Il ne se passe pas un jour sans que nos membres nous alertent sur la multiplication exponentielle des dégâts de gibier, en particulier de sangliers, en prairie et dans les cultures, ou sur les difficultés d’implantation des cultures dues à la présence de corvidés ou de ramiers. La patience a disparu et tous les intervenants dans ce domaine de la régulation des espèces sauvages doivent assumer leurs responsabilités en la matière. Aujourd’hui ce que les agriculteurs attendent ce ne sont pas des annonces, mais des résultats.

José Renard

 

Prairies littéralement labourées par le travail nocturne des sangliers, compagnies imposantes de sangliers vagabondant dans toutes les cultures même des vignes, hardes de cervidés en train de pâturer le blé en herbe ou de se repaitre de l’herbe printanière, sans compter d’importants vols de ramiers ou de corvidés qui viennent piller les semis à peine réalisés de pois ou de céréales de printemps; ce sont autant de situations vécues au quotidien par nos membres. Ceux-ci n’en peuvent plus de devoir réparer les dégâts en prairies ou en cultures, ressemer ou constater impuissants la perte de rendement de la première coupe de fourrage. Les agriculteurs sont découragés, voire désespérés, de devoir supporter seuls un préjudice économique qui va croissant au fil des années et de la répétition des dégâts. Il y a une véritable urgence en la matière. Et en l’absence de prédateurs naturels, un maître mot doit s’imposer: la régulation avec une attitude responsable de la part de l’ensemble des acteurs concernés.

Arriver à des densités de gibier compatibles avec le milieu naturel, c’est probablement le meilleur moyen d’éviter les dégâts aux cultures mais également ce ne peut qu’être positif pour la biodiversité. L’abroutissement des jeunes pousses par les cervidés constitue un frein de taille à la régénération naturelle des forêts. Il est bien établi que l’abondance de sangliers est une cause de déclin de certaines espèces de reptiles ou d’oiseaux nichant au sol.

Clairement concernant le sanglier, le rythme des mesures adoptées ou encore en projet est beaucoup trop lent. Bien sûr, on peut toujours incriminer le changement climatique avec des fructifications automnales particulièrement abondantes et très favorables à la fertilité des laies, sans compter que des hivers très doux ne viennent que maintenir cette reproduction très élevée. Bien sûr, on peut toujours mettre en avant les difficultés de quantifier de façon pertinente les populations de sangliers. La FWA connaît ces difficultés mais les situations catastrophiques sur le terrain en matière de dégâts sont bien réelles et constituent autant d’indicateurs objectifs de l’explosion des populations. Le sanglier, animal forestier de nature, a quitté son habitat naturel pour s’établir de plus en plus en plaine, y compris dans des zones où il n’était pas naturellement présent.

Pour la FWA, ces situations ne font que renforcer l’urgence de mesures fortes de régulation. Tous les acteurs concernés doivent se considérer comme soumis à une obligation de résultat. La mobilisation générale et les mesures d’accompagnement décidées par la Région wallonne dans le cadre des deux ans de lutte contre la peste porcine africaine en Gaume ont permis d’y éliminer pratiquement totalement le sanglier et de revenir au statut indemne qui donnera un peu d’air à nos éleveurs de porcs particulièrement malmenés depuis septembre 2018. Cette mobilisation doit être la même pour l’ensemble de la Wallonie pour revenir très rapidement à des densités de sangliers localisés en forêts et supportables pour éviter les dégâts aux cultures au Sud de la Meuse. Au Nord de la Meuse, tous les moyens doivent être mis en œuvre pour aboutir à très court terme à l’éradication du sanglier dans cette zone. Il est indispensable de combiner diverses méthodes (battues, piégeages, gestion du nourrissage,….) pour parvenir à très court terme à ce niveau 0 sanglier et sortir de la situation actuelle qui semble tout simplement hors de contrôle. Le sanglier est un animal très intelligent qui s’adapte très rapidement à de nouveaux environnements. Plus on tarde dans la lutte, mieux il s’adaptera et plus difficile sera l’éradication.

En théorie, la législation actuelle offre déjà certaines possibilités aux agriculteurs. Dans la pratique, la réalité est tout autre. Les battues de destruction qui restent possibles moyennant autorisation du DNF ne donnent pas les résultats escomptés, les tableaux de chasse restent bien maigres. Les possibilités de destruction par l’agriculteur restent limitées aux détenteurs d’un permis de chasse. Enfin, en matière de réparation des dégâts, alors que la loi de 1961 est très claire et prévoit l’indemnisation, même sans faute, par le titulaire du droit de chasse sur les bois voisins, force est de constater que de plus en plus de dossiers aboutissent devant la justice de paix faute de règlement amiable et, disons-le, face à la mauvaise volonté de certains.

S’agissant des dégâts de ramiers, nous avons eu la très mauvaise surprise de constater que les décisions du DNF octroyant des autorisations de destruction à des agriculteurs simplement désireux de protéger leurs cultures faisaient l’objet de recours en annulation devant le Conseil d’Etat, la plus haute autorité administrative de pays. La FWA, avec notre service juridique, un cabinet d’avocats partenaire et l’assurance DAS, a décidé d’aider deux de nos membres concernés par les recours à intervenir dans la cadre de cette procédure et à introduire une requête en intervention auprès du Conseil d’Etat. C’est cela aussi la défense individuelle de nos membres mais qui peut déboucher sur un résultat collectif, d’abord pour l’ensemble des agriculteurs concernés par les dérogations contestées mais qui pourrait faire jurisprudence si d’autres contestations de mêmes autorisations par d’autres directions du DNF devaient intervenir.

Votre Pleinchamp présente un dossier consacré aux difficultés rencontrées avec les corvidés. Pour la FWA, il faut revenir à un meilleur équilibre concernant les densités actuelles de corvidés en Wallonie, ce qui favoriserait par ailleurs la petite faune des plaines agricoles. Ici aussi clairement, une régulation bien pensée qui prend en considération l’ensemble des contraintes dans un objectif de durabilité également économique et sociale s’impose de façon nette.

A la FWA aussi, la protection de la biodiversité est à l’ordre du jour. Nous vous présentons donc le témoignage d’un agriculteur qui a mis au point et réalisé une barre d’effarouchement destinée à protéger la petite faune des champs lors de travaux de fauche ou de destruction des couverts végétaux. C’est aussi l’occasion de mettre en avant les diverses mesures favorables à la biodiversité appliquées dans cette exploitation.

 

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