Une issue intolérable

Réunis en séance plénière le 12 mars dernier à Strasbourg, les Eurodéputés ont voté la révision de la directive sur les émissions industrielles (IED – voir Pleinchamp n°11 – 14/03). Avec 393 voix pour, 173 voix contre et 49 abstentions, ils ont entériné le compromis conclu par le trilogue (réunissant des représentants du Parlement, du Conseil et de la Commission) en novembre dernier. Un texte qui, s’il consent des concessions à l’agriculture par rapport à sa version révisée initiale – en maintenant l’exclusion des élevages bovins –, n’en place pas moins le secteur sur le même pied d’égalité que l’industrie lourde. Ce qui, intellectuellement parlant, reste intolérable.

Ronald Pirlot

La directive européenne sur les émissions industrielles (IED) établit des règles pour réduire la pollution et orienter les grandes installations agro-industrielles vers la transition écologique. Sa révision, entamée depuis plusieurs mois, visait à renforcer cette directive auprès des installations industrielles les plus polluantes en Europe, que l’on estime au nombre de 50.000.

Ça, c’est pour la théorie, car sur le terrain, l’on sent poindre dès l’entame des réflexions des velléités environnementalistes visant à soumettre le plus grand nombre d’exploitations agricoles sous la coupe de cette directive. Comment? En y incluant notamment les élevages bovins d’une certaine taille. Une ineptie, comme le démontrait la FWA et le Copa-Cogeca lors d’une visite sur le terrain avec des représentants d’élus européens. Placer nos élevages familiaux wallons sur le même pied d’égalité que l’industrie lourde était non seulement aberrant, mais aussi et surtout choquant!

L’éclaircie Lutgen

Toujours est-il que le texte de révision original proposé par la Commission européenne fait bel et bien état d’une volonté d’inclure l’élevage bovin dans l’équation. Comme le veut la procédure, il est soumis au vote de la Commission de l’Agriculture du Parlement européen et à son homologue de l’Environnement. Fort heureusement, la première décidera de rejeter les bovins hors du champ d’application de la directive, comme le confirmera la séance plénière quelques semaines plus tard. Il est à souligner le rôle prépondérant jouer à cet égard par l’Eurodéputé belge Benoît Lutgen, nommé rapporteur dans ce dossier.

La suite? Le dossier fera l’objet d’un examen par le trilogue (réunissant des représentants de la Commission, du Conseil et du Parlement européens) en novembre dernier. Le compromis qui en émane confirme l’exclusion des élevages bovins, mais abaisse les seuils d’application en ce qui concerne les élevages de porcs et de volailles, à l’exception des exploitations porcines extensives ou biologiques, qui garantissent une présence de l’animal à l’extérieur durant une partie importante de l’année. Désormais seront soumis à cette directive:

  • les porcheries de 350 Unités gros bétail (UGB) ou plus. Ce qui équivaut à 1.167 porcs, au lieu de 2.000 précédemment ;
  • les poulaillers de poules pondeuses de 300 UGB ou plus (21.429 poules pondeuses au lieu de 40.000 précédemment) et 280 UGB pour les poulets de chair (40.000 poulets, soit un statu quo) ;
  • les exploitations mixtes porcs & volailles de 380 UGB ou plus.  

Une réévaluation en 2026

Pour la FWA et le Copa-Cogeca, il s’agit d’une occasion manquée de définitivement exclure l’agriculture de cette directive IED. Une directive qui fera l’objet d’une réévaluation par l’exécutif européen en 2026 pour savoir s’il faut étendre la directive à d’autres élevages et adopter une clause de réciprocité pour que les exportateurs de produits agricoles vers l’UE soient soumis aux mêmes règles. Autant dire qu’un chapitre vient d’être écrit, mais qu’on est loin du point final…

La gauche vote pour… à l’exception du PTB

S’il est bien une question énormément débattue au cours de ces dernières semaines de grogne agricole, c’est bien celle-là: «Qui a voté quoi?». A chaque fois, chacun se félicite d’avoir voté «contre» ou «pour» tel ou tel dossier en défaveur de l’agriculture, principalement au niveau de l’Europe, puisque le système de vote «de parti» y est nettement moins institutionnalisé. Nous avons donc décidé de faire un petit rappel, au cours des prochaines semaines, de qui a effectivement voté quel texte.

La révision de la directive IED a donc été votée par 393 voix pour, 173 voix contre et 49 abstentions. Côté francophone, il convient de relever un tir groupé de la gauche (PS et Ecolo) en faveur de la directive, à l’exception de Marc Botenga (PTB). «c'est surtout l'élargissement du champ d'application de cette directive au secteur agricole sans réelle différenciation significative qui pose question, notamment pour ces élevages qui ne font pas du tout partie de la catégorie des grands élevages. Cela nous a paru problématique, aussi par rapport aux sanctions inclues dans le texte. Il faudrait au contraire offrir des garanties aux agriculteurs qui sont aujourd'hui pris entre le marteau des accords de libre échange et de la Politique agricole commune qui poussent à l'agriculture intensive d'une part, et l'enclume d'autre part de certaines exigences environnementales accompagnées d'une charge administrative intenable. Et malheureusement cette Directive ne va pas dans ce sens-là» commente l’élu PTB. De leur côté, les Centristes (Les Engagés & CSP) ont voté contre, tandis que les députés MR se sont abstenus.

Qui a voté quoi ? - IED