Ce mardi 23 novembre, les députés européens, réunis en séance plénière à Strasbourg, ont adopté à une large majorité avec près de 70% de votes favorables, les textes des 3 règlements de base de la Politique Agricole Commune 2023-2027. La FWA, qui s’est mobilisée jusqu’au dernier moment pour que ce vote ne soit pas une nouvelle fois reporté à une date ultérieure, se réjouit de cette issue qui définit désormais le cadre politique dans lequel nos exploitations devront fonctionner dans le futur. Ce vote représente une étape indispensable dans la future mise en œuvre de la nouvelle PAC.

José Renard

 

En approuvant la législation de base de la PAC, nos parlementaires européens ont donné un signal clair à l’agriculture en définissant un cadre de travail qui permette à notre agriculture familiale d’assurer ses missions, son avenir et la poursuite du chemin entamé vers davantage de durabilité. Mais une durabilité où les dimensions économique, sociale et même agronomique sont dûment prises en compte. Rappelons aussi que ces textes de base devront être précisés par des règlements d’application et que chaque Etat membre, Région exceptionnellement en Belgique, doit élaborer son propre plan stratégique qui définira les interventions qui seront appliquées sur son territoire, le tout devant être d’application au 1er janvier 2023. Ce qui ne laissera très probablement que quelques mois aux agriculteurs pour complètement intégrer la nouvelle réforme ! Certaines dispositions risquent fort de n’être officielles et diffusées qu’après le début des semis de l’automne 2022.

La FWA tient à remercier les députés européens de tout bord qui ont compris la nécessité d’avancer et ont pris leurs responsabilités à cet égard. A plusieurs reprises nous avons souligné que pour la FWA, ni le rejet de l’ensemble ni le report de 2 ou 3 années supplémentaires comme proposé dans certains amendements déposés au Parlement européen ne pouvaient, et ne peuvent toujours pas, constituer une option soutenable. Nous pouvons entendre et même partager certains arguments des opposants comme l’absence totale de cohérence en particulier avec la politique commerciale et les accords commerciaux bilatéraux ou le caractère de moins en moins commun de cette politique agricole qui reste la première politique européenne intégrée. Mais la somme des arguments favorables l’emporte. Cette opinion était partagée par une très large majorité de 70 % des votants. Pourtant, force est de constater que les attaques contre le contenu de la PAC se sont poursuivies avec de nouvelles offensives médiatiques tous azimuts. La transparence voulue par le Parlement européen conduit à publier la liste des votes nominatifs. A cet égard, la FWA refuse d’entrer dans la surenchère qui consiste à pointer du doigt, individuellement, les députés en fonction de leur vote. Pour la FWA, c’est le résultat final qui compte.

Le vote au Parlement européen nous a également valu un regain d’intérêt médiatique : plusieurs demandes d’interviews de la presse écrite et audio-visuelle, participation de notre présidente Marianne Streel à un débat plus qu'animé sur LN24 et de mon côté présence à un débat avec 2 députés européens opposés sur la chaîne BX1. Nous avons tous les deux rappelé que, si la PAC votée n'est pas parfaite, il était indispensable que les agriculteurs connaissent enfin le cadre futur qu'ils devront mettre en place dans leurs exploitations et donc pourquoi la FWA a appelé à voter cette PAC. Reprenons quelques-uns des principaux arguments à la base des positions que la FWA a défendues.

 

Pourquoi valait-il mieux voter une PAC imparfaite que d’attendre en redéfinir une autre ? Parce la PAC actuelle semble, en particulier aux yeux des ONG et autres environnementalistes qui appelaient à ne pas voter, encore plus imparfaite. Si on ne vote pas cette PAC, on reste avec l’ancienne, on continue sur ce que certains dénoncent comme n’ayant pas fonctionné, n’ayant pas eu d’effets bénéfiques pour l’environnement et on ne se donne pas de chance de s’améliorer. Cherchez la logique ! Pour de nombreux agriculteurs, la future PAC sera un grand tournant dans la manière de travailler, quoiqu’en disent certains qui ne côtoient pas assez les agriculteurs pour s’en rendre compte. Si on ne votait pas maintenant ce changement, même imparfait, le virage aurait été d’autant plus sévère la prochaine fois avec le risque de laisser des agriculteurs sur le carreau et pas toujours au bénéfice de l’environnement!

 

La distribution des aides ne serait pas équitable et favoriserait les grandes exploitations avec la proportion magique de 80% des aides PAC allant à 20% des agriculteurs qui revient sans cesse depuis la réforme Mac Sharry de 1992. Cet argument ne correspond pas du tout à la situation wallonne où 45% du budget vont à un peu moins de 80% des agriculteurs. En outre le paiement redistributif appliqué sur une base volontaire depuis 2014 avec un budget correspondant à 17 % de l’enveloppe globale permet de surprimer les 30 premiers hectares de l’exploitation. Ce paiement devient maintenant obligatoire avec un minimum de 10% de l’enveloppe des aides directes… on est déjà largement au-dessus. Le nouveau règlement prévoit en plus, la possibilité de plafonner le montant des paiements de base à accorder à un agriculteur dépassant 100.000 € et d’introduire la dégressivité du montant des paiements de base à octroyer à un agriculteur dépassant 60.000 €.  

