Les discussions sur la Politique agricole commune post 2020 durent maintenant depuis 3 ans et demi, à tel point que l’entrée en vigueur initialement prévue le 1er janvier 2021 a été retardée de 2 ans et reportée au 1er janvier 2023. Le vote en plénière du Parlement européen des textes de base de la PAC 2023-2027, programmé le 23 novembre, soit le jour du bouclage de votre Pleinchamp, permettra enfin leur adoption par les co-législateurs européens. Toutefois, malgré l’adoption des textes par une large majorité en commission de l’Agriculture, leur vote en plénière ne semble pas s’apparenter à une simple formalité. Or il est indispensable pour l’ensemble des agriculteurs européens que la PAC, qui conditionnera le futur de nos exploitations dans les années qui viennent, soit enfin mise en oeuvre.

José Renard

 

Rappelons que les négociations sur la future PAC étaient conditionnées à la conclusion d’un accord sur le cadre financier pluriannuel, seulement intervenu le 21 juillet 2020 avec beaucoup de retard dû au Brexit et à la pandémie qui est venue bouleverser les cartes. Fin octobre de l’année dernière, le Conseil des Ministres européen et le Parlement européen adoptaient quasi simultanément leur position commune sur le contenu de la PAC. Déjà à l’époque la FWA soulignait le besoin crucial pour nos exploitations de connaître le cadre dans lequel elles devront fonctionner dans le futur, afin de prendre les décisions adaptées dans les orientations de leurs activités. Pour ces raisons, la FWA rappelait l’impératif de progresser après plus de 2 ans de discussions et l’urgence d’avancer dans la mise en oeuvre de la nouvelle PAC. Il faut aussi bien garder en tête qu’après l’adoption des règlements de base, des législations d’application seront encore nécessaires et que les administrations régionales doivent établir leur plan stratégique. Un an plus tard, on peut de plus en plus craindre, vu l’évolution des travaux, qu’il ne restera au final que quelques mois aux agriculteurs pour complètement intégrer la nouvelle réforme avant son entrée en vigueur le 1er janvier 2023 et encore… si on y arrive! Certaines dispositions risquent de n’être officielles et diffusées qu’après le début des semis de l’automne 2022. Pour la FWA, ni le rejet de l’ensemble ni le report de 2 ou 3 années supplémentaires comme proposé dans certains amendements déposés au Parlement européen ne pouvaient pas et ne peuvent toujours pas constituer une option soutenable. Ce serait un manque de respect flagrant à l’égard des familles agricoles qui demandent depuis des mois la clarté sur le contenu de la PAC.

 

Il aura encore fallu 8 mois émaillés de fortes tensions et sous la pression de la Commission européenne qui voulait y intégrer les objectifs du Pacte vert européen dont on nous dit maintenant qu’ils ne seront pas juridiquement contraignants, pour que les trilogues interinstitutionnels aboutissent à un accord politique. Et ensuite pratiquement un semestre aura encore été nécessaire pour traduire cet accord politique en textes législatifs disponibles dans toutes les langues de l’Union européenne. Or, malgré tout ce retard accumulé, il se trouve à nouveau des voix pour appeler le Parlement européen à ne pas voter la PAC: pétitions, manifestations «d’agriculteurs» dont on peut légitimement se demander s’ils n’ont pas été instrumentalisés par certaines ONG avec des arguments (distributions des aides, PAC insuffisamment verte, influence des lobbys agro-industriels, j’en passe et des meilleurs) qui relèvent parfois du slogan, oubliant au passage que les agriculteurs européens devront trouver des solutions pour relever de multiples défis sans pour autant d’ailleurs que les moyens financiers correspondants suivent.

 

Il est clair que la PAC actuellement sur la table est le résultat de longues discussions et par conséquent est le fruit d’un compromis politique. Ce n’est assurément pas la 8ème merveille du monde, ni ne représente ce que nous aurions souhaité dans nos rêves les plus fous. Mais c’est un équilibre où chacun peut retrouver une partie de ses aspirations.

