.

C’est cela le cœur de la complexité de la gestion de cette crise. On ne peut pas y remédier et faire un déconfinement sans équilibre entre sanitaire, relations humaines, crise sociale et économique... tout est imbriqué et peut avoir un effet domino.

Nous devons vraiment intégrer qu’une société parfaite et «risque zéro» n’existe pas. Nous devons également apprendre à vivre sans certitude sur les jours et mois à venir et en acceptant les «marches en avant et en arrière» que réclamera ce difficile équilibre à sauvegarder lors des prises de décisions de nos politiques. Face à un avenir qui nous apparaît comme incertain et qui peut donc engendrer des craintes bien légitimes, nous devons nous rappeler que jamais au grand jamais l’Homme n’a pu ni tout gérer, ni tout contrôler. Ce sentiment de perte de contrôle, on doit aussi s’y habituer. C’est une des leçons de cette crise.

Tout cela signifie également qu’à côté de cette nouvelle façon de vivre qui nous sera imposée, il est primordial de se poser la question de ce que nous désirons pour demain, des choses que nous désirons préserver et de ce que nous sommes prêts à faire évoluer.

Ceci doit se poser sur base des intérêts du plus grand nombre et non selon, ce que l’on voit déjà réapparaître depuis certains jours, l’intérêt particulier et la sensibilité de groupes bien spécifiques.

La construction d’une société doit se faire sur base du respect et non des perpétuelles attaques et oppositions de modèles. La solution n’est ni dans le libéralisme à tous crins, ni dans le collectivisme à tous crins. Ici aussi, il y a nécessité de trouver un certain équilibre qui devra tenir compte des réactions et évolutions des différentes forces mondiales et de leur repositionnement et capacité à rebondir après le confinement.

Il sera également nécessaire de faire une analyse de ce qui s’est passé et de tirer les leçons de cette crise en comblant certains manques et en faisant ici aussi, des choix de repositionnements sociétaux

En Wallonie, comme dans le reste de l’Europe, la dépendance pour certains de nos besoins essentiels, à la Chine notamment, a été fortement mise en évidence lors de cette crise.

Dépendance à un pays où les coûts de production, les coûts de main d’œuvre en particulier, nous permettent à nous consommateurs d’avoir accès à des produits à prix défiant toute concurrence et impossible à produire à ces conditions chez nous. Conditions de travail, que, et il est bon de le rappeler, nous n’accepterions pas chez nous.

Depuis le début du confinement, on a pu -et c’est magnifique- observer une augmentation de près de 15% des achats locaux, durables et de saison. Ceci ne signifie cependant nullement que le prix ne reste pas un des critères premiers de choix pour les consommateurs. Il suffit de voir leur questionnement bien légitime sur l’évolution éventuelle à la hausse que pourraient avoir pris certains de nos produits alimentaires.

Un éventuel changement de société ne passera donc que par des changements de comportements, de principes de vie et de valeurs données à ce que l’on considère comme nos besoins. Nous devrons donc notamment accepter de rendre de la valeur financière aux biens et besoins que l’on achète.

Toutes ces discussions, la FWA a déjà eu l’occasion de les avoir autour de la table de négociation avec Le Ministre-Président Di Rupo, lorsqu’il a consulté le banc patronal avant la formation de l’actuel Gouvernement wallon. Nous étions tous d’accord, y compris les négociateurs, que la priorité pour la Wallonie était de relocaliser chez nous, une partie de la transformation de nos matières premières wallonnes avec comme objectifs la création de valeurs ajoutées sur notre territoire ainsi que la diminution de notre impact environnemental. Et tout ça, en appliquant le principe de l’économie circulaire, principe de base en agriculture depuis la nuit des temps !

Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui réclament de baser les changements nécessaires sur ces priorités ! Peut-être que cette crise aura comme bénéfice d’accélérer ces mouvements tant réclamés par le monde agricole depuis des années.

Nous sommes prêts à mettre à disposition des entreprises, nos matières premières agricoles tant alimentaires, que non alimentaires comme par exemple le chanvre, qui ne demande qu’à rebondir après un échec cuisant ou encore le lin textile, matière noble si l’en est, destiné depuis des années au marché chinois!

En Wallonie, nous avons des matières premières diverses et de haute qualité, de la haute technologie, des idées innovantes, des entrepreneurs performants.

Nous avons notre élevage fortement lié au sol, pour assurer de transformer ces matières végétales en économie circulaire. La solution pour notre planète ne passera que par là!

Relocaliser le plus possible nos productions sera nécessaire, mais en parallèle, il est primordial de préserver ce que l’on a déjà comme filières présentes sur notre territoire. La filière de la pomme de terre, importante pour l’économie belge, doit être soutenue! Sans parler de l’élevage bovin qui, en grand danger depuis des années, à toute sa place tant dans la lutte contre le réchauffement climatique que pour assurer une économie circulaire efficiente... sans oublier la juste place de nos produits carnés et laitiers dans l’assiette équilibrée!

Recréer de la valeur ajoutée chez nous, signifie également, sur un marché comme le nôtre qui est ouvert, de réfléchir à nos échanges avec le reste du monde qui doivent se réfléchir en veillant au respect de la souveraineté alimentaire de chaque partie du monde et à son développement, ainsi qu’à l’équilibre entre pays du Nord et du Sud. Rappelons-nous des dégâts humains qu’une crise alimentaire a comme impact sur certaines parties du monde.

A nous, agriculteurs et agricultrices, dans ce monde plus que jamais incertain mais où l’agriculture a retrouvé la juste reconnaissance de son rôle essentiel, de saisir les opportunités qui se présenteront à notre secteur. Je citerais comme exemple cette envie du consommateur de se procurer nos produits locaux, ce besoin de relocalisation de la transformation de nos matières premières ou la prise de conscience de l’importance d’avoir un secteur agricole qui travaille jour après jour, en toutes circonstances, afin d’assurer la souveraineté alimentaire de notre pays!

Nous devons, agriculteurs et agricultrices, être plus que jamais solidaires !

Maintenant, aux décideurs et aux autres acteurs de la filière alimentaire de se rendre compte que pour que tout cela soit possible, le secteur agricole a plus que jamais besoin d’un revenu, simple question de durabilité!