La nouvelle PAC ne soutiendrait pas assez le secteur bio. Cet argument est complètement faux pour la Wallonie qui soutient la conversion ET le maintien avec des budgets non négligeables (100 millions sur 660 millions, soit 15% du PwDR 2014-2020). La Wallonie est quasiment si pas la seule région qui octroie des aides aux producteurs bio au-delà des 5 premières années d’engagement.

Cette PAC est-elle plus verte que la précédente, et comment répond-elle aux enjeux climatiques et environnementaux ? Indéniablement et pour plusieurs raisons : d’abord la suppression du paiement vert qui représentait 30% du budget des aides directes et était octroyé aux agriculteurs pour autant qu’ils respectent 3 conditions (maintien des prairies permanentes, diversification des cultures et SIE) ET l’inclusion de ces exigences dans la conditionnalité, sans soutien dédié. De plus les exigences du verdissement sont renforcées dans la conditionnalité: la diversification devient rotation des cultures et une obligation de minimum 3% de terres arables dédiées à des surfaces non productives est introduite. Le grand changement est apporté par la nouvelle mesure des éco-régimes, soit des aides pour des actions en faveur de l’environnement et du climat qui vont au-delà de la conditionnalité et qui sont différentes des mesures agro-environnementales et climatiques du 2ème pilier de la PAC. Les Etats membres devront consacrer au minimum 25 % du budget à ces éco-régimes. Ce sont le Conseil et le Parlement européen qui ont imposé ce budget minimal, la Commission s’étant contentée de proposer le mécanisme. En conséquence, les agriculteurs devront s’engager dans des éco-régimes s’ils veulent conserver un soutien un tant soit peu équivalent à maintenant MAIS en appliquant des mesures environnementales qui vont leur demander des efforts voire leur coûter de l’argent.

 

En Wallonie, à écouter certains, on devrait aller vers une PAC qui favorise l’entretien du paysage plutôt que la production alimentaire. A leurs yeux, la fonction nourricière de l’agriculture devient accessoire du moment qu’on préserve la biodiversité, les ressources naturelles et que l’on applique des mesures à effet climatique. Mais qu’arrivera-t-il quand on ne produira plus, dans une Wallonie sans agriculture et sans agriculteur ? Cette situation n’est pas que la mauvaise fiction et pourrait se produire plus vite qu’on ne le pense et conduire au non-sens stratégique et climatique d’importer notre alimentation et la faire dépendre du bon vouloir des pays tiers qui ne respectent pas nos normes de production européennes.

 

Autre argument fréquemment avancé par les opposants : cette PAC favoriserait un modèle industriel d’agriculture basé sur de grandes exploitations. Qu’est-ce qu’un modèle industriel ? C’est une question de surface ? De nombre d’animaux ? D’utilisation d’engrais et de phytos ? Avec des aides payées par hectare, il est indéniable que plus l’exploitation est grande, plus elle perçoit des aides. Mais pour autant une grande exploitation est-elle automatiquement une exploitation industrielle ? Si la ferme familiale permet de faire vivre plusieurs agriculteurs, plusieurs ménages, ce n’est certainement pas un « modèle industriel » dès lors que l’on examine la répartition des aides en fonction de la main d’œuvre présente sur les exploitations. A en croire certains, small serait automatiquement beautiful, ce qui est loin d’être avéré, y compris du point de vue environnemental. Trois rappels au passage : la taille moyenne d’une exploitation wallonne, c’est 58 ha, on est bien en-dessous des dimensions ukrainiennes ou australiennes ; les aides au secteur bio sont également payées par ha et pourraient donc connaître la même dérive de course à la surface ; enfin c’est ce mécanisme d’aide à la surface qui permet d’octroyer des aides directes importantes, parfois plusieurs centaines d’ha, pour des activités de pâturage de surfaces naturelles.

 

Enfin, nous l’avons déjà dit et répété maintes fois, la législation européenne ne fait que définir un cadre. Ce sont les Etats membres, chez nous la Région, qui devront remplir ce cadre par l’élaboration d’un plan stratégique dont toutes les étapes ont été très largement concertées avec un grand nombre de parties prenantes, pas seulement les organisations professionnelles agricoles reconnues ou non, mais aussi un grand groupe d’ONG et d’acteurs de la ruralité. Les plans stratégiques reposent sur un diagnostic de la situation de la Wallonie (analyse SWOT reprenant les forces, faiblesses, opportunités et menaces du territoire) et sur l’identification et la priorisation des besoins pour répondre aux objectifs de la PAC et aux défis identifiés par la SWOT. Et enfin les plans devront se traduire en choix des interventions pour répondre à ces besoins. La FWA, depuis de très nombreux mois multiplie les actions, interpellations et rencontres des décideurs sur le contenu de ce plan stratégique.

 

Au moment de rédiger cet éditorial, nous apprenons que le Gouvernement wallon du 03 décembre aura le plan stratégique de la PAC à son agenda. La FWA ne peut pas laisser ce moment passer sous silence. Il sera crucial d’être bien présent et de rester mobilisés, tous ensemble, pour rappeler à tous les membres du Gouvernement nos priorités et préoccupations concernant ce plan stratégique.