 

Les agriculteurs européens, et a fortiori wallons, sont bien conscients du rôle capital que leur secteur joue en matière de réponse au défi climatique, sont déterminés à relever ces défis et à contribuer pleinement à la recherche de solutions, comme ils le font déjà depuis très longtemps. Pour la FWA, les décisions sur la réforme de la PAC ne peuvent en aucun cas être le prétexte à une révolution verte qui viendrait méconnaître tous les efforts déjà consentis par nos agriculteurs depuis de nombreuses années. Pour rappel, 53% des moyens du plan wallon de développement rural (PwDR) 2014-2020 sont consacrés à des mesures à effet environnemental, pratiquement la moitié des agriculteurs wallons ont souscrit des engagements agrienvironnementaux, un agriculteur wallon sur neuf applique les méthodes de l’agriculture biologique. Chaque année, la conditionnalité appliquée à l’ensemble des aides directes attribuées à une exploitation conduit à des réductions parfois importantes, voire même la suppression, des aides suite à des constats de manquements à certaines exigences réglementaires ou bonnes conditions environnementales.

 

Le cadre de la PAC 2023-2027 et les stratégies du green deal qui l’accompagnent fixent des objectifs ambitieux en termes de durabilité renforcée, de lutte contre le changement climatique, de maintien et de développement des ressources naturelles et de préservation de la biodiversité. La PAC qui sera soumise au vote du Parlement européen est indéniablement bien plus verte que la précédente. Les 48% du territoire européen que couvre la PAC vont devoir respecter cette nouvelle architecture verte. Ce sont des mesures en faveur de l’environnement qui sont présentes à tous les niveaux: conditionnalité renforcée qui détermine l’accès aux aides PAC et leur paiement intégral avec imposition de garder des superficies non productives, éco-régimes pour minimum 25% du budget avec des mesures agro-environnementales complémentaires, soutien à l’agriculture biologique, …

 

Cette PAC encore plus verte donnera à chaque Etat membre des priorités établies sur la base d’un diagnostic de sa propre situation de départ, visant à répondre aux défis environnementaux déjà évoqués mais aussi le revenu des agriculteurs, la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture. Ce dernier représente l’un des plus grands défis auxquels est confronté notre secteur. L’instabilité politique, la précarité des revenus et leur volatilité constituent à cet égard d’importants facteurs de découragement et de perte de sens du métier.

 

Aussi, pour la FWA, il est plus qu’urgent de sortir d’une opposition entre modèles, et de nous rassembler autour de notre agriculture familiale pour lui construire un cadre de travail qui lui permette d’assurer ses missions, son avenir et la poursuite de son chemin vers toujours davantage de durabilité, d’une durabilité véritable où les dimensions économique, sociale et même agronomique sont dûment prises en compte.

 

Freiner la mise en œuvre de cette future PAC, c’est ralentir la capacité des agriculteurs européens à empoigner ces défis cruciaux avec détermination, en ayant à leur disposition des outils adaptés en fonction de leur territoire. Il est nécessaire d’accompagner les agriculteurs, TOUS les agriculteurs, dans la poursuite de cette transition verte, déjà largement en cours en Europe. Il est temps de cesser de pointer notre agriculture comme un problème et d’enfin la voir comme source de solutions. Nos parlementaires européens doivent lui donner par leur vote tous les outils nécessaires pour renforcer sa place au sein de nos sociétés et son rôle de secteur porteur de solutions!

Pour exhorter nos élus belges au Parlement européen à voter pour qu’enfin, les agriculteurs puissent sortir de l’incertitude dans laquelle ils se trouvent aujourd’hui, la FWA leur a adressé ce lundi un nouveau courrier doublé d’un communiqué de presse.

 

La FWA appelle aussi notre Gouvernement wallon à définir dans les délais impartis (d’ici fin 2021) un plan stratégique régional solide, fondé sur une ferme volonté de soutenir l’agriculture familiale wallonne dans ses missions essentielles, en préservant l’équilibre entre ses secteurs et en tenant compte de nos réalités économiques et agronomiques.